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Immigration : que contiennent les deux propositions de loi LR ?

Les deux propositions de loi constitutionnelle et ordinaire présentées par les Républicains ont été déposées au Sénat cette semaine. Le texte ordinaire composé de plus de 56 articles reprend les mesures du rapport adopté par la commission des lois en mars avec quelques nouveautés sur la restriction du droit du sol et les procédures d’éloignement.
Simon Barbarit

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Il y a deux semaines, dans les colonnes du JDD, les trois leaders des Républicains, Bruno Retailleau, Olivier Marleix et Éric Ciotti présentaient en grande pompe leur « projet de rupture » en matière de politique migratoire. Les trois parlementaires avaient ensuite enchaîné les rendez-vous médiatiques pour détailler leurs propositions, mais de textes, on ne voyait rien venir.

Jeudi 1er juin, les deux propositions de loi constitutionnelle et ordinaire ont été déposées au Sénat.

Un texte largement inspiré des travaux du Sénat

La proposition de loi ordinaire intitulée « Reprendre le contrôle de la politique d’immigration, d’intégration et d’asile » est assez étoffé, plus de 50 articles. « Ce texte propose un véritable changement de paradigme en termes de gestion des flux d’entrées régulières, de regroupement familial, d’immigration estudiantine, de mineurs non accompagnés, d’asile, de reconduites à la frontière et d’expulsions, et d’accès à la nationalité », peut-on lire dans l’exposé des motifs.

« Pour résumer, la proposition de loi est composée des préconisations de mon rapport remis en 2022 (« Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité » lire notre article), du rapport de la commission des lois de mars dernier sur le projet de loi du gouvernement, le tout complété par quelques mesures nouvelles voulues par Éric Ciotti », indique à publicsenat.fr, François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat et co-auteur du texte avec le président du groupe LR, Bruno Retailleau.

En effet, dans le contexte tendu de l’adoption de la réforme des retraites, le gouvernement avec l’accord de la majorité sénatoriale de droite, avait voulu s’épargner dans l’immédiat l’examen d’un autre texte clivant dans un Parlement alors en ébullition. L’exécutif avait décidé de reporter l’examen en séance publique du projet de loi immigration, initialement prévu en mars. Mais la droite sénatoriale avait déjà revu la copie du gouvernement en commission des lois en durcissant les mesures de lutte contre l’immigration illégale.

Dans leur rapport, Muriel Jourda (LR) et Philippe Bonnecarrère (UC) avaient par exemple instauré d’une politique de quotas pour toutes les catégories d’immigration, à l’exception de l’asile. Un débat annuel au Parlement déterminerait le nombre d’étrangers autorisés à s’installer durablement en France. Les élus de Haute assemblée avaient également resserré les critères du regroupement familial, faisant passer de 18 à 24 mois la durée minimale de résidence d’un étranger en France avant de pouvoir formuler une demande.

Placement des demandeurs d’asile en centre de rétention

Après n’avoir eu de cesse de dénoncer le laxisme du gouvernement dans sa politique migratoire, les Républicains sont montés encore d’un cran dans leur proposition de loi déposée jeudi. Les sénateurs LR proposent, par exemple le placement des demandeurs d’asile en provenance de pays sûrs dans les centres de rétention administrative (CRA). « L’idée est de ne pas les laisser dans la nature et de les placer en centres. Actuellement, le principe est celui de l’assignation à résidence », rappelle François-Noël Buffet. Le président de la commission des lois consent néanmoins qu’il s’agît d’une mesure « théorique » car la France ne dispose pas suffisamment de place de CRA. Pour mémoire, Gérald Darmanin proposait, en décembre dernier lors d’un débat sur l’immigration au Sénat, la création de 3 000 places supplémentaires dans les centres de rétention administrative. Le ministre de l’Intérieur avait par ailleurs indiqué que 92 % des personnes placées en centre de rétention administrative avaient un casier judiciaire ou étaient suivies par les services de renseignement. « Nous n’y mettons plus les étrangers en situation irrégulière qui ne représentent pas un danger pour nos concitoyens », avait-il indiqué.

Des propos qui tranchent avec une autre nouvelle proposition de la droite qui souhaite faire du placement en CRA des étrangers en situation irrégulière une mesure de droit commun.

Le délai pour faire sa demande d’asile sera limité à 15 jours à compter de l’arrivée du ressortissant étranger sur le territoire. Une mesure que n’avait pas été retenue la majorité sénatoriale en commission des lois y a quelques semaines car contraire à une directive européenne « Procédure » de 2013 et à la Constitution, avait fait valoir le rapporteur centriste, Philippe Bonnecarrère.

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire, les fameuses OQTF, la proposition de loi prévoit que le rejet d’une demande d’Asile vaudra obligation de quitter le territoire, après un éventuel recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Les déboutés du droit d’asile se verraient immédiatement radié des organismes de sécurité sociale et Pôle emploi. Deux mesures qui figuraient déjà dans le rapport de la commission des lois.

Le rapport de François-Noël Buffet remis en 2022, dont le gouvernement promettait de s’inspirer, préconisait de procéder systématiquement à l’enregistrement des empreintes digitales des étrangers interpellés dans la base de données du système biométrique national. Le rapporteur notait que l’administration était confrontée au « refus systématique des usagers de se soumettre à la prise d’empreintes ». Ce qui retarde les délais d’alignement car cette opération ne peut être conduite que sur autorisation du procureur de la République ou d’un juge d’instruction », relevait le rapport. Raison pour laquelle, le texte prévoit d’autoriser la prise d’empreintes digitales et de photo « sans nécessité de consentement des étrangers ».

Restriction au droit du sol

La commission des lois avait durci en mars dernier les conditions d’accès la nationalité française par le droit du sol. Ainsi, un mineur étranger né sur le sol français ne pouvait plus prétendre à l’acquisition de la nationalité française en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement de plus de six mois non assortis d’une mesure de sursis. Il devait en outre justifier d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. La proposition de loi prévoit en plus d’effacer le droit du sol pour les étrangers dont les parents étaient en situation irrégulière.

Volonté du président du parti, Éric Ciotti, la proposition de loi rétablit le délit de séjour irrégulier, abrogé il y a dix ans. En commission des lois, deux amendements LR en ce sens avaient été rejetés. Il rétablit la double-peine avec un assouplissement des conditions permettant d’expulser ou d’interdire de territoire des individus coupables d’infractions punies d’un an d’emprisonnement.

Il est également prévu qu’un étranger rentré sur le territoire illégalement ne pourra pas être régularisé. « C’est une mesure qui ne concerne pas les demandeurs d’asile », précise François Noël Buffet.

Pour les étudiants étrangers, la proposition de loi prévoit la mise en place d’une caution retour. Elle sera restituée en cas de départ volontaire mais définitivement retenue en cas de soustraction à une mesure d’éloignement. Les étrangers extracommunautaires verront leurs droits universitaires majorés.

En ce qui concerne, la proposition de loi constitutionnelle, qui suscite des interrogations et quelques réticences au sein de la majorité sénatoriale, François-Noël Buffet précise « que si sa philosophie est très ferme, il y aura forcément des débats et des discussions au Parlement ». Le texte n’est pas encore rendu public à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le groupe centriste du Sénat, qui a déjà annoncé le dépôt de deux textes sur l’immigration, voit d’un mauvais œil, la proposition de leurs partenaires de droite qui consiste à déroger au droit européen en matière migratoire. « L’immigration relève d’une compétence partagée entre l’Union européenne et les Etats-membres. Ce qu’on dit, c’est que les décisions des pays doivent être prises en compte », explique François-Noël Buffet. Mais comment inscrire cette idée dans la Constitution ? Elle devrait figurer à l’article 11 du texte fondamental de la Ve République en permettant de légiférer par référendum sur la politique migratoire, « quand les intérêts fondamentaux de la Nation » sont en jeu.

 

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