Gazage au Stade de France : « En termes d’ordre public, on doit explorer des nouvelles pistes », consent le préfet Cadot
La commission de la culture et la commission des lois du Sénat poursuivaient leurs travaux sur les incidents survenus le 28 mai dernier au Stade de France à l’occasion de la finale de la Ligue des Champions avec l’audition du préfet Michel Cadot, délégué interministériel à l’organisation des grands évènements sportifs (Diges) et auteur d’un rapport remis au gouvernement le 10 juin dernier sur les évènements.
A ce stade, le rapport Cadot est « le seul document officiel sur lequel nous pouvons nous appuyer dans la conduite de nos travaux pour comprendre l’analyse de l’Etat sur les dysfonctionnements constatés ce jour-là », souligne en guise d’introduction le président de la commission de la culture, Laurent Lafon (centriste).
Michel Cadot a travaillé dans l’urgence « jour et nuit » pour remettre son rapport au gouvernement le 10 juin dernier. « Avant que la question des enregistrements vidéo soit posée », précise-t-il. Plus loin, il explique qu’il n’a pas procédé à des auditions mais s’être uniquement basé sur les rapports des services concernés par la préparation de la finale.
Destruction des images : « C’est simplement une forme d’automaticité »
Interrogé à plusieurs reprises sur le manque d’anticipation des autorités qui a conduit à une destruction automatique des images de vidéosurveillance de l’enceinte sportive, le délégué interministériel a renvoyé vers le consortium du Stade de France pour savoir si ces images auraient pu être « conservées » plus longtemps « tout en continuant à assurer le suivi quotidien ».
En ce qui concerne la préparation de l’évènement, le préfet la juge « sérieuse ». « Une coordination entre les acteurs qui a conduit à ce que la plupart des renseignements soient parfaitement partagés entre toutes les parties prenantes ».
« La gestion des flux a été un peu mise en défaut »
Le dispositif a pêché « au moment de l’exécution des mesures ». « La gestion des flux a été un peu mise en défaut […] une orientation des passagers a été faite de façon trop massive vers le RER D ». « C’est un point sur lequel des progrès peuvent être envisagés. Il faut tenir compte des imprévus, avec une planification des scénarios possibles pour pouvoir redéployer le dispositif en place », a-t-il estimé.
« Le taux de billets falsifiés représente 4 fois plus que ce qui avait été constaté pour PSG-Liverpool en 2018 »
Michel Cadot a également confirmé le chiffre de 30 000 visiteurs sans billet aux abords du stade dont la jauge était pleine (80 000 places). « Ce qui a compliqué le préfiltrage, c’est sans aucun doute la masse de personnes sans billet. Le taux de billets falsifiés représente 4 fois plus que ce qui avait été constaté pour PSG-Liverpool en 2018 », a-t-il pointé.
Ce qui intéresse particulièrement les sénateurs, ce sont aussi les failles dans le dispositif de sécurité. « Est-ce qu’il n’y a pas eu une sous-estimation du risque ? Celui venant des hooligans et de ceux que vous avez appelés les jeunes délinquants. Les premiers actes ont été mis en évidence dès 14h, il n’y a pas du tout eu d’adaptation », l’a interpellé, le sénateur LR, Olivier Paccaud.
« Ce qu’il s’est passé à 14h, c’est autre chose (que des pickpockets), ce sont des tentatives d’intrusions, des bagarres. Ce n’était pas une délinquance d’appropriation », a évacué le préfet.
La gestion du maintien de l’ordre est également au cœur des critiques. Les images de supporters, d’apparence pacifique, gazés par les forces de l’ordre ont fait le tour du monde. Auditionné la semaine dernière, le préfet de police, Lallement avait justifié son usage, assurant que « lorsqu’une foule s’agglomère », il n’y a pas d’autre moyen pour faire reculer les gens ».
Le gazage rendu nécessaire par la situation, mais dans des conditions « pas complètement satisfaisantes »
« La gestion de la crise face à la délinquance sur le parvis du Stade de France, avec gazage, a été rendue nécessaire par la situation, mais dans des conditions ne sont pas complètement satisfaisantes », a jugé le Diges.
Relancé sur ce point par la sénatrice PS, Marie-Pierre de la Gontrie, Michel Cadot rappelle que « chaque pays a sa propre approche en termes d’ordre public. Je pense néanmoins qu’il faut explorer quelques pistes nouvelles […] Dans certains lieux, quand il n’y a pas d’accumulation de foule trop dense, on pourrait avoir des brigades montées ».
JO 2024 : vers un système d’intelligence artificielle de détection des mouvements de foules ?
Enfin dans la perspective des Jeux Olympiques 2024, le préfet a jugé « utile » la mise en place d’un système d’intelligence artificielle de détection des mouvements de foules. Il souhaiterait d’ailleurs le voir intégré dans la future loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi).
Ce système, « sans aucune technique de reconnaissance faciale », permettrait selon lui « d’identifier plus vite et en amont des situations d’engorgements progressifs » et « de réagir très vite », citant en particulier l’un des points névralgiques pour les JO de Paris, le centre de Paris entre la Concorde, le Trocadéro et les Invalides où se dérouleront de nombreuses épreuves.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.