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Gouvernement Barnier : pourquoi les LR jouent à « quitte ou double »

Les LR s’apprêtent à rejoindre le gouvernement Barnier. Mais y ont-ils intérêt, avec beaucoup de coups à prendre ? « Ce sera extrêmement difficile, mais il serait irresponsable de ne pas participer », avance le sénateur LR François-Noël Buffet. « C’est risqué, mais le jeu en vaut la chandelle », ajoute son collègue Cédric Perrin. La présence de Michel Barnier et l’état du pays les poussent à accepter. Mais aussi le principe de réalité, alors qu’ils ne pèsent qu’un peu plus de 5 % des voix…
François Vignal

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Michel Barnier n’est que la tête de pont. Le nouveau premier ministre LR, tout juste nommé par Emmanuel Macron, consulte les forces politiques pour composer son gouvernement, à commencer par les poids lourds des LR, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Gérard Larcher, dès le lendemain de sa nomination. Un signe on ne peut plus clair.

Après avoir dit ces dernières années tout le mal, pour une bonne partie d’entre eux, qu’ils pensaient d’Emmanuel Macron, les LR s’apprêtent à franchir le Rubicon et à rejoindre le gouvernement. C’est l’effet Barnier. S’ils ont dans un premier temps posé leurs conditions et pris leur distance par leur pacte législatif, avant l’arrivée du négociateur du Brexit, tout a changé en peu de temps. C’est le président du Sénat, Gérard Larcher, qui en parle le mieux.

« C’est vrai, nous avons tous évolué », reconnaît Gérard Larcher

« C’est vrai, nous avons tous évolué. Il fallait faire preuve de responsabilité et privilégier l’intérêt national. Le déclic a eu lieu lorsque le président de la République nous a consultés sur l’éventualité de la nomination d’un premier ministre de droite. Notre moteur fut le refus d’aller vers une crise majeure et un blocage des institutions, notamment par le NFP ou le RN », a expliqué le sénateur des Yvelines au Figaro. « Le premier ministre me semble avoir fait siennes nos propositions et je crois que nous pourrons participer au gouvernement », ajoute sans ambages Gérard Larcher, qui assure de « tout (son) soutien » Michel Barnier.

Des personnalités d’envergure seraient prêtes à rejoindre le gouvernement, à commencer par Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR. « On lui a fait une proposition pour un ministère régalien », à l’intérieur ou la justice, confie un sénateur LR. Et d’autres profils de sénateurs LR sont sur la table (lire notre article sur le sujet pour plus de détails).

« Comme dit Bruno Retailleau, l’état du pays est tel, qu’on est obligés de faire quelque chose »

Mais au fond, les LR ont-ils vraiment intérêt à rejoindre le gouvernement Barnier ? N’y a-t-il pas un risque sérieux ? Dès les premières semaines, c’est le budget de tous les dangers qui s’annonce. Politiquement, le risque que les LR coulent avec le navire Macron n’est pas à exclure, en cas d’échec du gouvernement, qui restera sous l’épée de Damoclès du bon vouloir du RN et de Marine Le Pen. Rester en dehors ne serait-il pas plus utile pour atteindre l’objectif de la présidentielle 2027 ?

Mais pour la plupart des sénateurs LR interrogés, il faut y aller. Il n’y aurait pas le choix. « Comme dit Bruno Retailleau, l’état du pays est tel, qu’on est obligé de faire quelque chose », confie un sénateur. Même message de François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat. « La situation du pays étant tellement dégradée, on ne peut pas se revendiquer comme étant un parti de gouvernement et ne pas prendre le moment venu ces difficultés, qui sont immenses. De surcroît, nous avons un premier ministre issu de nos rangs », avance le sénateur LR du Rhône, « nous ne pouvons pas avoir une forme de dérobade. Nous sommes devant l’obstacle et il faut tenter de le franchir ».

« Aujourd’hui, on est face à un mur devant nous », ajoute de son côté la sénatrice du groupe LR, Christine Lavarde, « il appartient à tous les gens qui ont envie d’être responsables pour le pays de mettre de côté leur appartenance politique et de faire une politique de consensus ». Les enjeux politiciens ne doivent pas entrer en ligne de compte, selon la sénatrice des Hauts-de-Seine : « Je ne sais pas du tout qui sera candidat en 2027. Mais il faut déjà savoir si on est capable de rassurer nos créanciers en présenter une feuille de route ». La sénatrice Jacqueline Eustache Brinio ajoute que « les Français ne comprendraient pas une attitude qui consisterait à tout refuser. Et à partir du moment où les choses sont claires, il n’y a aucune raison qu’on ne participe pas à ce gouvernement ».

« Quand on voit l’état des finances publiques, ça va être coton »

Reste que la difficulté est bien dans toutes les têtes. « C’est risqué, oui. Mais le jeu en vaut la chandelle. C’est risqué car on n’est pas sûr de pouvoir mettre en place les mesures qu’il faudra. De l’autre côté, on ne peut pas en responsabilité laisser le pays dans cette situation », avance Cédric Perrin, président LR de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mais « évidemment, quand on voit l’état des finances publiques, ça va être coton. Mais on a l’habitude. A chaque fois qu’on a repris le pouvoir, la situation économique était catastrophique. Il a fallu gérer la mauvaise gestion précédente. Il faut remettre les pendules à l’heure. Mais comme on prend des mesures pas forcément populaires, on est remerciés », souligne le sénateur du Territoire de Belfort. « Nous savons tous que ce sera extrêmement difficile, mais il serait irresponsable de ne pas participer à ce gouvernement », ajoute François-Noël Buffet.

« C’est une situation risquée. Si elle ne fonctionne pas, on pourrait s’interroger. Mais ne rien faire serait pire. Nous apparaîtrions comme des lâches », met en garde un cadre du groupe, qui pense qu’il faut aller « au-delà des calculs. Les trois quarts du temps, on ne prend jamais son risque. On attend. Mais on ne peut prouver que si on agit ». « Les Français nous reprochent peut-être de ne pas toujours avoir fait ce qu’il fallait faire quand on était au gouvernement. Aujourd’hui, on a une carte à jouer pour montrer aux Français que leur préoccupation sont exactement les nôtres », ajoute Cédric Perrin. « La difficulté des LR, c’est d’être audible dans l’opinion. Donc il faut être aux manettes pour montrer que les meilleures solutions économiques et sociétales sont à droite », insiste-t-il.

« En termes d’opportunité politique, c’est maintenant ou jamais »

C’est aussi le principe de réalité qui pousse les LR à accepter. Ils pèsent aujourd’hui entre 5 et 7 % des voix et n’ont que 47 députés… S’ils attendent d’être à nouveau majoritaires seuls, ils attendront peut-être longtemps. Se retrouver aux manettes est en réalité inespéré. De là à parler de hold-up… « Avec le score qu’on fait, évidemment. C’est pour ça qu’il ne faut pas gâcher sa chance », reconnaît Cédric Perrin. Un autre sénateur LR de poids y voit une question de vie ou de mort pour son parti : « En termes d’opportunité politique, c’est maintenant ou jamais. Soit on prend notre risque, soit nous disparaissons. Car les gens diront on est bien pour aboyer et quand il faut il y aller, on n’y va pas ».

Une partie de l’électorat qui leur reste ne pourrait-elle pas aussi reprocher aux LR de prendre part à cette aventure incertaine ? Voire d’aller « à la soupe », soit d’accepter avant tout des postes, quitte à se trahir ? « Ce serait un plat de lentilles de quoi ? Vous croyez que celui qui va devenir ministre y va par plaisir ? Vous y allez sûrement pour une durée très indéterminée, une période assez courte, pour faire des coupes sombres dans le budget. Si ça, c’est un plat de lentilles, pardon… 30 milliards d’économies à trouver pour le budget qui arrive, je ne suis pas sûr que le plat de lentilles soit si apetissant », rétorque Cédric Perrin. « Depuis longtemps, notre électorat est soit parti avec Emmanuel Macron, soit parti au RN. Ceux qui restent sont des fidèles. Bien sûr que certains nous le reprocheront, mais peut-être que d’autres diront enfin, ils ont fait quelque chose », espère un autre sénateur LR.

« Est-ce une chance pour la droite ? Pas nécessairement »

Cédric Perrin reconnaît que sa famille politique joue gros néanmoins. « C’est quitte ou double. C’est pour ça qu’il faudra faire des propositions très claires », met en garde le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Si ça se passe mal, une de ses collègues veut croire que les LR en sortiront indemnes. « Si ça ne tient pas, ce ne sera pas de notre faute, nous ne serons pas responsables. Ceux qui créent le bazar devront assumer. Et les gens comprennent bien que c’est Emmanuel Macron qui a créé cette page institutionnelle effrayante », pense cette sénatrice LR.

Une autre sénatrice du groupe craint que les LR aient plus de coups à prendre. Mais pas le choix. « En réalité, ce n’est pas nécessairement une opportunité. Pour la France, c’est une chance d’avoir quelqu’un comme Michel Barnier. Est-ce une chance pour la droite ? Pas nécessairement », analyse cette sénatrice LR, qui s’interroge : « Quels seront les résultats avec un temps qui reste modéré et des marges de manœuvre qui le seront aussi ? » Elle aussi parle d’une situation « quitte ou double » : « Soit on démontre notre capacité à gouverner, car nous avons les idées et le personnel politique. Soit on n’arrive pas à mettre en place ce qu’on souhaite car on n’aura pas de majorité, que les résultats tardent à venir, car la situation est catastrophique pour les finances, la sécurité, l’immigration, et dans ce cas, cela pourra justifier un rejet de la population ». Mais la même conclut :

 Bien sûr que ça peut être casse-gueule, mais que fait-on ? On laisse Michel Barnier seul ? Cela me paraît difficile. C’est complexe, mais il faut tenter. 

Une sénatrice LR.

« Faut-il aider Macron à se sortir de ce mauvais pas ? Je n’y suis pas favorable », affirme Henri Leroy

Un membre du groupe LR du Sénat ne cache pas son désaccord. C’est Henri Leroy, sénateur des Alpes-Maritimes. Il s’est cependant écarté de la ligne générale, car il a soutenu Eric Ciotti, lors de son pacte avec le RN. « Je pense que nous avons combattu depuis 7 ans toute la stratégie politique d’Emmanuel Macron. Nous sommes associés à quasiment aucune de ses dérives », souligne Henri Leroy, « aujourd’hui, nous sommes dans un blocage inédit. Faut-il l’aider à se sortir de ce mauvais pas ? Personnellement, je n’y suis pas favorable ».

Le sénateur a cependant « confiance » en Michel Barnier. Il comprend aussi l’idée d’« aller au gouvernement pour essayer de sauver la France, mais à condition vraiment, qu’Emmanuel Macron laisse libre ce gouvernement d’agir sous l’autorité du premier ministre. Ce que je ne crois pas. Il est capable de dire et de faire le contraire », alerte le sénateur des Alpes-Maritimes. Henri Leroy met en garde au passage ses collègues en n’excluant pas un retour de bâton lors des prochaines sénatoriales… « Effectivement, toute association à Emmanuel Macron est nuisible pour notre identité gaulliste », dit-il, « c’est peut-être un piège pour les LR ».

Macron qui ne laisserait pas le champ libre, les défenseurs du rapprochement LR-Macron balaient l’argument. « La réalité, c’est qu’on ne va pas travailler pour Emmanuel Macron, on va travailler pour Michel Barnier », soutient une sénatrice LR. « Il faut que les gens comprennent qu’on n’est pas la roue de secours ou la béquille d’Emmanuel Macron. En aucune manière, on ne lui donne un blanc-seing », ajoute Cédric Perrin. Les électeurs diront par la suite s’ils ont la même impression.

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