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Interview d’Emmanuel Macron sur les JO : « Il va s’en servir comme d’une métaphore sur le climat politique » 

Ce mardi 23 juillet au soir, Emmanuel Macron va s’exprimer pour la première fois depuis les élections législatives, lors d’une interview pour France Télévisions et Radio France. L’occasion pour lui d’expliciter « la trêve olympique et politique » qu’il a appelée hier de ses vœux. Alors quels sont les enjeux de cette intervention ?  
Tâm Tran Huy

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Depuis la fin des élections législatives, la parole présidentielle se faire rare. Emmanuel Macron a livré son analyse du scrutin, mais uniquement par écrit dans une lettre aux Français publiée dans la presse quotidienne régionale. Ce mardi 23 juillet au soir, on va enfin l’entendre de vive voix lors d’une interview pour France Télévisions et Radio France. L’occasion pour lui d’expliciter « la trêve olympique et politique » qu’il a appelée hier de ses vœux. Et pour nous d’explorer les différentes voies possibles pour sortir du blocage avec les politologues et constitutionnaliste Bruno Cautrès et Bastien François. 

Trêve olympique, trêve politique 

A trois jours de la cérémonie d’ouverture des JO, Emmanuel Macron va donc parler. L’occasion d’abord d’ouvrir la séquence olympique, qui doit pour lui être synonyme de trêve politique. Avant le président de la République, le même vœu a été formulé par Gérard Larcher, le président du Sénat.  Après lui, ce matin, c’est le Premier ministre en charge des affaires courantes et patron du camp présidentiel à l’Assemblée, qui a répété ce souhait, pour que les JO soient un moment de rassemblement. 

Le politologue Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au CEVIPOF, pense d’ailleurs que les JO seront la thématique centrale de l’interview du chef de l’Etat mais « il va s’en servir comme d’une métaphore sur le climat politique, en appelant tout le monde à s’unir pour la réussite d’un grand événement pour la France. »  En clair, « il va dire que quand les Français sont unis, ils soulèvent des montagnes ensemble. » 

 « A partir de vendredi, plus personne ne va regarder la politique » souligne aussi le politiste Bastien François. Pour lui, le président de la République est à un moment où il doit aussi reprendre la main, car c’est son rôle constitutionnel. « Pour le moment il était très absent, il avait expliqué qu’il attendait la nouvelle structuration de l’Assemblée nationale. Il doit reprendre la main parce que c’est lui qui nomme le Premier ministre, qui doit le désigner. Pour cela, il doit tirer les leçons de l’élection en nommant à Matignon quelqu’un qui est en capacité de gouverner sans être renversé immédiatement. » Quand cela interviendra-t-il ? Sans doute après les JO, sauf « accélération formidable » confie l’entourage d’Emmanuel Macron à l’Elysée sans préciser, pour l’instant si la trêve s’arrête après les Jeux Olympiques, au mois d’août, ou après les paralympiques, en septembre. 

« Plus le temps passe, plus le perdant du jour du vote devient celui qui peut trouver une solution »

Jusqu’ici, le temps a joué en faveur d’Emmanuel Macron. Quelle lecture va-t-il faire de l’élection ? Alors que le Nouveau Front populaire revendiquait avec assurance sa courte victoire le soir du 7 juillet, il apparaît désormais enlisé dans des négociations sans fin. Le Rassemblement national, qui a enregistré une très forte poussée lors des législatives, est apparu cornérisé lors de la répartition des postes à l’Assemblée nationale. Quant au camp présidentiel, en pleine déroute, peut-il trouver son salut dans une alliance avec LR ? Le temps fait son œuvre et donne désormais le sentiment que les derniers de l’élection seront peut-être les premiers de la page politique qui s’ouvre. Qui aurait pu prédire, le soir du 2e tour, que Yaël Braun-Pivet retrouverait le perchoir ? « Plus le temps passe, plus le perdant du jour du vote devient celui qui peut peut-être trouver une solution » analyse Bruno Cautrès. 

Pour Bastien François, Emmanuel Macron va surtout attendre, tout en donnant des signaux. Jouer au maître des horloges pour le président de la République peut permettre de voir la situation se déliter encore plus à gauche. « Il va essayer de laisser pourrir à gauche. Plus ça dure, plus le Nouveau Front populaire doit faire semblant de chercher un Premier ministre » résume le politiste. En répétant une nouvelle fois qu’il faut que les partis républicains se parlent et s’entendent, le président de la République ne fermerait pas la porte à la droite, qui vient de dévoiler hier son Pacte législatif, mais ne viendrait pas non plus acter un accord, qui lui ferait perdre une partie de la gauche macroniste. La ligne de crête, une nouvelle fois. Il est donc urgent d’attendre. » Le discours qui consiste à dire qu’il a demandé une structuration, qu’il faut faire des efforts et qu’il faut que tout le monde se parle, ce numéro l’arrange. » 

A gauche, « des différences de stratégies et des différences programmatiques »

Quelles perspectives commencent à se dessiner ? A gauche, estime Bruno Cautrès, on est enfoncé dans un « moment de communication dysfonctionnelle » où l’on lave le linge sale en public et où les personnes pressenties pour Matignon n’ont même pas été averties, ou referment déjà la porte face aux discussions sans fin. Or, le sujet du Premier ministre reflète un fossé qui divise à gauche sur des questions de fond. « Ce n’est pas qu’une problématique de personne pour Matignon, il y a des différences de stratégies et des différences programmatiques » souligne Bruno Cautrès. Le politologue voit des lignes de fractures profondes dans le NFP et souligne que la proposition de loi LFI pour l’abrogation de la réforme des retraites risque de mettre les socialistes au pied du mur. « Si le PS n’embraye pas sur ce texte, ça sera la preuve qu’ils étaient dans le double discours. » 

Vers un « soutien sans participation » de la droite

Pour l’heure, on voit surtout comment les liens commencent à se tisser avec la droite. Hier, Ensemble pour la République a publié un texte qui tend la main à la droite républicaine. Même si pour l’heure, Gabriel Attal et Laurent Wauquiez ne sont pas au diapason. D’un côté, un pacte de coalition proposé par le Premier ministre, de l’autre un pacte législatif précisé hier par le patron des députés de la droite républicaine, aux côtés du président des sénateurs LR Bruno Retailleau. Pour Bastien François, ces deux termes renvoient à « deux réalités politiques différentes ». D’un côté, un pacte engageant où la coalition sous-entend que des membres des différents partis politiques doivent être représentés au gouvernement. De l’autre un pacte législatif, qui est synonyme de « soutien sans participation » conditionné au respect d’un programme législatif. La droite ne s’engagerait alors qu’à ne pas renverser le gouvernement tant que celui-ci légiférerait comme elle le souhaite. Une situation qui aurait pour avantage de toujours placer LR dans l’opposition, critique s’il le souhaite, élogieux si l’exécutif exauce ses vœux. 

Dans cette séquence, la stratégie de Laurent Wauquiez marque déjà des points. « Il est en train d’assécher les ambitions d’autres membres des LR pour 2027, il présente le visage de celui qui est toujours droit dans ses convictions mais aussi force de proposition. Le boss est de retour », résume Bruno Cautrès. La droite républicaine paraît encore une fois en position de faiseurs de rois, encore plus courtisée aujourd’hui alors qu’elle compte une quarantaine d’élus, qu’à l’époque où le groupe en comptait une soixantaine. 

Un gouvernement démissionnaire « peut durer aussi longtemps qu’on veut »

Reste donc une question, combien de temps peut durer un gouvernement démissionnaire. « Ça peut durer aussi longtemps qu’on veut. La seule vraie difficulté, c’est le budget » explique Bastien François qui révèle toutefois une parade pour contourner le problème : « on peut reconduire à l’identique le budget de l’an dernier puis faire un projet de loi de finances rectificative. » Les pouvoirs de ministres aux affaires courantes peuvent permettre de gérer bien des situations : « ils peuvent publier des décrets d’application, prendre des arrêtés préfectoraux pour interdire une manifestation, gérer l’affectation des enseignants à la rentrée. » En revanche, les « parlementaires ne peuvent pas se rebeller car ils ne peuvent pas renverser le gouvernement par une motion de censure. » 

Maintenir plusieurs semaines un gouvernement démissionnaire, un mauvais signal estime cependant Bruno Cautrès. Reste que la durée moyenne pour former un gouvernement en Europe est de 28 jours. La France n’est pas encore en train de battre des records dans sa situation de blocage actuel. Mais c’est oublier qu’elle fait habituellement vite, car le scrutin majoritaire est prévu, comme son nom l’indique, pour construire des majorités claires. Le temps est généralement nécessaire aux coalitions qui se construisent après des élections à la proportionnelle. « Ce sont normalement des négociations qui sont construites entre les délégués des partis dans des négociations à ciel ouvert. Là, il n’y a aucune discussion de fond entre les socialistes, LR, les Macronistes, les écologistes. Et par ailleurs, l’électeur sait à quoi s’attendre. » La France est donc bel et bien dans une situation inédite : à « la campagne faite de façon majoritaire » succède aujourd’hui une « attitude proportionnaliste. » Une exception française d’un nouveau genre. 

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