Paris: weekly cabinet meeting

Gouvernement Barnier : un séminaire pour apprendre à jouer collectif et éviter les « passes d’armes »

Pour préparer son discours de politique générale, la semaine prochaine, le premier ministre rassemble ses ministres, à qui il a demandé « de faire passer deux ou trois idées ». « Il nous a dit d’éviter les effets d’annonces. Il est plutôt pour les effets de suivi », confie un ministre. Reste l’épineuse question de la cohésion gouvernementale, pour laquelle il y a encore du travail.
François Vignal

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Les premiers pas du gouvernement Barnier n’ont pas été de tous repos. Après à peine une petite semaine d’existence, le séminaire gouvernemental, qui rassemble les 39 ministres – ou plutôt maintenant 41 ministres, après deux nouvelles nominations – ce vendredi, à Matignon, depuis 15 heures, est censé mettre un peu d’huile dans les rouages.

Le premier objectif du séminaire est de préparer le discours de politique générale (DPG), prévu mardi 1er octobre à l’Assemblée et le mercredi 2 au Sénat. Un discours attendu où Michel Barnier donnera les grandes lignes de la politique qu’il entend mener pour le pays.

« Michel Barnier veut une économie sociale de marché »

Dans cette optique, « le premier ministre nous a demandé à chacun de faire passer deux ou trois idées sur nos portefeuilles », explique une nouvelle ministre. Michel Barnier entend donner du sens à son discours. « Il nous a dit que ce ne sera pas un catalogue », précise la même, qui ajoute cependant que « s’il reprend nos deux/trois propositions, multipliées par 39 ministres que nous sommes, ça peut commencer à ressembler à un catalogue… » Taquins ces nouveaux ministres.

Ceux qui attendent de grands projets seront peut-être déçus. « Il nous a dit d’éviter les effets d’annonce. Il est plutôt pour les effets de suivi », glisse une source ministérielle. Piste de la tonalité que pourrait prendre le discours du premier ministre : selon un des interlocuteurs du locataire de Matignon, Michel Barnier « veut une économie sociale de marché. Il l’a évoquée dès lundi », en recevant ses ministres, soit une économie de marché régulée.

Y aura-t-il un nouveau texte immigration, comme pourrait l’espérer le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau ? L’écologie fera-t-elle les frais des coupes budgétaires ? Faut-il préserver le budget de la justice, comme le demande le garde des Sceaux, Didier Migaud ? Et quid d’éventuelles hausses d’impôts pour les plus riches et les grandes entreprises ? Autant de sujets à trancher, et vite. Les arbitrages étaient encore en cours hier pour certains.

Tables rondes et « ateliers de travail »

Au programme du séminaire, « les ministres travailleront collectivement dans le cadre d’ateliers de travail, sur des chantiers, ensemble », explique Matignon. « Collectivement » et « ensemble »… Le message est clair : plus de collectif et moins d’individualisme.

Une première partie est consacrée « à ce qui réunit les Français », avec « des membres de la société civile pour lancer les échanges ». Secundo, le premier ministre devait présenter les priorités de l’action gouvernementale, pendant une vingtaine de minutes. Suivi d’un point par les ministres de Bercy, « Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, sur la situation économique et financière du pays ». Manière de montrer que le sujet est en haut de la pile. Les ministres ont d’ailleurs été incités à ne pas demander davantage que les lettres plafonds, qui fixent le budget par ministère.

Les ateliers sont prévus avec deux sessions de travail de 45 minutes. Les ministres sont réunis en groupe de 8 pour échanger autour de 5 champs d’action publique communs au gouvernement. « Chaque groupe de ministres traitera de 2 sujets, pour faire émerger des idées concrètes d’action. Ces derniers seront présentés à la fin du séminaire », précisait Matignon avant le séminaire. Dans la forme, on n’est pas loin du séminaire d’entreprise.

Les déclarations de Bruno Retailleau, « ce n’est pas une attitude respectueuse et sérieuse », pointe une ministre macroniste

« Ce séminaire clôt une semaine qui a illustré la « méthode Barnier : écouter, dialoguer, et construire des actions de manière collective, des idées, pour améliorer le quotidien des Français » », avance Matignon. Et recadrer ? Après les désaccords affichés par médias interposés, entre les ministres de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et de la Justice, Didier Migaud, le premier ministre a dû avoir une petite mise au point avec ses ministres. Il s’est aussi excusé, suscitant la polémique, auprès de Marine Le Pen, quand Antoine Armand a dit exclure le RN de l’arc républicain.

Des couacs parfois peu appréciés au sein même du gouvernement. « Ça frotte, c’est le début, on s’ajuste sur la façon de travailler. Il y a quelques passes d’armes », réagit en privé un membre de l’équipe ministérielle, qui ne se retient pas pour critiquer Bruno Retailleau, qui n’a pas attendu pour faire entendre sa musique. « Ce n’est pas une attitude respectueuse et sérieuse dans le contexte où on est », lâche ce ministre issu de l’ex-majorité présidentielle, qui tente d’expliquer et de comprendre la logique de ces couacs : « Chacun se dit peut-être qu’il ne voit pas d’avenir à ce gouvernement, donc autant marquer l’opinion. Avec une durée de gouvernement assez indéterminée, la tentation peut être de servir sa notoriété propre, sa logique personnelle et ses intérêts politiques ».

Les ministres Renaissance se sont aussi réunis autour de… Gabriel Attal

De leur côté, les ministres Renaissance se sont retrouvés jeudi matin autour d’un certain Gabriel Attal, à qui le premier ministre a d’ailleurs demandé aussi une note pour son discours de politique générale. C’est à la demande du prédécesseur de Michel Barnier, que ces ministres macronistes se sont réunis. « On a perdu, mais la solidarité du camp présidentiel n’a pas disparu », affirme l’un des convives, qui prévient : « On jouera toute notre part ». Et ce genre de réunion est destinée à se reproduire avec « régularité »… au risque, assumé, que ces moments où « on travaille ensemble, où on se retrouve pour échanger sur la situation », soient interprétés comme une forme de gouvernement parallèle de Gabriel Attal.

Dans ces conditions, on comprend pourquoi Michel Barnier a besoin de créer du collectif, qui n’existe pas pour l’heure. Lors du petit déjeuner, lundi dernier, à Matignon, « certains se rencontraient pour la première fois », fait-on valoir. Allez, pour le prochain séminaire, un petit paintball, de l’accrobranche et une soirée un peu arrosée, et tout le monde sera bientôt (presque) ami.

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