Tout roule pour les autoroutes privées. Selon un rapport de l’Autorité de régulation des transports (ART) publié ce 5 janvier, les bénéfices des sociétés concessionnaires ont nettement augmenté pour en 2021 (cette autorité administrative indépendante publie les données avec un an de décalage). Leur bénéfice net a augmenté d’environ 47 % en 2021, atteignant 3,9 milliards d’euros. Cette forte progression s’explique notamment par les chiffres bas de 2020, année marquée par plusieurs confinements. Par rapport à 2019, dernière année normale avant l’émergence de la pandémie, le bénéfice net augmente de 11 %, selon l’ART.
La hausse s’explique également par une baisse des frais financiers et surtout par la diminution de l’impôt sur les sociétés (IS). En 2021, les entreprises étaient redevables de l’impôt sur les sociétés à un taux de 26,5 %, contre 28 % en 2020. La poursuite de la baisse de cette fiscalité marquera encore les prochains résultats, puisque le taux de l’IS est tombé à 25 % en 2022.
2021 est surtout le signe d’un rebond marqué du trafic sur les autoroutes. Celui des véhicules légers a augmenté de 22,9 %, mais reste à 93 % de son niveau de 2019 avant la pandémie. Celui des poids lourds, en revanche, dépasse déjà les niveaux pré-pandémiques. Leur nombre sur les autoroutes concédées atteint 102 % du niveau de 2019.
« C’est au-dessus des prévisions qu’on a faites »
Ces bons résultats ne surprennent pas Vincent Delahaye, ancien rapporteur de la commission d’enquête sur les concessions autoroutières, menée en 2020. « C’est au-dessus des prévisions qu’on a faites, mais on a fait un travail prudent », commente le sénateur centriste de l’Essonne. Surtout, les données publiées par l’ART tranchent avec le discours tenu par les sociétés d’autoroute. « Ils ont très rapidement retrouvé le niveau du trafic de marchandises. Ils considéraient qu’il fallait cinq ans pour retrouver les chiffres de 2019. En réalité, ça va beaucoup plus vite. »
Conséquence de ce rebond, le chiffre d’affaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes a atteint 10,6 milliards d’euros en 2021, dont 10,3 milliards provenaient des péages, à 98 % de son niveau de 2019. Elles ont versé 3,3 milliards d’euros de dividendes, un montant en hausse de près de 40 % par rapport à 2020 et de 5 % par rapport à 2019.
« Le gros défaut, ce sont les contrats signés au moment de la privatisation, qu’il faut absolument revoir »
Cette bonne santé financière contraste avec l’effort demandé par les autoroutes aux usagers. Début décembre, le ministère des Transports a annoncé que les péages allaient augmenter de 4,75 % en moyenne au 1er février 2023 (après déjà 2 % d’augmentation en 2022). Un niveau inférieur à l’inflation de 6,2 % mesurée en novembre, mais qui reste « beaucoup trop », selon le sénateur.
« Le gros défaut, ce sont les contrats signés au moment de la privatisation, qu’il faut absolument revoir. Ils ne sont pas adaptés à une vraie concession de service public. Il devrait y avoir des clauses de revoyure, des clauses plus réalistes », plaide Vincent Delahaye.
Plus de deux ans après la remise de son rapport épinglant la rentabilité « hors norme » des concessionnaires, le sénateur appelle une nouvelle fois à revoir les règles et à définir enfin précisément « l’équilibre économique et financier des concessions ». « C’est une notion juridique importante, mais en l’espèce qui n’a jamais été définie. »
Rappel au gouvernement sur l’organisation d’une table ronde avec les autoroutes
Vincent Delahaye réitère son appel au gouvernement à organiser un sommet avec les sociétés concessionnaires et les parlementaires, pour négocier. « Clément Beaune [le ministre des Transports, ndlr], que j’ai pu voir en novembre, m’a annoncé qu’il souhaitait mettre en place un groupe de travail sur le sujet de l’équilibre économique et financier début 2023. On y est. Il faut qu’il tienne parole. »
D’ici la fin des concessions, dont les principales arriveront à leur terme dans les années 2030, plusieurs groupes au Sénat ont tenté cet automne de frapper au porte-monnaie les sociétés d’autoroutes, dans le cadre de leurs amendements plus larges en faveur d’une taxation des superprofits. Les centristes, en pointe sur le sujet, n’ont pas obtenu gain de cause. « Quand il y a des efforts de solidarité demandée à tous les Français, il faut que les sociétés d’autoroutes y participent aussi », soutient Vincent Delahaye.
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Le chiffre dévoilé ce mercredi par l’ART – 3,9 milliards d’euros de bénéfices en 2021 – dépasse de loin les estimations parfois avancées dans les exposés des motifs des amendements, déposés sur le projet de loi de finances. Un amendement du groupe communiste précisait par exemple que les bénéfices des sociétés concessionnaires d’autoroutes allaient « de 2,5 à 3 milliards d’euros par an ».
Les sénateurs sont loin d’avoir rendu les armes, Vincent Delahaye se dit prêt à revenir à la charge cette année. À la fin de l’hiver, les résultats 2022 des différentes sociétés seront connus.