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Groupuscules d’ultradroite : « Gérald Darmanin ne s’attaque au problème que lorsque celui-ci devient incontrôlable »

Le ministre de l’Intérieur souhaite la dissolution de trois groupuscules d'ultradroite en réponse aux rassemblements violents qui ont émaillé le week-end, après la mort du jeune Thomas à Crépol. Auprès de Public Sénat, le sénateur écologiste Thomas Dossus estime que l’exécutif n’a que trop tardé à s’attaquer à ce phénomène, tapant plus volontiers sur les mouvances d’ultragauche.
Romain David

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Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, va demander la dissolution de trois groupuscules d’ultradroite après les manifestations violentes qui ont suivi la mort du jeune Thomas dans la Drôme. « Je vais proposer la fin de divers groupuscules », a annoncé le locataire de la place Beauvau sur France Inter ce mardi 28 novembre, allant jusqu’à pointer le risque d’une « guerre civile ». Le ministre a évoqué un groupe baptisé « la Division Martel » et « deux autres dont [il] ne peu [t] pas évoquer les noms » pour des raisons de procédure.

Le drame de Crépol « ne doit pas permettre que quelqu’un d’autre s’érige au nom de l’Etat pour faire justice […] Il y a dans l’ultradroite une mobilisation qui veut nous faire basculer dans la guerre civile », a estimé Gérald Darmanin.

En réaction à la mort de Thomas, 16 ans, poignardé à mort lors d’une rixe en marge d’une fête de village le 19 novembre, une centaine de militants d’ultradroite ont défilé cagoulés samedi soir à Romans-sur-Isère et tenté d’investir le quartier de la Monnaie, d’où sont issus certains suspects dans cette affaire. Les forces de l’ordre ont arrêté 20 personnes, dont 17 ont été placées en garde à vue « à la suite de violences contre les forces de l’ordre », a fait savoir la préfecture de la Drôme. Six de ces militants ont été condamnés à des peines de 6 à 10 mois de prison ferme après avoir été jugés en comparution immédiate.

Par ailleurs, lundi soir, une centaine de personnes ont défilé dans le centre de Lyon à l’appel du collectif d’ultradroite Les Remparts, et ce malgré l’interdiction prononcée par la préfecture. Ils ont été dispersés par les forces de l’ordre, qui ont interpellé et placé en garde à vue huit personnes.

L’exécutif demande « de la retenue et de la décence »

De son côté, le gouvernement multiplie les appels au calme. Mercredi dernier, lors de la traditionnelle séance des questions d’actualité au gouvernement au Sénat, la Première ministre Élisabeth Borne a condamné les tentatives de récupération politiques. « Je suis convaincue que ce moment appelle à la retenue et à la décence. Utiliser ce drame pour jouer sur les peurs, c’est manquer de dignité et de respect pour les victimes », a estimé la cheffe du gouvernement. Une référence à peine voilée aux déclarations de certains leaders politiques d’extrême droite. Éric Zemmour, le président de Reconquête, a notamment dénoncé sur X (anciennement Twitter) « le djihad du quotidien que subissent les Français. »

En déplacement lundi à Crépol, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement a estimé que ce drame ne tenait pas de « la simple rixe », mais « faisait courir le risque d’un basculement » Il a toutefois rappelé que c’est « à la justice de rendre justice. Pas aux Français eux-mêmes », ciblant explicitement « les factions de l’ultradroite animées par la haine et par le ressentiment. »

« De tels groupuscules ont toujours existé dans l’histoire politique »

« Evidemment, lorsqu’il y a une menace avérée ou des violences, la seule réponse possible est la dissolution », explique le sénateur LR du Rhône Etienne Blanc à Public Sénat. « Mais toute la difficulté pour le gouvernement est de faire la part des choses entre la liberté d’expression et ce qui relève de la justice. De tels groupuscules ont toujours existé dans l’histoire politique. Ils doivent être dissous pour ce qu’ils font et pas pour ce qu’ils sont, sur la base d’actes précis », estime encore cet ancien avocat, favorable par ailleurs aux rapprochements des droites.

Pour sa part, Éric Ciotti, le président des Républicains, a été vivement brocardé sur les réseaux sociaux pour ne pas avoir clairement condamné les descentes organisées par l’ultradroite lors d’une interview sur BFM TV dimanche. « Je vois bien qu’il y a une dérive médiatique qui voudrait accorder à des faits en réaction à Crépol une importance plus importante que Crépol. Vous ne me ferez pas dire ça », a déclaré le député des Alpes-Maritimes au micro de « C’est pas tous les jours dimanche ». Avant de rétropédaler sur C8 le lundi : « C’est faux de dire que je n’ai pas condamné ».

Pour le sénateur écologiste Thomas Dossus, élu du Rhône, les évènements des derniers jours ne sont pas un ensemble d’épiphénomènes consécutifs à un fait divers tragique, mais bien la traduction d’une tendance plus large. « La grille de lecture d’un affrontement civilisationnel, qui était autrefois celle portée par l’extrême droite la plus violente, est désormais rentrée dans le corpus idéologique de la droite classique. Les membres de ces groupuscules se sentent aujourd’hui portés par le débat public, ce qui les pousse à agir. Eux, ne voient pas la victime dans le drame terrible de Crépol, mais la concrétisation de leurs obsessions. »

70 % des agressions à caractère militant liées à l’ultradroite

En 2019, l’Assemblée nationale a consacré une commission d’enquête à la « lutte contre les groupuscules d’extrême droite », conduite par l’ancien député Renaissance Adrien Morenas. Ses conclusions pointent « la menace réelle à la République » que représente cette nébuleuse et « qu’il ne faut pas sous-estimer ». Il évoque « son atomisation » mais aussi les capacités de « recomposition permanente de ses différentes formations », ainsi que leur « utilisation agile » des réseaux sociaux et autres nouveaux outils de communication. Le rapport d’enquête estime que les effectifs de la mouvance identitaire se situent entre 2 000 et 3 000 personnes, des chiffres stables depuis plusieurs décennies, en dépit de la progression dans les urnes de l’extrême droite française.

Le programme de recherche ANR « Vioramil » (Violences radicales et militantes en France des années 1980 à nos jours), a compilé l’ensemble des faits de violences militantes répertoriés en France depuis plus de trente ans. « Dans la base de données rassemblant à peu près 10 000 faits de violence que nous avons établie, 70 % des agressions, c’est-à-dire des atteintes aux personnes, sont le fait de groupes d’ultradroite », expliquait en juin dernier lors d’une audition devant l’Assemblée nationale, Isabelle Sommier, spécialiste des mouvements sociaux et de la violence politique, professeure de sociologie au Département de science politique à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

De son côté, Thomas Dossus dénonce la confusion qui s’opère dans le discours de certains responsables politiques entre ultragauche et ultradroite. Il relie cette assimilation à l’élargissement des motifs de dissolution d’une association à l’atteinte aux biens, via la loi du 24 août 2021 « confortant le respect des principes de la République ». « On nous dit que c’est la même chose, mais les zadistes anti-bassines ne s’en prennent pas aux personnes, ils ne descendent pas dans la rue avec des barres de fer pour organiser des ratonnades », s’agace-t-il.

« Je n’ai pas l’impression que la priorité du gouvernement soit du côté des groupuscules d’ultradroite. On voit bien que Gérald Darmanin ne s’attaque au problème que lorsque celui-ci devient incontrôlable, en annonçant des dissolutions, mais il ne traite pas le mal par la racine », regrette Thomas Dossus. L’élu dénonce un manque de volonté politique, et appelle au déploiement de moyens supplémentaires pour traiter ce phénomène, notamment en matière de renseignements.

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