La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
France 2030 : Emmanuel Macron veut « réinventer le nucléaire »
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Après des atermoiements persistants durant le quinquennat, c’est presque en candidat, qu’Emmanuel Macron a finalement tranché sur le dossier politiquement radioactif du nucléaire. Le Président de la République a en effet dressé ce mardi un plan d’action pour faire advenir sa vision de la France en 2030. Un discours prospectif aux airs de programme présidentiel pour un éventuel futur mandat, avec notamment 10 « objectifs » de réindustrialisation du pays dans des domaines allant de l’avion bas carbone aux biomédicaments en passant par l’exploration des fonds marins. Au sein de ces différentes innovations industrielles, Emmanuel Macron a tout de même défini un « premier objectif » et annoncé 1 milliard d’euros d’investissement d’ici 2030 dans « l’innovation de rupture dans le secteur » nucléaire. Le chef de l’Etat espère ainsi « faire émerger d’ici 2030 des réacteurs nucléaires de petites tailles, innovants, avec une meilleure gestion des déchets » - les fameux « small modular reactors » (SMR).
« On a besoin de décisions » s’inquiétait le sénateur LR Stéphane Piednoir en juillet dernier. Il est vrai qu’avec l’abandon du projet Astrid ou les hésitations autour de l’EPR de Flamanville, même la majorité sénatoriale s’impatientait face à un Président de la République qui ménageait la chèvre et le chou [voir notre article sur la visite d’Emmanuel Macron au Creusot en décembre dernier]. Pour Ronan Dantec en revanche, l’issue n’a jamais fait de doutes. Le sénateur écologiste confiait déjà qu’Emmanuel Macron restait « un pro-nucléaire, élevé avec du nucléaire dans le biberon. » Après les annonces du plan « France 2030 » dont « le premier objectif » est de « réinventer le nucléaire », le moins qu’on puisse dire c’est que son diagnostic n’est pas beaucoup plus tendre.
Le nucléaire français : « Un secteur marginal » ou « une chance » ?
Pour Ronan Dantec, Emmanuel Macron va à rebours de l’histoire : « Nous sommes dans une situation aberrante. On va mettre tous nos moyens dans un secteur marginal au niveau mondial, sur lequel les Chinois, voire les Russes sont plus performants parce que moins regardants en termes de sécurité. » Ronan Dantec insiste en outre, comme Julien Bayou ce matin sur notre antenne, sur le fait que les fameux « small modular reactors » (SMR), à l’heure actuelle, « n’existent pas ». « C’est la loterie nationale », fustige le sénateur de la Loire-Atlantique. Il rappelle aussi « qu’il n’y a pas que le milliard annoncé [ce matin], mais aussi une commande de 6 EPR qui va rincer notre capacité d’investissement. On continue de se marginaliser et on prend un risque colossal. »
Marginalisation ou pas, tout le monde reconnaît en l’espèce la spécificité française d’une stratégie énergétique reposant historiquement sur l’électricité nucléaire. Emmanuel Macron a même fait ce matin de ce « modèle historique » une « chance. » Gérard Longuet, sénateur LR et ancien ministre de la Défense, salue cette « inflexion » dans le discours présidentiel depuis un an et cette fameuse visite au Creusot : « À tout pécheur miséricorde, si le Président de la République soutient le nucléaire c’est une excellente nouvelle. Je voudrais simplement avoir la certitude d’une continuité dans le choix. » Le sénateur de la Meuse voit dans le nucléaire une « façon de décarboner massivement », notamment en électrifiant le parc automobile français et en le nourrissant par « un chargement non fossile de l’électricité. »
De même, d’après Gérard Longuet, le nucléaire sera indispensable pour verdir le secteur français de l’hydrogène, utilisé pour les « mobilités lourdes » (poids lourds ou ferroviaire). Le premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques avait rendu une note sur le sujet qui pointait que le million de tonnes d’hydrogène produit actuellement en France dépendait du méthane ou des hydrocarbures. Ainsi, la seule décarbonation de la production actuelle d’hydrogène nécessiterait l’installation d’une centrale nucléaire supplémentaire en France.
« C’est incompréhensible dans une logique purement libérale et économique »
Alors, le nucléaire serait-il un moyen de décarboner notre économie ? Force est de constater que la France et son « modèle historique » figurent parmi les pays européens dont l’électricité est la plus décarbonée, notamment par rapport à l’Allemagne qui a décidé de sortir du nucléaire. Ronan Dantec ne le conteste pas, mais d’après lui ce n’est pas lié à l’arrêt des réacteurs allemands : « Les émissions allemandes baissent continuellement. Le renouvelable, après avoir absorbé la fin du nucléaire, est en train d’absorber la fin du charbon. »
En fait, pour le sénateur écologiste, l’attachement français au nucléaire est même absurde et irrationnel, même d’un point de vue de la mondialisation et de la concurrence internationale : « Le marché du renouvelable va atteindre 500 milliards à l’échelle mondiale et on s’en exclut nous-même. C’est incompréhensible dans une logique purement libérale et économique. » De même, la réticence à investir dans le renouvelable du Président de la République, qui expliquait ce matin « qu’on n’aura pas suffisamment de production d’énergie renouvelable pour produire de l’hydrogène vert », est « de la pure idéologie » pour Ronan Dantec.
Pour le sénateur de Loire-Atlantique, dire qu’on n’aura pas assez d’énergie renouvelable pour décarboner la production d’hydrogène « ne correspond à rien et n’est corroboré par aucune enquête digne de ce nom. » Il en veut pour preuve le cas du photovoltaïque à Nantes, où l’entreprise Armor produit des films photovoltaïques et est « un leader mondial » du secteur. Ronan Dantec estime que la France « se prive de ses atouts » en ne soutenant pas le secteur du renouvelable : « Armor n’a pas eu d’argent du plan de relance » fait remarquer le sénateur écologiste. Pour une administration qui « procrastinait » sur le nucléaire, des choix clairs semblent avoir été faits.