PARIS Demonstration for the union of the left and against the far right, the day after the dissolution of the French National Assembly

Front populaire : à gauche, après « l’accord de principe » sur le nombre de circonscriptions, la bataille des attributions

Les partis de gauche se sont accordés pour ventiler, entre chaque formation, la majeure partie des 577 circonscriptions en vue des législatives anticipées. Les sortants devraient être automatiquement investis, malgré quelques cas litigieux aux yeux des socialistes.
Romain David

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Les grandes manœuvres se poursuivent à la gauche de l’échiquier politique en vue des législatives anticipées. Les partis de gauche sont tombés d’accord mercredi quant au nombre de circonscriptions accordées à chacune des forces politiques constitutives d’un front uni pour le scrutin des 30 juin et 7 juillet. Selon les informations de Public Sénat, LFI pourra déposer 229 candidatures, contre 328 en 2022 dans le cadre de l’accord de la Nupes, et le Parti socialiste et Place publique 170, au lieu de 70 deux ans plus tôt pour le PS. De leur côté, les écologistes et le Parti communiste conservent des contingents équivalents de circonscriptions, à savoir respectivement 92 et 50.

En début de semaine, La France insoumise, le Parti socialiste, les Ecologistes, et le Parti communiste se sont entendus sur le principe de « candidatures uniques » à présenter dès le premier tour des législatives. Le « rééquilibrage » opéré par rapport à 2022 tient compte des résultats aux élections européennes, qui ont vu le candidat PS-Place Publique, Raphaël Glucksmann, arriver en tête des partis de gauche, glanant 13,8 % des suffrages exprimés, devant LFI (9,8 %), les écologistes (5,5 %) et le PCF (2,3 %).

« Je pense que les équilibres montrent que chacun a fait un effort dans un souci d’unité », salue la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. « Les négociations ne pas encore totalement bouclées, mais les choses avancent et j’ai bon espoir que d’ici ce soir un accord soit bouclé », confie le sénateur communiste Ian Brossat. Le temps presse : les candidats ont jusqu’à dimanche 16 juin, 18 heures, pour faire valider leur candidature en préfecture.

Priorité aux sortants

À présent s’ouvre un travail de dentellière sur l’attribution de chacune de ces circonscriptions, et peut-être le point le plus sensible des négociations. Les forces en présence se sont entendues sur un principe : accorder la priorité aux sortants, une exigence des insoumis qui comptabilisent le plus grand nombre de députés. Ce qui n’est pas nécessairement du goût de toutes les sensibilités.

Dans la configuration actuelle, LFI dispose de 75 élus, le PS 31, les écologistes 21 et les communistes 22. « Les 170 circonscriptions attribuées au PS ne sont qu’un chiffre d’affichage ! », tempête auprès de Public Sénat un fin stratège socialiste, peu enthousiaste à l’idée d’un nouveau rapprochement avec les insoumis. « Dans la mesure où les sondages donnent à la gauche un nombre de députés semblable à celui de 2022, le véritable enjeu ce sont les sortants et les circonscriptions gagnables », nous explique-t-il. « Mais LFI ne veut pas bouger. Ils se voient toujours sur un nuage, à 22 % comme en 2022. »

Dans ce contexte, les socialistes réclament le départ de certains élus insoumis. Les circonscriptions parisiennes, notamment, représentent une pierre d’achoppement dans les discussions. « Le front républicain, c’est au second tour. À Paris, jamais la gauche ne soutiendra des candidats LFI comme Aymeric Caron et Sophia Chikirou », nous assurait un peu plus tôt dans la semaine le sénateur Rémi Féraud, également chef de file de la gauche parisienne au Conseil de Paris.

Il faut dire que les chances pour les candidats RN de se hisser au second tour dans la capitale sont assez improbables, et que les élus socialistes de Paris n’ont jamais dissimulé leur rejet de la Nupes, Anne Hidalgo en tête. À la liste des cas jugés problématiques s’ajoutent, selon nos informations, Danièle Obono et Danielle Simonnet, qui a déjà bataillé pour les législatives dans le 20e arrondissement contre Lamia El Aaraje, actuelle première secrétaire de la fédération parisienne du PS.

« Dans le cas d’Adrien Quatennens, il y a eu une condamnation judiciaire »

« De toute façon, un certain nombre de sortants qui posent problème sont en capacité de se faire élire tout seuls », soupire une sénatrice socialiste. Comprenez : privés d’investiture au profit d’un PS, certains LFI sont assurés de l’emporter s’ils partent en dissidence, notamment au vu des scores réalisés aux élections européennes dans la capitale.

L’interlocuteur socialiste déjà interrogé plus haut cite également le cas d’Adrien Quatennens dans la première circonscription du Nord, ou encore celui de Carlos Martens Bilongo, député de la huitième circonscription du Val-d’Oise, visé par une enquête, notamment pour « blanchiment de fraude fiscale ». « On ne parle pas seulement de quelques personnes. Ils sont nombreux. Les négociateurs ont des listes de noms », assure notre interlocuteur.

« Dans le cas d’Adrien Quatennens, il y a eu une condamnation judiciaire pour des violences physiques. Ce n’est pas la même chose pour les députés insoumis qui posent problème aux socialistes. Déjà en 2022, on connaissait leurs prises de position. Là-dessus, ils n’ont pas vraiment changé », souffle-t-on du côté des écologistes. Chez les verts, la candidature annoncée de Julien Bayou, à sa succession dans la cinquième circonscription de Paris, alors qu’il a été la cible d’accusations de harcèlement moral, fait également grincer des dents. Mais la réponse fuse aussitôt dans la bouche d’une élue écolo : « Il n’est plus encarté chez nous, nous ne pouvons plus l’investir ! » Dont acte.

L’épineuse question de l’incarnation

Quelle personnalité pour conduire ce nouveau front populaire ? C’est aussi sur cette délicate question que doivent s’entendre les gauches dans les prochains jours. Côté LFI, la figure tutélaire de Jean-Luc Mélenchon, qui a largement pris la parole dimanche soir, bien qu’il n’occupe plus aucun mandat électif, semble indéboulonnable. Ce qui ne suscite guère d’enthousiasme – c’est le moins que l’on puisse dire -, chez les socialistes. À plus forte raison après une campagne des européennes particulièrement virulentes entre les deux formations. Le tribun semble avoir mis de l’eau dans son vin à l’heure du rassemblement : « Il faut jeter la rancune à la rivière ! Sinon quoi ? La vendetta sans fin ? Il faut chercher sans cesse le moyen d’avancer », écrit-il dans son dernier post de blog.

Mais de nombreux socialistes considèrent que le score réalisé aux européennes oblige à un recentrage vers les sociaux-démocrates et défendent la ligne Glucksmann. « Ça ne peut être qu’un socialiste-Place publique étant donné les résultats de dimanche », assure le sénateur Rachid Temal. Un discours repris par la grande majorité des socialistes du Sénat, où la ligne pro-Nupes défendue par la direction du parti a rencontré de vives oppositions.

« Je ne suis pas sûre que l’on tombe d’accord sur une incarnation, mais je ne pense pas non plus que ce soit si essentiel que ça. Le fait de ne plus porter l’étiquette ‘Mélenchon Premier ministre’, comme en 2022, en dit déjà assez long », explique une écologiste. « Nous n’avons pas besoin d’une tête de gondole, mais d’une équipe gagnante ! », martèle le communiste Ian Brossat.

Et le programme commun dans tout ça ? Interrogé sur les quelques mesures clefs qui pourraient mettre tout ce beau monde d’accord, un parlementaire socialiste balaye la question : « C’est secondaire ! La ligne c’est : tous ensemble contre le RN ! »

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