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Justice : le Sénat veut restreindre l’habilitation du gouvernement à réformer le code de procédure pénale

En commission des lois, les sénateurs ont adopté le rapport sur le projet de loi d’orientation et de programmation de la Justice de 2023 à 2027. Les sénateurs ont ramené à un an l’habilitation donnée au gouvernement de réformer le code de procédure pénale.
Simon Barbarit

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Issu des Etats généraux de la Justice, le projet de loi d’orientation et de programmation prévoit de faire passer le budget du ministère de 9,6 milliards d’euros en 2023 à près de 11 milliards d’ici quatre ans. Il entérine notamment l’embauche de 10 000 personnels d’ici à 2027. « Un budget historique » pour remédier au « délabrement de la justice » a régulièrement vanté, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti.

Un effort budgétaire salué par les élus de la chambre haute qui ont néanmoins quelque peu réécrit ce texte très technique dans leur rapport adopté ce mercredi en commission des lois. « L’enjeu est d’avoir une justice plus proche, plus rapide et plus protectrice. Ça passe par plus de moyens certes mais aussi par une réorganisation du travail des magistrats. D’ailleurs, nous attendons toujours les résultats de l’évaluation de la charge de travail des magistrats lancée par le ministère », souligne la co-rapporteure, Agnès Canayer (app-LR).

Le projet de loi prévoit le recrutement de 1500 magistrats et 1500 greffiers sur le quinquennat. Le rapport du Sénat met l’accent sur l’importance des greffiers pour un bon fonctionnement de la justice et fait passer le recrutement du nombre de greffiers à 1800. Les sénateurs prévoient également le recrutement de 600 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). « Assurer une bonne exécution de la peine, c’est éviter la récidive. Actuellement, les CPIP peuvent se voir attribuer le suivi de 200 dossiers. Dans certains pays européens, c’est 60 », explique Agnès Canayer.

Code procédure pénale : habilitation à clarifier, pas à simplifier

L’article 2 du projet de loi constitue l’un des points forts du texte. Le gouvernement y demande une habilitation à réécrire par voie d’ordonnance le code de procédure pénale afin d’en « clarifier la rédaction et le plan ». A la chambre haute, on voit d’un mauvais œil les lois d’habilitation. En janvier dernier, la commission des lois du Sénat avait fait part de ses réticences au ministre de la Justice. « Depuis que je suis garde des Sceaux, on a fait le code pénitentiaire et le code de justice pénal des mineurs selon ce procédé et on n’a pas squeezé le débat », avait tenté de rassurer Éric Dupond-Moretti avant d’annoncer la mise en place d’un comité scientifique composé de professionnels du droit en charge de cette réécriture et auquel seront associés les parlementaires.

« Le code de procédure pénale s’est construit par sédimentation. Il est désormais composé de 2400 articles avec beaucoup de renvois ce qui entraîne des erreurs de procédure. C’est insécurisant pour l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale. Cette simplification est une demande forte du monde judiciaire », rappelle la co-rapporteure.

Toutefois, les élus ont rajouté un délai d’un an au plus tôt au cours duquel l’ordonnance entrera en vigueur. Les sénateurs craignent que le gouvernement se passe d’un retour devant le Parlement pour ratifier l’ordonnance. C’est pourquoi, ils ont également ajouté que le projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. Sous leur plume, l’habilitation donnée consiste uniquement pour le gouvernement à clarifier le plan du code de procédure pénale. Un préalable à la simplification des actes de procédure qui devra alors se faire dans un second temps au moment de l’examen de la loi de ratification. « Ce sont les parlementaires qui reprendront la main », précise Dominique Vérien, la co-rapporteure centriste du texte.

Violences intrafamiliales : création de pôles spécialisés

Dominique Vérien est également à l’origine d’un rapport sur la lutte contre les violences intrafamiliales. Parmi ses 59 propositions, Éric Dupond-Moretti s’est engagé, la semaine dernière, à reprendre l’une des plus notables : la création dans chaque juridiction « d’une chambre spécialisée » et « d’un parquet spécialisé » en matière de violences intrafamiliales. Dans l’optique de coordonner civil et pénal, la mission parlementaire souhaitait aussi instituer des « comités de pilotage » au sein desquels se réuniraient une fois par mois, magistrats, associations, policiers, gendarmes… La mesure a été retenue également par le gouvernement. « Ces dispositifs relèvent du réglementaire donc il n’y a pas besoin de le mettre dans la loi. Néanmoins, le gouvernement s’y est engagé par voie d’amendement au rapport annexé », indique Dominique Vérien.

« Le rapport annexé, c’est la partie orientation du texte. C’est en quelque sorte les bonnes intentions du gouvernement », précise Agnès Canayer.

Perquisition de nuit et géolocalisation à distance

Le projet de loi comporte beaucoup de dispositions techniques relatives à la justice économique payante, l’extension des procédures amiables, ou encore l’expérimentation des tribunaux des affaires économiques. Leurs compétences seront élargies par rapport aux tribunaux de commerce, et concerneront notamment les agriculteurs et certaines professions libérales. En commission, les sénateurs ont élargi leurs compétences aux métiers réglementés du droit.

Sur le volet pénal, on relève plusieurs simplifications des cadres d’enquête, comme la possibilité pour les enquêteurs de faire des perquisitions de nuit, la possibilité pour le juge de la détention et des libertés de modifier un contrôle judiciaire, ou encore l’autorisation de procéder l’activation à distance d’un téléphone à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire pour le géolocaliser.

Le projet de loi sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 6 juin.

 

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