« Le gouvernement doit se rendre compte que la cohabitation des festivals et des JO est possible », alertent les milieux culturels
Les événements culturels vont-ils être sacrifiés, ou tout du moins reportés, pour cause de Jeux Olympiques 2024 ? C’est ce qu’a laissé entendre devant le Sénat mardi, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Les patrons des festivals oscillent entre inquiétude et optimisme et veulent croire qu’une cohabitation avec les JO est possible.
C’est une petite musique qui n’est pas vraiment du goût des directeurs de festivals. Les concerts et évènements culturels de l’été 2024 pourraient être grandement compromis en raison de l’organisation des Jeux Olympiques en France. Mardi, au détour d’une audition au Sénat sur l’organisation, Gérald Darmanin a indiqué que l’évènement allait nécessiter la mobilisation de 45 000 policiers et gendarmes sur trois mois. « Ce qui fait 40 membres des forces de l’ordre tous les 100 mètres », a précisé le ministre. De quoi laisser sur le flanc les autres évènements demandeurs en forces de l’ordre comme les festivals estivaux. « Le but n’est pas d’interdire, mais de reporter dans le temps certains événements en lien avec les élus. Nous faisons ce travail en ce moment même pour que les programmations culturelles puissent se faire », a-t-il temporisé.
« On ne peut pas décaler des artistes comme ça »
« Ça a été un choc, une surprise. Il n’y a pas eu de concertation avec les pouvoirs publics sur le sujet », indique Jérôme Tréhorel, le directeur des Vieilles Charrues qui évacue toute hypothèse de report de son festival qui se déroulera 10 jours avant les JO. « Nous sommes déjà en train de travailler sur l’édition 2024. Nous avons des offres artistiques en cours. Nous avons des contrats passés avec des prestataires. Nous sommes inscrits dans un planning de tournée mondiale. On ne peut pas décaler des artistes comme ça ».
Au Sénat, le président de la commission de la culture du Sénat, Laurent Lafon (UC) assure qu’il sera très « très attentif » à ces velléités de reports. « Les jeux Olympiques, c’est à la fois loin et près. Il y a quinze jours, on faisait une table ronde sur le financement de la musique et le président du Prodiss (syndicat national du spectacle musical et de variété) nous disait qu’il craignait l’impact des JO sur les manifestations culturelles. Maintenant, ça devient plus concret avec les déclarations du ministre ».
« La France ne va pas s’arrêter du 8 juillet au 31 août »
« C’est bien qu’on en parle aujourd’hui et pas dans un an », note Jean-Philippe Mauras directeur du festival interceltique de Lorient qui se veut plutôt optimiste. « Je pense qu’on va trouver une solution. La France ne va pas s’arrêter du 8 juillet au 31 août ».
Jérôme Tréhorel comprend d’autant moins cette décision qu’elle intervient deux ans après l’année blanche de la pandémie, « où le gouvernement avait été à la hauteur de nos besoins avec des aides indirectes ». « On semblait avoir pris conscience de l’impact social et économique des festivals. C’est incompréhensible ce changement de pied ».
Sur France Inter ce matin, Gérald Darmanin a bien précisé « que les préfets n’allaient pas annuler les festivals ». « On dit simplement que les moyens de police et de gendarmerie seront consacrés cet été-là, non seulement à la sécurité de nos concitoyens en général, mais aux Jeux Olympiques ». Il ajoute que si les festivals étaient maintenus à l’été 2024, « ils se feront avec moins de forces de sécurité ».
« Il y a une incompréhension sur l’usage des forces de l’ordre qui est fait sur les festivals. Nous avons 750 agents de sécurité privés pour 70 000 personnes accueillies par jour. Les forces de l’ordre ne sont mobilisées que dans le cadre des menaces attentats. Il faut que le gouvernement se rende compte que la coactivité des festivals et des JO est possible. Nous l’avons fait en 2016, dans une période de menace attentat très forte et alors que la France organisait l’Euro de football. On ne peut pas dire pendant 4 mois, plus aucun évènement ne sera organisé ».
La ministre de la Culture semble avoir également été prise de court par l’annonce de son collègue de Beauvau. Auditionnée quelques minutes après Gérald Darmanin pour présenter son budget aux sénateurs, Sylvie Robert (PS) se fait le relais des inquiétudes des présidents de festivals, qu’elle a auditionné une semaine plus tôt dans le cadre du projet de loi finances. La réponse de Rima Abdul Malak peine à rassurer. La ministre indique même avoir déjà été alertée par les festivals sur les pénuries de matériels et des locations bloquées par les Jeux Olympiques. Déjà, selon elle, des prestataires de sécurité privée sont déjà réservés pour les Jeux Olympiques. « D’où la nécessité de se coordonner avec le ministère de l’Intérieur et je vais être très mobilisée sur ce sujet », promet-elle avant de qualifier les « festivals habituels de l’été », « d’ADN culturel de la France ».
Dans un communiqué, Cédric Perrin le sénateur LR du Territoire de Belfort où a lieu chaque été le festival des Eurockéennes, s’agace du manque de communication des pouvoirs publics. « Si le débat semble être engagé entre les ministères de la culture et de l’intérieur, personne au sein du Gouvernement ne prend la peine d’associer les premiers concernés, c’est-à-dire les organisateurs ! »
« Dans notre milieu, report, ça veut dire annulation »
Jean-Paul Roland, le directeur des Eurockéennes de Belfort avait bien entendu « des rumeurs ». « Mais on nous parlait plutôt d’adaptation que de report. Parce que dans notre milieu, report, ça veut dire annulation. Nous avons eu une réunion au début du mois avec Rima Abdul Malak, c’est même elle qui nous a demandé comment on voyait la cohabitation avec les JO. Les propos de Gérald Darmanin ont été une douche froide ».
Jean-Paul Roland veut croire qu’il y a « désormais une ouverture » après avoir entendu Gérald Darmanin à la radio. « J’ai compris qu’il nous appelait à nous diriger vers les préfets pour recenser les besoins. J’ose dire qu’on se dirige vers une adaptation », veut-il croire. Le patron des Eurockéennes, qui accueille 135 000 personnes sur trois jours début juillet, est même prêt à faire un geste en ce sens. « On peut éventuellement déplacer d’un week-end plus tôt, mais pas plus. Quant à la pénurie d’agents de sécurité évoquée par la ministre, il est plutôt confiant. « C’est un secteur qui est déjà en tension et où on recrute beaucoup. Je travaille avec cinq entreprises de sécurité et pour l’instant aucune ne m’a parlé d’une demande pour les JO ».
Comme son collègue des Vieilles Charrues, Jean-Paul Roland relativise le besoin en forces de l’ordre. « Le recours aux forces de sécurité publique a été croissant depuis les attentats du Bataclan. Du temps de la circulaire Collomb en 2018, c’était les gendarmes qui faisaient la circulation aux abords du festival. Il y a eu depuis de nouvelles définitions du périmètre de sécurité. On peut se fier à notre expérience. Je pense que tout ça peut se discuter avec les préfets ».
« Il faut travailler au cas par cas », appuie Sylvie Robert. C’est un secteur qui a été très impacté par la pandémie et qui est aujourd’hui touché par la hausse des prix de l’énergie. Reporter ou annuler ces festivals aurait un impact désastreux pour leur modèle économique », souligne la sénatrice en rappelant que l’annulation des festivals entraînerait une baisse de droits d’auteur pour les artistes et donc moins de rentrées fiscales pour le Centre national de la Musique.
« Une annulation des Vieilles Charrues nous serait fatale. C’est un budget de 18 millions d’euros réalisé grâce à la billetterie et les partenaires sans subvention », confirme Jérôme Tréhorel.
« Entre la sécurité et la culture, chacun va défendre son secteur. Emmanuel Macron et Gérald Darmanin insistent en disant que les Jeux Olympiques n’arrivent qu’une fois par siècle. Ce serait dommage que notre première médaille soit celle de la panne de la culture », conclut Jean-Paul Roland.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.