La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Le plan ferroviaire à 100 milliards d’euros est accueilli avec vigilance au Sénat
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Un vrai signal dans un domaine où la France a un train de retard ? La Première ministre a annoncé ce 24 février un plan de développement et de modernisation des transports, dans la foulée de la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Matignon a retenu le scénario intermédiaire des trois propositions sur lesquelles a travaillé l’organisme, composé d’élus et d’experts. « L’État souhaite s’engager, aux côtés de la SNCF, de l’Union européenne et des collectivités locales, pour réussir une nouvelle donne ferroviaire, de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici 2040 », a promis Élisabeth Borne.
Ce chiffre emblématique n’est pas sans rappeler les besoins exprimés par le président de la SNCF depuis l’été dernier, après la signature d’un contrat de performance avec l’État jugé décevant. Jean-Pierre Farandou évaluait les investissements nécessaires aux transports ferroviaires à 100 milliards d’euros sur 15 ans (revoir ses déclarations devant le Sénat), afin de pouvoir doubler l’usage du train dans la population.
Dans le détail, Matignon précise qu’un milliard d’euros supplémentaire sera consacré chaque année à la régénération du réseau et 500 millions d’euros par an pour sa modernisation. Un milliard d’euros, c’était l’évaluation de la rallonge minimale que réclamait la commission de l’aménagement du territoire au Sénat l’an dernier aux 2,8 milliards annuels prévus pour la rénovation du réseau.
« J’attends de voir comment sera financée la part sur laquelle l’État ne s’est pas engagé », réagit Philippe Tabarot
Après des mois à prêcher dans le désert avec ses collègues de tous bords, le rapporteur LR Philippe Tabarot accueille plutôt positivement l’ambition nouvelle et le sursaut affichés par le gouvernement. « On ne peut être que favorable à ce qui a été dit. C’était ce qu’on était en train de dire depuis des mois, pour ne pas dire des années. J’espère aujourd’hui que c’est un vrai nouveau départ et qu’on n’est pas dans sur des effets d’annonces », réagit-il auprès de Public Sénat. Conscient de l’espoir que va susciter le plan pour toute une filière et des millions d’usagers, le sénateur des Alpes-Maritimes demeure toutefois vigilant sur le mode de financement et le calendrier du déploiement du plan.
Selon le cadrage intermédiaire du COI, sur les 84,3 milliards d’euros d’autorisation d’engagement projetés d’ici la fin du quinquennat, environ un tiers serait financé par l’État, le reste étant assumé par d’autres acteurs. « J’attends de voir comment sera financée la part sur laquelle l’État ne s’est pas engagé », avertit Philippe Tabarot, présent ce matin à Matignon. C’est tout l’enjeu du reste à charge pour les collectivités chargées de la compétence transport.
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Dès mars, les préfets vont engager le début des négociations sur les volets mobilité des contrats de plan État-régions. Ces derniers devront être bouclés « d’ici l’été », selon la Première ministre, tout « comme l’ensemble de la programmation des infrastructures » au ministère des Transports. Dans un communiqué, l’Assemblée des départements de France demande à être associée, estimant que ces négociations ne peuvent se « limiter à un tête-à-tête entre l’État et les régions ».
Le rapport du COI « ouvre la voie à des discussions approfondies avec les régions », notamment « pour trouver les clés de financement et les calendriers de chaque projet », a résumé la cheffe du gouvernement. Elle a annoncé par ailleurs l’intention du gouvernement de « mettre à contribution les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre comme l’aérien, et ceux qui dégagent des profits importants, comme les sociétés d’autoroute ».
« Un chiffon pour attirer l’attention avant le 7 mars », considère le socialiste Olivier Jacquin
En déclinant son « plan d’avenir » pour le ferroviaire, la Première ministre a surtout fait la part belle aux transports collectifs du quotidien, et notamment aux projets de RER métropolitains, annoncés subitement par Emmanuel Macron cet automne, sans que l’on en retrouve la trace dans le dernier projet de loi de finances. Au vu de ce passif, auquel il rajoute le « tête à queue » présidentiel sur le développement de nouvelles lignes de TGV, le socialiste Olivier Jacquin accueille avec un scepticisme marqué l’annonce d’un plan d’investissement ce vendredi. Allant même jusqu’à parler de « mascarade ».
« On se fout de nous. Le président de la République commence son mandat sur le ferroviaire en avalisant un contrat de performance qui condamne le réseau à régresser et là on vous annonce 100 milliards. Je pense qu’on se moque vraiment du Parlement et des Français. Les régions n’ont pas le premier kopeck pour financer ça », s’exclame le sénateur de Meurthe-et-Moselle, auprès de Public Sénat. Le référant du groupe socialiste à la Haute assemblée y voit une opération communication, en pleine réforme des retraites. « Je crois que le gouvernement agite très fort un chiffon pour attirer l’attention juste avant cette mobilisation du 7 mars. »
Demandes d’une loi de programmation
Si Philippe Tabarot salue l’annonce d’une nouvelle trajectoire financière, le sénateur LR aurait toutefois aimé qu’une loi de programmation soit clairement actée. C’est également cette demande qu’a formulée David Valence (député radical, majorité présidentielle), le président du Conseil d’orientation des infrastructures. « Le COI souhaite ardemment que l’ensemble de ses ambitions se traduise dans le cadre d’une loi de programmation, qui donnera de la visibilité à l’ensemble des acteurs », a insisté l’élu spécialiste des questions de transport.
Seule certitude pour les parlementaires : un projet de loi verra bien le jour. En effet, la Première ministre veut modifier les missions de la Société du Grand Paris (SGP), ce qui nécessitera de modifier la loi. L’idée est de mettre au service des régions les compétences de cet établissement, qui a forgé une expertise dans la gestion du chantier géant du métro du Grand Paris Express.
Une partie importante du discours a tourné sur les trains du quotidien, mais la question des transports englobe aussi la route. En dehors du développement des véhicules propres, Élisabeth Borne a précisé que le gouvernement était invité par le COI à « réinterroger chaque projet d’extension du réseau routier », ce qui débouchera sur un « travail de priorisation ». Sur ce point, Philippe Tabarot préfère rester méfiant. « Je ne veux pas non que certains projets soient totalement jetés à la poubelle. Un certain nombre de contournements aident à décarbonation en évitant des embouteillages », rappelle le sénateur, inquiet également sur le sort de certains projets de lignes ferroviaires à grande vitesse.
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