Paris: Handover ceremony of Borne and Attal at Matignon Palace

Gouvernement : les six leçons à retenir d’un remaniement marqué à droite

Entre un gouvernement marqué à droite, avec peu de renouvellement, qui paraît resserré, où les femmes n’occupent pas de poste clef et la surprise Rachida Dati, qui affaiblit encore les LR, Emmanuel Macron semble loin de la « régénération » promise avec son remaniement.
François Vignal

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L’effet de surprise aura été concentré sur l’arrivée de Gabriel Attal, à Matignon. Car pour l’essentiel, si ce n’est une nouvelle prise LR, avec Rachida Dati, la nomination des principaux membres du gouvernement ne révèle pas de grands changements. Les poids lourds restent en place. On prend les mêmes et on recommence. A se demander, au fond, pourquoi Emmanuel Macron a voulu virer Elisabeth Borne.

Invité du 20 heures de TF1, Gabriel Attal a donné quelques éléments, avant son discours de politiques générale. Il a assuré vouloir « valoriser le travail, l’engagement, le mérite » des classes moyennes. Il a reconnu que Matignon était « une fonction majeure à l’âge qui est le (sien) ». « Il y a onze ministres de plein exercice », souligne le nouveau locataire de Matignon, qui explique vouloir « de l’action, de l’action, de l’action » et « des résultats, des résultats, des résultats ». Et de la com’, de la com’, de la com’ ? Lui entend prouver le contraire.

  • Un gouvernement resserré… en façade

Un engagement est tenu (du moins pour l’heure) : c’est un gouvernement resserré. On compte seulement 14 ministres et ministres délégués. Un record sous la Ve République. Mais il faut encore attendre la nomination des secrétaires d’Etat (comme au Logement par exemple, alors que c’est une priorité des Français), pour avoir le nombre exact, qui va forcément gonfler.

  • On prend les mêmes…

L’élément de langage sur la « régénération », avancé par les responsables de la majorité et Emmanuel Macron lui-même, tombe déjà à l’eau. Ou du moins, il ne s’incarnera pas par les visages. De quoi permettre une continuité.

Avec Bruno Le Maire à Bercy, Gérald Darmanin à l’Intérieur, Eric Dupond-Moretti à la Justice et Sébastien Lecornu aux Armées, ce sont quatre poids lourds du gouvernement qui sont reconduit. Les deux premiers n’avaient pas été très allants quant à l’arrivée de Gabriel Attal, au point que l’entourage du locataire de Beauvau a fait savoir qu’il resté en poste avant l’officialisation… De quoi mettre à mal d’emblée l’autorité du plus jeune premier ministre de l’histoire.

Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques, reste au gouvernement mais en récupérant le portefeuille de l’Education nationale. Un périmètre étonnamment élargi, alors que l’école est présentée comme une priorité d’Emmanuel Macron et que les JO de Paris vont certainement occuper beaucoup de son temps.

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A l’Agriculture, Marc Fesneau, membre du Modem, conserve son maroquin. De quoi satisfaire l’allié François Bayrou, qui s’est fait entendre en interne durant cette séquence. Christophe Bechu reste quant à lui à la Transition écologique et à la Cohésion des territoires. C’est ici le quota Horizons, le parti d’Edouard Philippe, autre formation membre de la majorité présidentielle, qui est respecté. Mais en terme d’équilibre, le Modem est pour l’heure sous représenté…

Sylvie Retailleau reste à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. Elle avait menacé de quitter le gouvernement après le vote de la loi immigration. Prisca Thevenot, jusqu’alors secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse, devient la nouvelle porte-parole du gouvernement. Aurore Bergé passe du ministère des Solidarités et des Familles, à l’Egalité entre les hommes et les femmes et à la Lutte contre les discriminations, où elle portera la question de l’IVG, de la lutte contre les violences faites aux femmes ou la lutte contre l’antisémitisme.

  • Un gouvernement marqué à droite (et sarkozyste)

S’il y avait encore un doute pour savoir si Emmanuel Macron avait enterré le « en même temps » droite/gauche, la composition de ce gouvernement est la preuve qu’il est un lointain souvenir. C’est en effet un gouvernement marqué très à droite. La liste des ex-LR est longue comme le bras : Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti, Sébastien Lecornu, Christophe Bechu, sans oublier les deux nouvelles prises : la Rémoise Catherine Vautrin, qui a failli être nommée à Matignon en 2022, et qui devient ministre du Travail, de la Santé et de la Solidarité. Cette ex-LR est aujourd’hui à Horizons. Et bien sûr Rachida Dati, ministre de la Culture et vraie surprise de ce gouvernement.

Aurore Bergé, qui vient aussi des rangs de la droite, passe à l’Egalité femme-homme et à la Lutte contre la discrimination, et aux Relations avec le Parlement, petite surprise, c’est Marie Lebec qui remplace Franck Riester. La députée Renaissance des Yvelines vient aussi… de la droite.

A noter que les anciens soutiens de Nicolas Sarkozy, qui parle à Emmanuel Macron depuis son élection, sont nombreux, avec notamment Darmanin, Dati, Lecornu, Vautrin. A croire que l’ex-chef de l’Etat est revenu au pouvoir…

Gabriel Attal a certes commencé au PS, comme strausskahnien, et Stéphane Sejourné ne vient pas de la droite non plus. Mais pas sûr que cela compense l’image bien à droite de ce gouvernement.

  • Aux postes clefs, où sont les femmes ?

Ce gouvernement coche plusieurs cases : premier ministre le plus jeune, gouvernement le plus resserré. Et même la parité, avec sept hommes pour sept femmes. Mais à y regarder de plus près, l’exécutif confie les postes clefs à des hommes : intérieur, défense, justice, soit tout le régalien, ainsi que l’économie. A l’Europe et aux Affaires étrangères, on voit l’arrivée surprise de Stéphane Séjourné, un proche du chef de l’Etat, qui était attendu pour mener la liste Renaissance aux européennes. Encore un homme.

Si on ajoute les deux têtes de l’exécutif, Emmanuel Macron et Gabriel Attal, ou encore le secrétaire général de l’Elysée, poste névralgie de la République, qui reste occupé par un homme, Alexis Kohler, on peut dire que la cause masculine est bien défendue.

  • La surprise Dati : encore un coup dur pour la droite… et la culture ?

Certains ont cru d’abord à une blague. Rachida Dati est nommée ministre de la Culture. Personne ne l’a vue venir. Avec Catherine Vautrin, c’est l’autre prise de guerre à la droite. On pensait qu’Emmanuel Macron avait fini de dépecer les LR. Il restait encore de quoi se mettre sous la dent. Mais la maire LR du VIIe arrondissement de Paris, ex-ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy, se retrouve déjà exclue de son parti. Dans un communiqué laconique, Eric Ciotti a annoncé dès ce jeudi soir qu’elle ne faisait « plus partie des Républicains », une décision prise « avec regret ».

L’arrivée de Rachida Dati fait aussi l’effet d’une bombe politiquement, à Paris. Celle qui vise de prendre la mairie à Anne Hidalgo, en 2026, sait bien qu’il lui sera très difficile, voire impossible, de l’emporter avec les seuls électeurs LR. Son passage au gouvernement la rendra Macron compatible. Elle pourrait peut-être ainsi récupérer les voix macronistes, indispensables pour espérer prendre la capitale, dans le cadre d’une alliance macronistes/droite. Encore hypothétique.

Le monde de la culture devrait quant à lui accueillir froidement, pour ne pas dire rejeter, cette nomination. L’ex-garde des Sceaux n’est pas particulièrement connue par pour sa maîtrise des enjeux du secteur, ni pour ses connaissances particulières en art, musique ou spectacle vivant. Elle remplace Rima Abdul Malak, qui avait elle le profil, mais qui paie ses critiques sur Gérard Depardieu et la loi immigration.

Côté musique, elle explique en 2016, sur France 3, aimer le titre de Michel Sardou, « Être une femme ». « Il y a du fantasme de femme, de la réalité de femme, de la frustration de femme… il y a tout ! Tout est dit. J’écoutais ça quand j’étais ado, je trouvais ça génial. C’est totalement transgressif », lançait-elle, enthousiaste.

Si la nouvelle ministre devra faire ses preuves rue de Valois, son nom a déjà inspiré quelques titres. Comme ici, avec le rappeur L’Don, qui a simplement appelé son morceau « Rachida Dati ». Entre deux punchlines sexistes et misogynes, on entend « mes concurrents j’les aplatis, pour m’embourgeoiser comme Rachida Dati ». En 2009, le groupe electro Sexy Sushi sort le morceau « A Bien Regarder, Rachida », et chante « ça m’donne envie d’dominer. C’est tellement bon de tout contrôler. J’ai comme une soif de pouvoir. J’veux rendre les choses obligatoires »… Autre titre, plus humoristique celui-là : « Amoureux 2 Rachida », par Dirty Dahn feat Richie Adams.

  • Des ministres sortants… mais avec Agnès Pannier-Runacher de retour à la Santé ?

De nombreux ministres ne sont plus là. Mais il faut encore attendre de voir les noms des secrétaires d’Etats. Agnès Pannier-Runacher, qui était ministre de la Transition énergétique, pourrait ainsi, selon les informations de publicsenat.fr, être nommée ministre déléguée à la Santé, auprès de Catherine Vautrin.

Parmi les ministres sortants, on compte l’ex-porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, dont on évoque le nom pour mener la liste Renaissance aux européennes, à la place de Stéphane Séjourné. Il faudra voir le sort réservé aux ministres frondeurs, lors du texte immigration, comme l’ex-ministre des Transports, Clément Beaune, ou l’ancien du Logement, Patrice Vergriete. Ils pourraient payer leur attitude.

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