C’est une étape clé du processus législatif qui se prépare. L’adoption surprise à l’Assemblée nationale d’une motion de rejet sur le projet de loi immigration a précipité la réunion prochaine d’une commission mixte paritaire. Cette étape intervient généralement dans le cas où le Sénat et l’Assemblée nationale ne votent pas un texte dans les mêmes termes. Dans le cas présent, les députés n’ont pas été jusqu’au vote du projet de loi en séance publique. La commission mixte paritaire qui a pour but d’aboutir à la « conciliation des deux assemblées sur un texte commun » va donc devoir trouver un consensus autour du texte voté par le Sénat fin novembre et considérablement durci par la majorité de la droite et du centre. Et le président du groupe LR, Bruno Retailleau ne semble pas disposé à ce stade à faire des concessions. « Il faut le texte du Sénat, c’est le seul texte qui a été voté aujourd’hui », a-t-il affirmé ce mardi.
Comment la commission mixte paritaire est-elle composée ?
Quatorze parlementaires, sept pour chacune des deux chambres, en proportion du poids de chaque groupe politique à l’Assemblée nationale et au Sénat vont avoir la responsabilité de trouver un accord bicaméral pour proposer au Parlement une version finale du texte. La commission mixte paritaire est le reflet des forces politiques en présence au Parlement. Depuis 2009, quatre représentants de la majorité et trois de la minorité de chaque assemblée sont envoyés aux pourparlers. Et certaines règles sont à respecter. Le président et le rapporteur de la commission saisie au fond de l’examen du texte sont sélectionnés. Le reste des sièges est attribué en fonction de l’importance des groupes de chaque assemblée. Au Sénat, c’est la commission compétente, dans le cas présent, il s’agit de la commission des lois, qui désigne les représentants de la Chambre haute. A l’Assemblée nationale, la Présidente désigne les représentants des députés, sur proposition des présidents de groupe. Trois députés Renaissance, parmi lesquels Sacha Houlié, le président de la commission des lois et Florent Boudié, le rapporteur du projet de loi, un député Modem, un LFI, un RN et un LR, prendront part à la commission mixte paritaire. Au Sénat, trois élus LR, parmi lesquels le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, la co-rapporteure Muriel Jourda, et le président du groupe LR, Bruno Retailleau, le co-rapporteur du texte, Philippe Bonnecarrère (centriste), les deux sénatrices socialistes, Marie-Pierre de la Gontrie et Corinne Narassiguin, et le sénateur Renaissance, Olivier Bitz en feront partie. Les CMP se réunissent alternativement dans les locaux de l’Assemblée nationale et du Sénat. Un « tourniquet » qui s’exerce par commission. La commission mixte paritaire sur le projet de loi immigration devrait se tenir à l’Assemblée nationale, car mercredi 13 décembre, la CMP sur la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, se tiendra au Sénat.
Qui décide de provoquer la réunion de la commission mixte paritaire ?
C’est une décision qui appartient au Premier ministre. Le gouvernement « convoquera une commission mixte paritaire au plus vite, toujours dans une démarche pour débattre et chercher un compromis entre la majorité et les oppositions », a précisé son porte-parole Olivier Véran, à la sortie du Conseil des ministres. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les présidents des deux assemblées peuvent aussi demander conjointement la réunion d’une CMP mais pour les propositions de loi (textes d’initiative parlementaire).
Deux scénarios
Si les parlementaires parviennent à un accord en CMP, celle-ci est dite « conclusive. » Le Sénat et l’Assemblée nationale doivent ensuite voter les conclusions de cette commission mixte paritaire en séance. Seul le gouvernement peut alors amender le texte. Mais au vu des équilibres politiques au sein de la CMP, le texte qui en sortira devrait logiquement pencher à droite, ce qui handicaperait grandement les chances de voir le projet de loi adopté à l’Assemblée nationale, car une partie des députés Renaissance devraient s’y opposer. La Première ministre, Élisabeth Borne en a bien conscience et a indiqué, ce mardi, devant les députés du camp présidentiel que le compromis ne devait « pas se faire au détriment de l’unité de la majorité ». Le gouvernement devrait alors se résoudre à engager sa responsabilité sur ce texte par le recours à l’article 49.3 de la Constitution et prendre le risque d’être censuré par les parlementaires.
Deuxième scénario : l’échec. Lorsque les parlementaires de la commission mixte paritaire ne parviennent pas à un accord, la CMP est dite « non conclusive ». Le projet de loi repart alors dans la navette parlementaire. Le texte qui sert de base aux discussions est le dernier dont l’Assemblée nationale a été saisie avant la réunion de la CMP, soit ici celui du Sénat. Il repartirait devant la commission des lois de l’Assemblée nationale avant l’examen en séance publique. Un retour à la case départ pour l’exécutif avec le spectre d’une nouvelle motion de rejet.