Le gouvernement et le Sénat signent une charte pour la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

Le gouvernement et le Sénat signent une charte pour la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

Jeudi midi, au Sénat, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohérence des territoires, Gérard Larcher, président du Sénat, Françoise Gatel, sénatrice centriste et présidente de la délégation aux collectivités territoriales et Arnaud Bazin, membre du Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN), ont participé aux Etats généraux de la simplification.
Henri Clavier

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Une réunion pour s’entendre sur les grands principes de la charte d’engagement, signée par toutes les parties prenantes. A cette occasion, le ministre Christophe Béchu a affirmé que la simplification des normes était un « impératif démocratique ». Gérard Larcher a salué « la présence du ministre et la bonne volonté du gouvernement ».

Sans valeur juridique contraignante, la charte fait suite au rapport sénatorial de Françoise Gatel et Rémy Pointereau (LR) sur l’augmentation du nombre de normes applicables aux collectivités territoriales. La sénatrice Françoise Gatel indique que « les dernières tentatives de simplification ont créé de la complexité », justifiant ainsi une tentative de simplification à droit constant, c’est-à-dire sans modifier le droit actuel. Pour rappel, selon le rapport, le Code général des collectivités territoriales a triplé de volume depuis 2002. Une inflation qui coûte, selon le gouvernement 500 millions d’euros par an - les chiffres du CNEN estiment le montant à deux milliards par an. Une enquête auprès de plus de 1 600 élus - 92 % des répondants sont des élus communaux - complète le rapport, en amont des états généraux de la simplification.

Un enjeu d’efficacité de la dépense publique et de confiance entre les élus et les citoyens au moment où « 930 maires ont démissionné depuis 2020 », rappelle Françoise Gatel. Sans qu’il existe nécessairement un lien de causalité, 80 % des sondés estiment que la complexité des normes s’est renforcée. Une complexification structurelle qui répond à des objectifs démocratiques, sociaux et environnementaux toujours plus importants. Au point que « la norme est devenue la finalité », pointe David Lisnard (LR), président de l’Association des maires de France. « Quel maire, aujourd’hui, peut prétendre connaître le droit ? », s’interroge David Lisnard.

« On veut créer un changement de culture »

« Il y a un stock et un flux de normes, il faut surtout arrêter d’alimenter le flux », considère Françoise Gatel, sceptique quant à l’efficacité des lois de simplification. « C’est illusoire de dire que l’on va y arriver sans changer le fond », prévient la sénatrice d’Ille et Vilaine, consciente que la simplification implique un changement de paradigme. L’idée consiste donc, à travers la charte, à instaurer un véritable « process » d’élaboration des normes. « On veut un changement de culture », affirme Françoise Gatel. Une urgence à en croire les résultats de l’enquête auprès des élus locaux, qui déplorent, à 82 %, les effets négatifs de la complexité des normes sur les projets locaux. Un propos confirmé par David Lisnard (LR), président de l’Association des maires de France, qui rappelle qu’il faut « faire attention à ce que l’appel à la simplification ne se transforme pas en complexification ».

Un choc de culture qui passe par l’appréciation de l’opportunité de la norme. L’idée retenue est de revaloriser le rôle du Conseil national de l’évaluation des normes. « Le gouvernement devrait toujours justifier la nécessité d’un nouveau texte », lance Françoise Gatel, avant d’ajouter que « si le CNEN rend un avis négatif il faudrait que cela oblige le gouvernement à revoir son projet ». La charte prévoit la présentation d’une étude d’opportunité par le gouvernement devant le CNEN avant chaque projet de loi relatif aux collectivités territoriales. Le texte insiste aussi sur l’utilité d’une revalorisation du rôle du CNEN, en termes de moyens financiers et humains.

Toujours dans cette logique de concertation et de prévention, le gouvernement s’engage à présenter au Sénat, dans le cadre de l’Agenda territorial du gouvernement, les principales normes législatives et réglementaires impactant les collectivités territoriales envisagées au cours de l’année.

« On légifère bien, lorsque l’on évalue bien »

Au-delà d’un changement de culture, la signature de la charte doit permettre une meilleure construction et une meilleure évaluation de la norme. « Il faut renforcer tout le dispositif d’évaluation, souvent on fait ça à l’intuition », déplore Françoise Gatel. L’occasion pour la sénatrice de rappeler qu’au Sénat la « mission c’est aussi d’évaluer, on légifère bien, lorsque l’on évalue bien ». Or, les études d’impact sont obligatoires pour chaque projet de loi depuis une loi organique de 2009, définissent rarement les objectifs et indicateurs de performance pour chaque texte. « Aujourd’hui, les études d’impact sont d’une légèreté et d’une vacuité qui nous indigne ! Les études d’impact doivent être totalement impartiales », critique la sénatrice d’Ille-et-Vilaine. Actuellement, les études d’impact sont entièrement pilotées par le ministère présentant le projet de loi et sont donc plus souvent un plaidoyer qu’une évaluation objective.

« La loi doit être évaluée à tout moment, or les services de l’Etat ont enlevé l’évaluation à mi-terme », pointe Françoise Gatel. L’évaluation doit également permettre de réellement mettre en place des lois expérimentales. « On est très fan de ce que les Anglais appellent les sunset laws ou « clauses guillotines » avec une durée de vie limitée en fonction des effets qu’elles ont réussi à produire », note Françoise Gatel. Ces lois sont prévues pour disparaître dès lors qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une évaluation ou qu’elles n’ont pas rempli leurs objectifs.

Repenser les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales

Si la charte prévoit un certain nombre de dispositions positives, les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales restent un obstacle majeur à la simplification des normes. 75 % des élus interrogés dans le cadre de l’enquête estiment que l’accompagnement de l’Etat est insuffisant. Que cela soit dans la loi ou dans les décrets d’application, la contradiction entre les normes est fréquente. « Dans la ville du Croisic, par exemple, l’application de la loi sur la zéro artificialisation nette empêche la commune d’appliquer la loi SRU sur les logements sociaux », relève Françoise Gatel. La charte prévoit, dans cette optique, un renforcement des formations légistiques, pour les parlementaires et pour les fonctionnaires.

De manière générale on assiste à une crise des services déconcentrés de l’Etat, comme les préfectures, censés apporter conseil et assistance aux élus locaux qui ne disposent pas toujours des services pour maîtriser la complexité et l’abondance des normes. Pire, pour 80 % des élus interrogés, les interprétations sont contradictoires. « Plus vous êtes petit, plus vous avez du mal à suivre l’inflation normative, la simplification est donc un combat essentiel », souligne Christophe Béchu. Pour ces raisons, « il faut renforcer les services des préfectures et il nous faut des préfets proactifs », juge Françoise Gatel. La sénatrice d’Ille-et-Vilaine insiste aussi sur l’importance de l’utilisation, par les préfets, du pouvoir réglementaire local, permettant une adaptation des normes au regard de situations particulières même si « dans la culture administrative française le préfet n’est pas encouragé à déroger ». Reste à savoir si le pouvoir réglementaire local servira ou non à installer une différenciation. Un sujet qui divise les principaux concernés, si Françoise Gatel est favorable à la différenciation, David Lisnard estime que « l’adaptation réglementaire ne doit pas être une différenciation, qui engendre encore une complexification ».

Une charte, et après ?

« Aujourd’hui, je sens une étape un peu particulière partagée par l’ensemble des acteurs notamment le conseil d’État qui lui-même trouve que l’on a atteint un niveau de normes délirant », rassure Françoise Gatel. « La conclusion d’une charte n’est pas une fin en soi », nuance Gérard Larcher. La signature d’une charte permet de ne pas recourir à une nouvelle loi de simplification, mais n’engage pas durablement le gouvernement. Une inscription dans la loi des évolutions du rôle du CNEN assurerait une meilleure évaluation de l’opportunité de la norme. Néanmoins, le gouvernement s’engage à ne plus utiliser la procédure d’urgence de manière abusive, qui prive la décision du CNEN de son temps de réflexion.

Le texte de la charte se limite aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales alors même que « tous les textes ont un impact sur les collectivités territoriales », affirme Françoise Gatel. La charte ne dit rien non plus des projets de loi répondant à l’actualité et qui génère une complexification des normes. Patrick Gérard, président adjoint de la section de l’administration du Conseil d’Etat appelle à aller plus loin en « évaluant la loi en elle-même, avec les amendements, cela est aussi nécessaire pour les propositions de loi ».

 

 

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