Les Jeux Olympiques arrivent à grand pas et avec eux la nécessité de renforcer certains dispositifs de sécurité. Le projet de loi sur les jeux Olympiques qui arrive en examen en séance publique mardi 24 janvier, entend autoriser pour la première fois en France la mise en place de caméras « augmentées », que ce soit pour la vidéosurveillance ou pour équiper des drones, et ce de manière expérimentale, jusqu’en 2025, soit après les JO. Concrètement, des algorithmes permettront de repérer les mouvements de foule ou des comportements jugés anormaux, pour les signaler automatiquement aux forces de l’ordre, qui pourront décider d’agir, s’ils le jugent nécessaire.
« On ne pouvait pas débattre de ce sujet au détour d’un amendement »
Toutefois, le texte prévoit spécifiquement dans ses motifs que les dispositifs prévus « ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale ». « Nous prenons un risque majeur en n’utilisant pas cet outil. Le risque d’attentat est patent pour cet évènement sportif extraordinaire. Je rappelle que sur les 3 années précédant les JO, 240 personnes condamnées pour actes terroristes auront été libérées. Et le procureur national antiterroriste a indiqué qu’il y avait un fort risque de récidive chez ces anciens détenus », rapporte Marc-Philippe Daubresse (LR).
Coauteur d’un rapport d’information sur « la reconnaissance faciale et ses risques au regard de la protection des libertés individuelles » l’année dernière, le sénateur du Nord, avait déposé un amendement en commission pour encadrer la reconnaissance faciale avant de le retirer. Il annonce, à la place le dépôt d’une proposition de loi le mois prochain. « On ne pouvait pas débattre de ce sujet au détour d’un amendement alors que le gouvernement a exclu la reconnaissance faciale du texte », justifie-t-il.Sa proposition de loi, soutenue par les centristes et avec l’appui du président de la commission des lois, François-Noël Buffet (LR) reprendra les préconisations du rapport d’information. A la manière de la loi SILT, (loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme d’expérimentation), le texte entend mettre en place une expérimentation sur le recours à la reconnaissance biométrique. Elle pourrait être de trois ans, avec plusieurs garde-fous. « Il s’agit de reconnaissance faciale en temps réel et non a posteriori. Les images sont détruites dans la minute qui suit. Pour autant, on ne peut se contenter d’un simple contrôle administratif. Il nécessitera un contrôle de la CNIL et parlementaire », explique-t-il. Le recours à ce système sera également conditionné. Il ne pourra être mis en œuvre qu’en cas de réquisition judiciaire, lors d’évènements sportifs majeurs, ou encore sur demande explicites des services de renseignement. « Toute autre utilisation serait inconstitutionnelle », appuie le sénateur.Une réponse à ceux qui craignent que ce système tombe dans les mains d’un exécutif peu regardant avec les libertés publiques. C’était d’ailleurs la crainte exprimée par le ministre de l’Intérieur,
auditionné au Sénat en octobre dernier. « Je ne suis pas pour la reconnaissance faciale » […] « Cela pose la question de la société que l’on veut, il faut accepter une part de risque, même si ce débat est toujours difficile à tenir. Je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de garantir que cela ne soit pas utilisé autrement par la suite », avait argumenté Gérald Darmanin.
« Ce n’est pas un remède miracle »
Le sénateur socialiste, Jérôme Durain, coauteur du rapport d’information avec Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet (Union centriste), est lui plus que réservé sur l’opportunité d’une proposition de loi sur la reconnaissance faciale. « Ce qui peut être utilisé pour combattre le pire, le terrorisme, peut être utilisé comme un moyen de contrôle social et de surveillance de la population comme on le voit dans certains régimes. Cette question nécessite un travail de fond, un vrai débat démocratique pour ne pas être mis devant le fait accompli d’une technologie qui arrive de manière rampante », insiste-t-il avant d’ajouter : « La reconnaissance faciale, c’est une matière inflammable et le gouvernement n’a pas envie de la manier en ce moment. Ce n’est pas non plus un remède miracle contre le terrorisme. Nous avons auditionné des représentants de la DGSI et ils ne nous ont pas fait part d’un besoin irrépressible de cet outil », relate-t-il.