Paris: Claude Rayna presents the report of the senators’ mission concerning the Marianne Fund

Hausse d’impôts : « Sur la question de la fiscalité, je n’ai pas de ligne rouge », affirme le sénateur Jean-François Husson

Le premier ministre, Michel Barnier, se retrouve pris en tenaille, alors que les hausses d’impôts qu’il envisage divisent sa majorité relative. Une partie du « bloc central », Gérald Darmanin en tête, s’y oppose. Du côté des LR, le rapporteur du budget au Sénat, Jean-François Husson, ne veut pas « être buté » sur le sujet, tout en privilégiant « la réduction de la dépense publique ».
François Vignal

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Ce n’est pas gagné. A l’approche du discours de politique générale de Michel Barnier, ce mardi 1er octobre, chacun dans le camp de l’ex-majorité présidentielle fait monter la pression, avec au cœur des débats, la question de la hausse des impôts. Le premier ministre se retrouve pris en tenaille, entre les lignes rouges de chacun, compliquant un peu plus une tâche déjà ardue.

Dans un entretien au Journal de Saône-et-Loire, Michel Barnier s’est fait clair : « Nous allons faire appel, de manière exceptionnelle et temporaire, à ceux qui peuvent contribuer à cet effort », annonce-t-il. S’il faut attendre les annonces, Le Monde donne déjà les pistes : un prélèvement de 8 milliards d’euros sur les grandes entreprises, via une surtaxe de l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les rachats d’actions, qui était déjà dans les cartons de l’ex-majorité, un alourdissement de l’écotaxe automobile ou encore un durcissement de la fiscalité sur les meublés de type Airbnb.

Gérald Darmanin met la pression à Michel Barnier

Rien qui ne va de soi. Le sujet de la fiscalité travaille depuis plusieurs jours le « bloc central », qui rassemble Renaissance, le Modem ou Horizons. S’ils soutiennent le gouvernement Barnier – ils en sont membres – ce n’est pas les yeux fermés. Michel Barnier a quelques amis qui lui veulent du bien… au point de s’opposer à lui.

Pour sa rentrée politique, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a ainsi pas fait dans la dentelle. « Je sais que nous serons nombreux à ne pas pouvoir soutenir un gouvernement qui augmenterait les impôts », a prévenu l’ex-ministre de l’Intérieur, tout en lançant son club de réflexion, baptisé « Populaires ». Il n’est pas le seul. Dans une tribune publiée dans La Tribune, 27 députés Renaissance du groupe Ensemble pour la République, et pas des moindres, tiennent le même discours. « Il nous paraît […] impensable qu’après sept années de baisse d’impôts ce soit l’alliance du bloc central qui finisse par renoncer à la stabilité fiscale pour les augmenter », soutient le député Mathieu Lefèvre, avec les anciens ministres Aurore Bergé et Marie Lebec ou l’ancien président de groupe Sylvain Maillard.

« Pitoyable et consternant »

Reste que le sujet fait débat chez les soutiens du gouvernement. « Et s’il y a des hausses d’impôts, ils feront quoi, ils vont voter la censure ? » s’interroge un cadre Renaissance, qui s’étonne du ton de la mise en garde et qui préfère « éviter de réagir aux déclarations péremptoires du week-end ». Le même pense qu’il « faudra bien » se rabibocher. « J’entends plus de la com’, que des positions définitives », glisse ce parlementaire. Un autre, classé à droite, y voit aussi une part de posture. Il apprécie d’autant moins le coup de pression de Gérald Darmanin. « C’est juste pitoyable et consternant. Le jeu d’acteur et la mascarade consistant à se tirer la bourre puis à se réconcilier, les François voient bien ça », lâche cet élu.

Un sénateur de l’ex-majorité présidentielle attend lui « de connaître les propositions », avant de se prononcer, ne voulant « pas faire de procès d’intention ». Mais il s’interroge. « Si on me dit hausse d’impôts via les rachats d’action, les énergéticiens, je dis pourquoi pas. Mais, quand il parle de « ceux qui peuvent contribuer », c’est qui « ceux » ? »

De l’autre côté de cette grande famille, au Modem, qui défendait déjà une taxe sur les superprofits des entreprises, on est prêt à suivre. « Nous ne sommes pas fermés à demander des efforts aux personnes les plus riches – aux tranches les plus élevées – et aux très grandes entreprises, via une contribution exceptionnelle. Nous sommes, par ailleurs, prêts à nous attaquer aux niches fiscales, à analyser les situations de rente, à annuler les baisses d’impôts prévues, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises », a soutenu dans Ouest France l’ex-ministre Marc Fesneau, aujourd’hui à la tête du groupe des députés Modem.

« Il ne faut pas se tromper, la réponse au déficit n’est pas fiscale »

Chez les députés Renaissance, on entend contribuer au débat. Déjà en « remettant la mairie au milieu du village », comme le dit le député David Amiel. « Il ne faut pas se tromper, la réponse au déficit n’est pas fiscale. On a un peu perdu le sens des ordres de grandeur. A terme, il faut réduire le déficit de 110 milliards d’euros. Evidemment, vous n’allez pas les trouver par la fiscalité. C’est plus que la totalité de l’impôt sur le revenu. Donc on a besoin de faire des économies dans les dépenses publiques », cadre le député de la commission des finances de l’Assemblée.

Le député de Paris fixe aussi ses limites : « S’il y a des hausses d’impôts dont j’estime qu’elles fragilisent notre économie, je voterai contre », prévient David Amiel, « très hostile à la hausse de l’impôt sur le revenu ». Même chose pour les entreprises : « La hausse de l’impôt sur les sociétés, j’y suis très hostile, même si ça concernait les grandes entreprises, d’autant que ce sont elles qui ont tendance à délocaliser », met en garde ce proche d’Emmanuel Macron, qui « trouve démago de vouloir les cibler ». Même opposition à toute « hausse de charges ». Si celui qui avait conduit une mission d’information sur les superprofits trouve « légitime de s’interroger sur certaines rentes », il ajoute :

 Si on fait une surtaxe au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires des grandes entreprises, c’est très dangereux pour le pays. 

David Amiel, député Renaissance de Paris.

David Amiel propose « un filet fiscal, avec un montant minimum d’impôt qu’on demande aux plus riches »

David Amiel est en revanche « favorable à la taxe sur les rachats d’action, la lutte contre l’optimisation fiscale ou à un toilettage d’un certain nombre de niches fiscales, où je n’ai aucune difficulté ». Cet ancien conseiller de l’Elysée évoque notamment « un débat qu’il y aura sur le pacte Dutreil (qui permet de transmettre une entreprise avec une grosse exonération fiscale, ndlr). Il ne s’agit pas de le supprimer, il est très utile pour protéger nos entreprises. Mais on sait qu’il peut y avoir un certain nombre de détournements ou d’abus ».

Quant à la fiscalité sur les très riches, David Amiel a son idée sur le sujet. « Plutôt que d’augmenter les impôts, qui sont contournés, on peut s’assurer que ceux qui sont demandés soient mieux payés », imagine le député Renaissance. Jugeant « intolérable » que « certains très riches paient 2 % de leurs revenus réels en impôts », il met une proposition sur la table. « J’invite à réfléchir à un filet fiscal, en ayant un montant minimum, un filet, qu’on demande aux plus riches, pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’abus du système. C’est une piste qui me paraît importante », avance David Amiel. En vue d’un éventuel amendement lors du budget, il « travail techniquement » le sujet actuellement, mais la question est « un peu compliquée ».

« On a identifié plus de 130 actions susceptibles de baisser la dépense publique », explique Jean-François Husson

Chez les LR, qui soutiennent le gouvernement Barnier, la question de la fiscalité n’a rien non plus d’évident. Surtout pour une famille politique dont l’ADN est plutôt de prôner la baisse des impôts. Mais le débat existe aussi.

Au Sénat, pour le rapporteur général du budget, Jean-François Husson, le premier objectif est de faire des économies. Ses services travaillent au sujet en vue du projet de loi de finances. « On a identifié plus de 130 actions susceptibles de baisser la dépense publique. On a fait un gros travail de fond », explique le sénateur du groupe LR. Il rappelle au passage que la majorité sénatoriale « avait voté l’an dernier 7 milliards d’euros d’économies. Le gouvernement avait dit que ce n’était pas le moment. Donc on va regarder pour essayer d’aller plus loin ». Il ajoute : « Je privilégie la réduction de la dépense publique, partout où on pourra le faire, ça doit être un réflexe ».

« Plutôt qu’être buté, borné, je préfère dire, on va regarder »

Quid des hausses d’impôts ? « La France est quand même leader en matière de prélèvement d’impôts et de taxes », commence par rappeler le rapporteur général du budget. Mais il ne ferme pas la porte pour autant. « Si on trouve suffisamment de milliards économisés, sans avoir d’augmentation d’aucune sorte, tant mieux. Mais je ne suis pas sûr que dans le délai imparti, que ce soit possible. Plutôt qu’être buté, borné, je préfère dire, on va regarder », avance Jean-François Husson. Autrement dit, « cette question-là (des hausses d’impôts) n’arrive qu’une fois qu’on a fait l’inventaire des économies ». Histoire d’être clair, il ajoute : « Sur la question de la fiscalité, je n’ai pas de ligne rouge car je considère qu’on doit entendre, écouter tout le monde, pour avoir un dialogue, constructif et fécond. Mon objectif, c’est de redresser la situation et de redresser progressivement les comptes ».

Concrètement, Jean-François Husson donne un exemple de hausse de taxe possible, qui serait en réalité une fin d’une baisse exceptionnelle de taxe. « La TICFE (taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité) avait été baissée au moment de la crise énergétique. Il était convenu d’un retour à la normal. Mais on n’a fait qu’une partie du chemin. Les taxes doivent revenir au niveau qui était le leur avant la crise », soutient le sénateur de la Meurthe et Moselle, qui demande : « Peut-on continuer à faire des cadeaux, sans regarder, sans compter ? Non ».

« Chacun sait que ça se terminera par un 49.3 »

Autre piste : la taxe sur les superprofits. Alors que la majorité sénatoriale l’avait rejetée jusqu’ici, lors des débats, cette année, le rapporteur ne ferme pas la porte. « Je regarderai. Je ne mets pas de verrou », lâche Jean-François Husson, qui met en revanche en garde contre « les symboles » sur les plus riches. De quoi permettre un débat nourri, en vue du projet de loi de finances, mais à condition qu’il soit ouvert, espère le rapporteur : « Si chacun vient avec mille et une lignes rouges, vous n’avancez pas ». Reste une issue, comme l’évoque un parlementaire du bloc central et de plus en plus évoquée en « off » : « Les débats vont être très difficiles, car chacun sait que ça se terminera par un 49.3. Ça me paraît impossible de faire autrement ».

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