« Je ne crois pas qu’on vienne en France parce qu’il y a l’aide médicale d’État », estime Patrick Stefanini, co-auteur du rapport sur l’AME

Lundi, Patrick Stefanini remettait avec Claude Évin un rapport sur l’aide médicale d’Etat (AME) au gouvernement. Tout en préconisant des réformes, l’ancien préfet ne reprend pas à son compte la proposition du Sénat de remplacer l’AME par une aide d’urgence.
Rose Amélie Becel

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« Ce qui est conforté par nos analyses, c’est le principe d’une aide médicale d’État. La façon dont elle fonctionne, nous l’avons critiquée sur de nombreux points », indique Patrick Stefanini sur le plateau de la matinale de Public Sénat ce 8 décembre. En début de semaine, l’ancien préfet, proche de Valérie Pécresse et de François Fillon, a remis aux ministres de l’Intérieur et du Travail son rapport rédigé avec Claude Evin sur l’aide médicale d’État (AME), le dispositif permettant l’accès gratuit aux soins pour les étrangers en situation irrégulière.

Après le passage du projet de loi immigration au Sénat, l’AME a été remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU), réduisant le dispositif à un nombre restreint de soins. Une erreur, selon Patrick Stefanini, même si l’AME n’est pas exempt de critiques.

« Beaucoup d’étrangers qui arrivent en France ignorent tout de son existence »

C’est parce qu’ils estiment que le dispositif, dont le nombre de bénéficiaires augmente, constitue un « appel d’air » migratoire, que la majorité sénatoriale de droite a décidé de sa suppression lors de l’examen du projet de loi immigration le 7 novembre dernier. « Je ne crois pas qu’on vienne en France parce qu’il y a l’AME, beaucoup d’étrangers qui arrivent en France ignorent tout de son existence », tempère Patrick Stefanini.

S’il attend une définition plus précise des soins compris dans l’aide médicale d’urgence proposée au Sénat, Patrick Stefanini alerte déjà sur les risques que comporte une réduction du panier de soins offerts aux étrangers en situation irrégulière. « Si on réduisait le panier de soin aux seuls soins urgents, alors tous les bénéficiaires de l’AME iraient à l’hôpital. Les responsables de l’hôpital public sont tétanisés à cette perspective, parce que l’hôpital français est au bord du gouffre », met-il en garde.

L’AME « favorise le maintien dans la clandestinité »

Pour autant, l’ancien secrétaire général du ministère de l’Immigration considère que l’aide dans sa forme actuelle « favorise le maintien dans la clandestinité ». Patrick Stefanini en veut pour preuve que « la durée moyenne d’ancienneté dans les droits à l’AME est de l’ordre de trois ans et demi », un chiffre qui interroge l’ancien préfet, « dans un pays où les occasions d’être régularisé sont quand même nombreuses ».

Plutôt que de réduire le type de soins proposés, Patrick Stefanini et Claude Evin suggèrent ainsi dans leur rapport de resserrer les conditions d’éligibilité à l’AME. D’abord, ils demandent de n’attribuer la qualité d’ayant droit qu’aux enfants mineurs des titulaires de l’AME et plus aux membres adultes de la famille du titulaire. Les personnes frappées d’une mesure d’éloignement du territoire pour motif d’ordre public seraient aussi exclues du dispositif. Les co-auteurs proposent également de durcir les conditions de ressources permettant d’accéder à l’aide, en prenant en compte les revenus du conjoint du titulaire.

Début décembre, la commission des lois de l’Assemblée nationale a présenté une nouvelle version du texte immigration, qui sera débattue dans l’hémicycle à partir du 11 décembre. Celle-ci rétabli le principe de l’AME, mais les députés LR déposeront bien un amendement pour la supprimer de nouveau. De son côté, Patrick Stefanini appelle les parlementaires à se saisir de son rapport pour entamer une révision nécessaire du dispositif, car « on ne réformera pas l’AME sans texte législatif ».

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