Gestion de l’eau : les pistes du Sénat pour faire de l’eau « un bien commun partagé »

Gestion de l’eau : les pistes du Sénat pour faire de l’eau « un bien commun partagé »

Alors que le chef de l’Etat présente ce jeudi son plan sur la gestion de l’eau, retour sur les dernières préconisations du Sénat. Fin 2022, la délégation à la prospective remettait son rapport. Elle appelait à « la sobriété », à une « approche pragmatique » des « retenues d’eau », ou encore au développement de la réutilisation des eaux usées ».
Simon Barbarit

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C’est un déplacement attendu que va effectuer Emmanuel Macron à Savine-le-Lac dans les Hautes-Alpes, ce jeudi. Quelques jours après les hautes tensions entre forces de l’ordre et manifestants à Sainte-Soline autour de la construction d’une retenue d’eau, quelques semaines après la sécheresse hivernale qui a frappé l’Hexagone, les conflits d’usage autour de la gestion d’eau divisent de plus en plus les Français.

Au Sénat, une mission d’information sur la gestion de l’eau a commencé ses travaux et remettra ses conclusions cet été. L’année dernière, c’est la délégation à la prospective qui avait présenté ses pistes « pour faire de l’eau un bien commun partagé, répondant aux attentes de la société dans un contexte de transition hydrique qui touche tous les territoires ».

Le chemin difficile de la sobriété en agriculture 

Les élus alertaient sur la multiplication « des conflits d’usage avec des crises de l’eau à répétition » et donnaient la priorité à la « sobriété ». Parmi les axes de travail, la délégation relevait que des économies d’eau pouvaient résulter de la réduction des fuites des réseaux d’eau potable (1 milliard de m3 par an soit 20 % de l’eau distribuée), mais au prix d’investissements lourds. Cet effort de sobriété devra peser principalement sur l’agriculture. Si l’irrigation ne représente que 5 % de la surface agricole utilisée, les besoins en eau augmentent. Les sénateurs évoquaient donc le développement de cultures plus résistantes à la sécheresse, mais ces cultures « ne sont pas toujours économiquement viables ». « Le chemin vers la sobriété en agriculture est donc difficile », constataient-ils.

Retenues d’eau « multiples usages »

Si « la priorité est donnée à la sobriété », la délégation à la prospective insistait bien sur le fait que la politique de l’eau ne peut pas reposer que sur la sobriété seule. Le rapport appelait à « déployer un panel de solutions variées pour mieux mobiliser la ressource en eau », en adoptant notamment une « approche pragmatique » sur le « sujet sensible » des retenues d’eau.

Le rapport relevait bien les craintes des associations environnementales, notamment sur les retenues d’eau en plaine, communément appelées « bassines », qui procèdent aussi à du pompage dans les nappes phréatiques, et sur le « faux sentiment de sécurité » que cela pourrait créer chez les agriculteurs qui se montreraient moins économes en consommation d’eau. Toutefois, les rapporteurs estiment que la réglementation actuelle est déjà assez exigeante et « interdit le stockage de confort ». La France stocke assez peu d’eau par rapport à ses voisins (4,7 % du flux annuel) et qu’ainsi « disqualifier globalement le stockage d’eau ne paraît pas fondé scientifiquement. »

Les rapporteurs plaidaient donc pour la construction de nouvelles retenues d’eau, « multi-usages », et pas seulement réservées aux agriculteurs, « lorsque le service environnemental rendu est positif. » La co-rapporteure communiste, Cécile Cukierman insistait ainsi sur le fait « que la question n’est pas de faire des absurdités environnementales », mais simplement « d’avoir des retenues d’eau qui peuvent servir à de multiples usages », comme la gestion des feux de forêts par exemple. Par ailleurs, d’autres techniques, comme les transferts entre bassins, du Rhône à l’Hérault et l’Aude avec l’Aqua Domitia par exemple, ou la recharge artificielle des nappes sont aussi évoquées.

La piste de la réutilisation des eaux usées

Emmanuel Macron devrait annoncer de nouvelles mesures destinées à accélérer la réutilisation des eaux usées, actuellement pratiquée pour moins de 1 % des volumes en France contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne et 85 % en Israël. Cette solution était aussi préconisée par le Sénat « en particulier en aval des bassins » pour l’irrigation, le nettoyage ou encore l’arrosage public, l’eau sortant des stations d’épuration, plutôt que de la rejeter dans le milieu naturel. « Mettre en place un réseau de réutilisation n’est techniquement pas difficile mais nécessite des travaux de génie civil qui peuvent être coûteux », précise le rapport. En revanche, les sénateurs écartaient la piste de « la désalinisation d’eau de mer « trop coûteuse et énergivore ».

« Repolitiser la gouvernance de l’eau »

Enfin, sur ce sujet éminemment clivant, les élus appelaient à « repolitiser la gouvernance de l’eau ». « La gestion de l’eau est un domaine ardu, souvent laissé aux techniciens, dont les élus ont du mal à se saisir. Or, la légitimité des choix politiques en matière de gestion de l’eau passe par une re-politisation de ses instances et le renforcement de l’échelon local de prise de décision », notait ainsi les sénateurs.

 

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