« Le cadre constitutionnel n’est plus adapté et ne nous permettra pas d’agir pour faire diminuer drastiquement l’immigration dans notre pays », martelait encore ce matin le président des Républicains, Éric Ciotti, lors d’une conférence de presse.
Présentée en mai dernier comme un « projet de rupture » en matière de politique migratoire, la proposition de loi constitutionnelle « relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile » sera examinée jeudi à l’Assemblée nationale et le 12 décembre au Sénat.
Après avoir réécrit et durcit le projet de loi immigration au Sénat, Les Républicains veulent continuer de préempter ce sujet : ils accusent le gouvernement de défendre une politique « de gauche ». « Le droit à la régularisation, c’est un mantra de la gauche » a notamment tancé Olivier Marleix, le président du groupe LR de l’Assemblée, ce matin.
Si la majorité sénatoriale est parvenue à imprimer sa marque en réécrivant le projet de loi immigration, à l’Assemblée la majorité présidentielle a repris la main en « détricotant » les ajouts de la Haute assemblée. Quant à la proposition de loi constitutionnelle, elle a été rejetée par les députés en commission dans une ambiance houleuse.
Les Républicains ont subi un nouveau revers ce matin en commission des lois du Sénat lors de l’examen de sa proposition de loi constitutionnelle. Leurs alliés centristes se sont opposés à deux articles phares du texte conduisant à leur suppression. L’article 2 prévoit d’élargir les conditions du recours au référendum de l’article 11 de la Constitution. Ce référendum ne peut porter, actuellement, que sur l’organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique et sociale et aux services publics qui y concourent, et sur la ratification des traités internationaux. Le texte porté par Bruno Retailleau vise à y inclure les questions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit de la nationalité. « Nous avons un désaccord majeur sur deux articles qui constituent le cœur de notre proposition de loi constitutionnelle », reconnaît Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat et premier signataire de ce texte.
« Le référendum ne peut pas constituer une voie législative normale »
Pour les centristes, c’est effectivement un non ferme et définitif. « Les choses ont été traitées de manière tout à fait apaisée et constructive. Le référendum ne peut pas constituer une voie législative normale. C’est une réponse à une situation de crise. Il doit être réservé à des sujets non constitutionnels. Nous ne sommes plus en 1962 et il n’y a plus le général de Gaulle. C’est un cap que nous tenons avec beaucoup de fermeté », soutient le sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère qui fait ici référence à l’utilisation du référendum de l’article 11 en 1962 pour modifier la Constitution, sans passer par le filtre du Parlement, afin de permettre l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Pour Bruno Retailleau, il est « essentiel de pouvoir consulter les Français sur la politique migratoire alors qu’aucun phénomène n’aura autant bouleversé la société française depuis un demi-siècle ».
L’article 3 s’est également heurté à l’opposition des centristes. Il permet à la France de déroger aux règles européennes, notamment en matière migratoire si celles-ci « contreviennent à l’identité constitutionnelle de la France ». Ce que LR appellent « un bouclier constitutionnel ». Les centristes saluent la tentative de rapprochement des points de vue et « l’inventivité » du rapporteur, Christophe-André Frassa (LR), mais ils ont quand même fait passer un amendement de suppression. « La notion d’identité constitutionnelle des nations est reconnue au niveau européen. Elle est donc conforme à nos engagements internationaux. Notre collègue Christophe-André Frassa nous a proposé la mise en place d’une question parlementaire de souveraineté devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation dans les cas où une norme européenne contreviendrait à l’identité constitutionnelle de la France, mais la modalité technique d’intervention du Parlement dans la procédure ne nous convient pas car elle serait simplement déclarative », expose Philippe Bonnecarrère.
Des amendements de rétablissement de ces deux articles en séance publique
Pour autant, Christophe-André Frassa reste optimiste quant à la possibilité de voir le texte adopté en séance mardi prochain avec ces deux articles. « On a déjà vu des propositions de loi mal embarquées en commission qui pourtant ont été adoptées en séance. Ce n’est pas parce que j’ai pris un plomb que je vais bouder. Je déposerais des amendements de rétablissement de ces deux articles en faisant preuve d’une plus grande inventivité encore. On avait aussi des points de désaccord sur le projet immigration et on est parvenu à un compromis ».
A ce stade Les Républicains n’imaginent pas voter un texte privé de ces deux articles. « On tentera de l’amender. Ce que j’ai fait en rectifiant la proposition de loi constitutionnelle sur le référendum pour circonscrire son périmètre aux seules questions relatives à l’immigration », rappelle Bruno Retailleau.