La NUPES présente son programme et fait du Parlement le moyen de régler d’éventuels désaccords

La NUPES présente son programme et fait du Parlement le moyen de régler d’éventuels désaccords

La NUPES a présenté ce jeudi les 650 propositions retenues dans un « programme partagé de gouvernement » de la coalition. 5 % de ces propositions n’ont pas mis d’accord tout le monde, mais les différentes formations de gauche ont fait de ces différends l’occasion de remettre le Parlement au centre du jeu politique.
Louis Mollier-Sabet

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Au moment de présenter son « programme partagé de gouvernement », la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale a dû trouver des moyens de régler les désaccords qui subsistaient, après quelques semaines de travail, entre des formations politiques qui ne se parlaient pas depuis des années. « Nous ne pouvions pas, dans le délai qui était le nôtre et après un si long moment d’absence de débat entre nous, être d’accord sur tout, en tout point », a précisé d’emblée Jean-Luc Mélenchon. Les points de désaccord sont connus depuis que les négociations ont démarré il y a de ça quelques semaines : l’Europe, les alliances internationales, la laïcité, le nucléaire ou quelques mesures plus ponctuelles entre certaines des parties prenantes à la négociation. Pour autant, Jean-Luc Mélenchon (LFI), Julien Bayou (EELV), Olivier Faure (PS) et Ian Brossat (PCF) ont tous réaffirmé leur volonté de dépasser le « cartel électoral » par un vrai socle programmatique, qu’ont présenté tour à tour Clémence Guetté (LFI), Aminata Niakaté (EELV), Corinne Narassiguin (PS), Marie-Jeanne Gobert (PCF) et Anne Joubert (G. s). « Nous n’avancerons pas masqué », affirme Olivier Faure. « Nous aurions pu nous contenter de 3 slogans. Nous avons décidé de faire exactement l’inverse, et nous avons réussi en quelques semaines ce que nous n’avons pas réussi à faire en plusieurs années. »

Force est de constater que les différentes forces de gauche se sont finalement accordées sur l’essentiel, « et l’essentiel, c’est essentiel » plaisante Ian Brossat en bon agrégé de lettres. 33 mesures sur les 650 de ce « programme partagé de gouvernement » sont « en nuance », selon les mots de Jean-Luc Mélenchon, soit 5 % du total. Concrètement, 95 % des 650 propositions ont donc été acceptées par LFI, EELV, le PCF et le PS. Sur le reste, la NUPES fait figurer, à chaque fin de chapitre du programme, ce que propose chaque parti en désaccord avec la position majoritaire, soit qu’il ne soutienne pas une initiative des autres coalisés, soit qu’il propose une façon différente de faire les choses. Par exemple, à la fin du chapitre 6 « Sûreté et justice » est précisé que « le PS refuse l’utilisation de la terminologie ‘violences policières’, en conséquence il ne soutiendra pas la création d’une commission d’enquête sur les violences policières ayant entraîné la mort ou la mutilation de citoyens pour en établir toutes les responsabilités », comme prévu un peu plus haut dans le programme.

« Reparlementarisation » vs « hyperprésidentialisation »

« Je ne veux pas que vous croyiez un instant que des questions restent sous le tapis », martèle quand même Jean-Luc Mélenchon. D’abord, la NUPES a tenu à ce que « personne ne renonce à ses convictions » et laisse en quelque sorte la possibilité aux différentes parties prenantes de « désobéir » à la plateforme commune. Mais les différents responsables de gauche veulent y voir quelque chose de plus qu’un « opt-out » programmatique, en faisant même de leurs désaccords éventuels un moyen de remettre l’Assemblée nationale au cœur de la vie politique française s’ils venaient à gouverner le pays. « Les mesures ‘en nuance’ seront arbitrées par le Parlement et chaque parlementaire conservera sa liberté de vote », a ainsi affirmé Jean-Luc Mélenchon, « même si la discipline vaut mieux que la liberté poétique si l’on veut gouverner le pays. » Jean-Luc Mélenchon entend ainsi défendre « une reparlementarisation de la vie politique française, au moment où l’hyperprésidentialisation atteint son paroxysme. » Au-delà de la liberté de vote, on sent chez les Insoumis, les écologistes, les communistes et les socialistes une volonté de régler leurs différends par la discussion parlementaire.

« Le nucléaire est un bon exemple », explique ainsi Jean-Luc Mélenchon après une question sur un thème qui a souvent été un point de division entre Insoumis et écologistes d’un côté, et communistes de l’autre. « Il y a des sujets qui restent disputés. Ça peut être un argument de dire que puisqu’on a ce recours-là [le nucléaire], on ne peut pas le laisser tomber. Personne ne propose d’appuyer sur le bouton pour arrêter les centrales. » Le « candidat » à la fonction de Premier ministre « essaie de défendre une démarche pragmatique, qui conduit tout le monde à la même conclusion » : « Nous sommes tous d’accord pour une montée en puissance jusqu’à la limite de ce qui est possible des énergies renouvelables. Le débat va ensuite se trancher dans le temps. S’il s’avère qu’il faut prévoir de mettre de côté 150 milliards de plus pour le grand carénage on pourrait le faire trancher [par référendum]. »

« Je me réjouis que l’Assemblée Nationale redevienne un lieu de débat »

Le leader de LFI semble miser sur le fait que les discussions parlementaires sur les dossiers concrets pourraient permettre de mettre tout le monde d’accord, plus que des débats de principes par plateaux télé interposés. Sur l’OTAN, Jean-Luc Mélenchon semble tenir le même raisonnement, en renvoyant ce « programme partagé de gouvernement » au « mandat et au contexte » dans lequel il s’appliquera : « Le contexte en Europe est le premier qui s’impose à nous. La politique de M. Poutine a rendu un immense service aux Etats-Unis, puisque la Finlande et la Suède veulent maintenant rentrer dans l’OTAN. C’est un changement complet de la donne et mon point de vue n’est pas partagé. Je ne me vois pas faire un coup de force et sortir maintenant tout de suite de l’OTAN. Ce serait faire un cadeau considérable que de tout démanteler. » Dans ce « contexte », le débat parlementaire apparaît commode pour régler des différends de philosophie qui pourraient ne pas empêcher de s’accorder sur certaines mesures concrètes.

Face au rôle conféré au chef de l’Etat dans la politique étrangère par la Constitution de la Vème République, et la nécessité « que la France ne parle que d’une seule voix », Jean-Luc Mélenchon admet que la NUPES « doit encore avoir pas mal d’échanges pour bien caler la pratique qui devra être la nôtre à l’égard du chef de l’Etat pour affirmer une démarche commune. » En tout état de cause, en cas de désaccord, « l’Assemblée nationale sera saisie » et la majorité d’union de la gauche fera « ce qui se fait dans tous les pays du monde » et « consultera le Parlement par l’article 50-1 », qui permet au gouvernement d’organiser un débat au Parlement, avec ou sans vote. Julien Bayou abonde : « Ce n’est pas une option défensive de notre part. Je me réjouis que l’Assemblée Nationale redevienne, comme dans les autres démocraties matures, un lieu de débat, qui éclaire les décisions prises après des débats. C’est aussi ce que nous voulons proposer. » Une manière pour la NUPES de faire contre mauvaise fortune bon cœur, face aux désaccords qui peuvent subsister.

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