La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Gérard Larcher en passe d’être élu président du Sénat pour la cinquième fois
Par François Vignal
Publié le
Contre vents et marées. Solidement installé au plateau du Sénat, l’équivalent du perchoir de l’Assemblée nationale, Gérard Larcher va, sans suspense, être réélu président de la Haute assemblée pour trois ans de plus, lundi après-midi. Il aura face à lui Patrick Kanner, qui se présente pour le groupe socialiste, Cécile Cukierman, nouvelle présidente du groupe communiste et Guillaume Gontard, à la tête des sénateurs écologistes. Un évènement à suivre dès 14h30 sur Public Sénat lors d’une émission spéciale présentée par Tam Tran Huy.
33 années au Sénat
Elu pour la première fois sénateur des Yvelines en 1986, « Gégé », comme l’appellent ses amis politiques, a été réélu en 1995. Après un passage au gouvernement Raffarin, puis Villepin, comme ministre du Travail, de 2004 à 2007, il fait son retour à la Chambre haute cette même année là. Il est ensuite réélu sans discontinuité en 2011, 2017 puis cette année, en 2023. Soit une longévité de 33 années comme sénateur.
Dimanche dernier, l’ancien maire de Rambouillet n’a cependant pas réussi son pari de réaliser le grand chelem, sa liste perdant même un siège, en passant de 5 à 4. La faute au sénateur Renaissance Martin Levrier, qui a réussi à se maintenir, et à l’union de la gauche, qui a permis d’envoyer au Sénat une écologiste, Ghislaine Senée.
A 74 ans, ce vétérinaire de profession, grand amateur de chasse, retrouvera donc le plateau pour un nouveau bail de trois ans, jusqu’au prochain renouvellement sénatorial prévu en 2026. Celui-ci s’annonce déjà plus incertain, car il dépendra des résultats des municipales 2026. Un an avant la présidentielle, l’enjeu n’en sera aussi que plus fort.
12 ans au Plateau
Elu la première fois président du Sénat en 2008, succédant à Christian Poncelet, il doit laisser la place au socialiste Jean-Pierre Bel en 2011, quand le Sénat bascule à gauche, de peu. Une parenthèse de trois ans, qui fait figure d’exception dans l’histoire du Sénat, structurellement ancré à droite. Une caractéristique qui s’explique par son mode de scrutin et la répartition des sièges, qui renforce proportionnellement les territoires plus ruraux, où la droite détient encore de nombreuses villes petites et moyennes, au détriment des métropoles, devenues dans leur majorité des terres de gauche et écologistes.
En 2014, retour de la majorité de l’autre côté de l’échiquier politique. Gérard Larcher retrouve son fauteuil, sur le plateau, duquel il préside dans un mélange de rondeur et de fermeté, s’autorisant quelques coups de gueule contre les ministres, comme Benjamin Griveaux. Depuis, il n’a plus quitté le plateau. Il est réélu président en 2017, puis en 2020. Il le sera, à n’en pas douter, une nouvelle fois, lundi. Gérard Larcher a ainsi déjà passé 11 ans et plus de 11 mois – quasi 12 ans en réalité – à la tête de l’institution. Avec les 3 années qui s’annoncent, cela fera 15 ans.
Du « Senat bashing » au Sénat « contre-pouvoir »
Et après ? On souhaite bien du courage à celui ou celle qui espérerait le déloger. Si un jour Gérard Larcher n’est plus président du Sénat – on ne revoit pas aujourd’hui la gauche réussir le coup de 2011 – c’est certainement qu’il aura décidé de passer la main… ou qu’il est appelé vers d’autres fonctions. Son nom a été cité, il y a quelques mois, pour occuper Matignon. La rumeur redescend vite mais montre l’importance que l’homme, comme l’institution, ont pris.
Sous sa présidence, le « Sénat bashing », qui a occupé les gazettes il y a quelques années, a laissé la place au Sénat « contre-pouvoir », grâce notamment aux commissions d’enquêtes, celle sur l’affaire Benalla en tête. Il y a un avant et un après. Elle a fait certainement changer l’image des Français sur l’institution. Le Sénat et ses dorures restent ce qu’ils sont. Plutôt conservateur et libéral, mais avec toute une série de nuances, entre les deux. Et autour, car les oppositions de gauche – socialistes, communistes et écologistes – s’y sentent bien. Et Gérard Larcher, attaché à cet esprit maison, y est pour quelque chose. Saluant, lors des séances, les figures du Sénat sur le départ, il rend d’ailleurs un hommage appuyé à Eliane Assassi, présidente du groupe communiste.
Léger recentrage de la majorité sénatoriale vers… le centre
Pour ces trois ans qui s’annoncent, Gérard Larcher pourra compter de nouveau sur sa majorité. Le renouvellement sénatorial de dimanche dernier n’a pas bousculé les grands équilibres du Palais. La majorité sénatoriale reste stable et solide. Elle est toujours composée du groupe LR et du groupe Union centriste, sans qui la droite n’a pas la majorité absolue. Mais à y regarder de plus près, le groupe présidé par Bruno Retailleau perd quelques plumes dans la bataille, malgré des municipales 2020 qui s’étaient traduites par une victoire de la droite. Le groupe LR perd environ 10 sièges. Bruno Retailleau évoquait mercredi un groupe « autour de 135/136 » membres, contre 145. Mais le recul pourrait être de – 12 sièges. Pour avoir la réponse définitive, il faut attendre mardi, 16 heures, date limite pour s’inscrire à un groupe. Mais certains sénateurs LR, comme Cédric Perrin, y voient « un signal faible auquel il faut faire attention ».
De leur côté, les centristes, qui étaient 57, sont en légère progression, ou seraient stables. Résultat : le point d’équilibre de la majorité sénatoriale glisse légèrement vers le centre. Sans oublier la légère progression d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, qui siège au groupe Les Indépendants. Si le groupe de Claude Malhuret n’est pas en pratique membre de la majorité sénatoriale, lundi, il votera en faveur de Gérard Larcher, comme il y a trois ans.
« Heureusement que Gérard est là »
Ces rapports de force au sein de la majorité sénatoriale ne sont pas neutres. Entre les LR et les centristes, c’est parfois « je t’aime moi non plus ». Si les LR restent le groupe central, l’Union centriste sait défendre ses idées et faire entendre sa différence, comme sur l’immigration. Face à ces moments de désaccord, Gérard Larcher, qui se revendique du gaullisme social, sait maintenir l’équilibre. « Heureusement que Gérard est là », glisse un centriste, dont la ligne souvent droitière de Bruno Retailleau n’est pas la tasse de thé. Gérard Larcher sait être le ciment de la majorité sénatoriale. Il vaut mieux être solide et bien ancré pour tenir debout les murs épais du Palais du Luxembourg.
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