La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Insécurité à Grenoble : le maire, Éric Piolle, coupable idéal ?
Par Simon Barbarit
Publié le
Comme Marseille, la ville de Grenoble se voit souvent accoler l’étiquette de ville dangereuse. Dimanche un agent de propreté de la ville, Lilian Dejean, a été tué par balle alors qu’il tentait d’empêcher un délit de fuite après un accident de voiture. Le suspect est connu des services de police pour trafic de stupéfiants. Un meurtre gratuit dans une ville régulièrement en proie à des fusillades liées au trafic de drogue. Au moins 17 épisodes de violence par arme à feu ont été recensés sur le territoire depuis le début de l’année.
Lourde charge de Christian Estrosi
Mais à la différence de Marseille, la gestion sécuritaire de la municipalité de Grenoble est mise en cause par plusieurs responsables politiques de droite et du camp macroniste. Elu depuis 2014, le maire écologiste de la ville, Éric Piolle est régulièrement la cible de la droite et de l’extrême droite qui dénoncent son supposé « laxisme », ou de baisser les bras devant les « revendications de l’islam radical ». Il y a deux ans, la modification du règlement intérieur des piscines municipales de la ville et permettant les baignades en burkini était devenue un enjeu national (lire nos articles ici et ici).
Après le meurtre de cet agent municipal, une nouvelle pluie de critiques s’est abattue sur l’édile. Christian Estrosi, le maire Horizons de Nice a été l’un des plus virulents. « L’entêtement idéologique d’Éric Piolle est une folie ! En refusant d’armer ses policiers municipaux, non seulement il leur met une cible dans le dos mais il met sa population en danger », a-t-il dénoncé sur X. Sur le réseau social, Stéphane Le Rudulier sénateur LR des Bouches du Rhône s’interroge sur la possibilité de mettre la ville sous tutelle. Sur Europe 1, l’ancien ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux évoque lui aussi « l’aveuglement idéologique » d’Éric Piolle citant son refus de la vidéo protection et de l’armement de la police municipale.
Des accusations dont s’est défendu l’intéressé sur BFMTV. « La police municipale agit pour la tranquillité publique. Elle travaille en coopération avec la police nationale : les rôles sont bien différents. Nos policiers municipaux sont dotés d’armes adaptées à leurs missions, dont des pistolets à impulsion électrique à Grenoble. En tant qu’employeur, je considère que les armer d’armes à feu, c’est les exposer à des missions qui ne sont pas les leurs et à des risques supplémentaires », a-t-il assumé.
Armer la police municipale : « Ce n’est pas ce que nous ont demandé les représentants d’élus locaux »
« Ces réactions sont complètement déplacées. Surtout lorsqu’il s’agit d’élus, de parlementaires, qui devraient être en soutien du maire et évoquer le désengagement de l’Etat dans la lutte contre le narcotrafic qui touche toutes les villes de France », s’offusque le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère.
« Les élections municipales approchent », relève avec philosophie le sénateur PS Jérôme Durain, président de la commission d’enquête sur le narcotrafic. « L’ampleur du narcotrafic est systémique et couvre l’ensemble du territoire. On peut s’en prendre aux maires mais ce ne sont pas eux qui vont empêcher le trafic d’armes, ni aller chercher l’argent à Dubaï. Surarmer les polices municipales conduirait à une délégation de pouvoirs qui nous ferait changer de modèle. Ce n’est pas ce que nous ont demandé les représentants d’élus locaux que nous avons auditionnés dans le cadre de la mission ».
Éric Piolle, lui-même avait été auditionné en février dernier au titre de deuxième vice-président de l’association France urbaine. Il avait d’ailleurs plaidé en faveur d’une modification du cadre juridique dans lequel interviennent les policiers municipaux. Il évoquait notamment « un cadre expérimental », permettant de généraliser la verbalisation immédiate, ou faire un contrôle visuel des bagages ».
Parmi les recommandations de la commission d’enquête, plusieurs d’entre elles visaient à renforcer les prérogatives du maire. Les sénateurs préconisaient la possibilité pour les maires de signaler au Tracfin « les commerces de leur commune, soupçonnés de servir au blanchiment du produit de trafics », mais aussi de leur permettre « de demander à l’autorité préfectorale la fermeture de lieux permettant la vente de stupéfiants, sur le modèle des dispositions existantes en matière de vente illégale de tabac ». La mission pointait surtout les lacunes dans la circulation de l’information entre les élus locaux et les services de l’Etat.
« La population a changé. Ce n’est plus la même ville »
La sénatrice LR de l’Isère, Frédérique Puissat est « dauphinoise depuis toujours » et habite à 30 km de Grenoble. « C’était une ville où il faisait bon vivre et qui est désormais en proie à l’insécurité. Il faut être humble sur le sujet. C’est à la fois un sentiment d’insécurité qui s’appuie sur des éléments effectifs ». La sénatrice évoque un manque de synergie entre la police municipale et la police nationale, le refus de la municipalité de développer la vidéoprotection mais aussi des éléments plus structurels comme la hausse de la taxe foncière qui aurait fait fuir les propriétaires. « La population a changé. Ce n’est plus la même ville. Je ne remets pas en cause la sincérité du maire lors de son hommage à l’agent municipal, mais il envoie des signaux qui peuvent s’apparenter à de la provocation », estime-t-elle citant le soutien de la mairie aux squatteurs ou aux mineurs non-accompagnés.
« Le maire ne peut pas tout mais sa mission est quand même d’assurer la sécurité de ses administrés », appuie le sénateur LR, Michel Savin qui se remémore la visite à Grenoble de deux ministres de l’Intérieur, ces dernières années. « Gérard Collomb et Gérald Darmanin sont venus sur place annoncer un renforcement des effectifs de police. Et tous les deux avaient demandé un meilleur investissement de la ville dans les problématiques de sécurité ».
Devant la commission d’enquête cette année, le maire de Grenoble avait lui regretté le manque de transparence du ministère sur la répartition des effectifs. « Nous avons toujours l’impression d’être en concurrence les uns avec les autres […] chaque fois qu’on obtient des policiers on se demande si on ne les a pas piqués à un collègue ».
En 2023, il y a eu 15 homicides en Isère, soit 1,17 homicide pour 100 000 habitants, contre 1,5 pour la moyenne nationale, selon des statistiques du ministère de l’Intérieur, qui ne détaille pas ces chiffres ville par ville.
Pour aller plus loin