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Fonds Marianne : « Fiasco, coup politique », le rapport du Sénat accable Marlène Schiappa
Par Simon Barbarit
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Jean-François Husson, le rapporteur général a prévenu dès le début de la conférence de presse. Il n’y est pas allé « par quatre chemins ». Après plusieurs semaines de travaux, la commission d’enquête sur le Fonds Marianne présentait à la presse son rapport. Et comme attendu, il accable l’ancienne ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, à l’origine de ce fonds, lancé en 2021, après l’assassinat de Samuel Paty et doté de 2,5 millions d’euros afin de financer des associations pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes, notamment sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne.
« A toutes les étapes du projet, le manque de rigueur, l’opacité, la désinvolture ont conduit au fiasco »
Des révélations dans la presse en mai dernier avaient pointé l’utilisation de ces fonds par deux associations. L’USEPPM (Union Fédérative des Sociétés d’éducation physique et de préparation militaire), qui s’est vue attribuer une dotation de 355 000 euros (elle ne touchera finalement que 275 000 euros) et a essentiellement utilisé l’argent versé pour rémunérer deux de ses dirigeants, le président Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaoui, journaliste, et à l’époque directeur des opérations de l’association. La deuxième association « Reconstruire le commun » a quant à elle bénéficié d’une subvention de 333 000 euros alors qu’elle n’avait aucune activité connue. De plus, cette association a développé des « contenus politiques à l’encontre d’opposants d’Emmanuel Macron pendant les campagnes présidentielle et législatives ».
Devant la commission d’enquête, Marlène Schiappa avait minimisé son rôle dans l’attribution des subventions en défaussant sur son administration, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), en charge de piloter le projet. « A toutes les étapes du projet, le manque de rigueur, l’opacité, la désinvolture ont conduit au fiasco », a constaté Jean-François Husson pointant « les dérives » d’un « coup politique ».
Les sénateurs ont déploré « l’urgence » qui a prévalu sur toute autre considération dans la mise en place de cet appel à projet. L’un des aspects du travail de la commission a été de déterminer la responsabilité de chacun dans cet échec. « Le flou qui entourait les procédures a permis à l’ensemble des responsables qu’ils soient politiques ou administratifs de tenter d’éluder leurs responsabilités propres. Mais un ministre placé à la tête de son administration, est responsable de celle-ci », a rappelé le rapporteur.
« Le cabinet de la ministre et la ministre ont outrepassé leurs rôles »
Le 6 juin un rapport de l’IGA (Inspection Générale de l’Administration) avait conclu à des dysfonctionnements de l’administration dans le suivi de l’USEPPM et conduit à la démission de Christian Gravel, le secrétaire général du CIPDR. Le rapport avait également établi que Marlène Schiappa s’était « effacée » de l’appel à projets une fois le processus lancé. Un argument que n’avait pas manqué de rappeler la ministre devant les sénateurs.
Or la commission d’enquête, a pu constater une réalité différente. « Il apparaît en effet très clairement que cabinet de la ministre et la ministre ont outrepassé leurs rôles en appuyant d’abord la candidature de l’USEPPM en amont du comité de sélection, en revenant sur l’octroi d’une subvention de 100 000 euros à l’association SOS Racisme alors même qu’une décision favorable du comité de sélection était intervenue, et en intégrant (au projet) à leur entière initiative, une dernière association (la chance pour la diversité dans les médias) » a rappelé Claude Raynal, le président socialiste de la commission d’enquête, dénonçant « le fait du Prince ».
Et pour les élus, il n’y a pas de contradiction entre leur rapport et les premières conclusions de l’IGA puisqu’un deuxième rapport de l’IGA est attendu ce jeudi. « Attendons le rapport final de l’IGA. Mais je propose à l’entourage de la ministre d’être prudent sur l’utilisation de cet argument », a prévenu Claude Raynal.
Parmi la douzaine de ses préconisations, la commission d’enquête demande en matière d’octroi de subventions, d’interdire toute interférence du cabinet du ministre dans l’instruction des dossiers, et retracer de manière écrite et motivée toute intervention du ministre ou de son cabinet à l’issue de la procédure d’instruction.
L’entourage de la ministre a réagi lors de la conférence de presse, jugeant le rapport du Sénat « très politique ». « Je trouve ça petit et pas à la hauteur. Ce n’est pas au niveau du sujet sur lequel on travaille. On a fait notre travail de manière mesurée en résistant à toutes les provocations », a répondu Jean-François Husson en invitant la ministre et son entourage « à éviter de rentrer dans des polémiques inutiles ».
Contrôle « lacunaire » des porteurs de projets
Avec plusieurs centaines de Tweets, threads et vidéos pour une subvention de 355 000 euros, Christian Gravel, l’ancien secrétaire général du CIPDR l’avait reconnu devant la commission d’enquête : « On aurait pu espérer plus de choses » de l’USEPPM.
« Il semble même que le projet s’est progressivement arrêté entre janvier et mars 2022 et que le budget du projet était sous exécuté, ce qui n’a pas empêché le secrétariat général du CIPDR de proposer, en mars 2022, un avenant proposant de prolonger la convention de plusieurs mois », a rappelé Jean-François Husson.
Concernant l’association « Reconstruire le commun », aucun avertissement écrit « n’a été formalisé concernant les contenus produits par l’association et qui visait des personnalités politiques ». « L’administration n’est pas la seule fautive dans le contrôle des associations. Les échecs du Fonds Marianne sont tout autant le résultat du manque d’intérêt du pouvoir politique dès après la sélection des projets. Est-ce un déni de responsabilité ? », s’interroge le rapporteur.
Raison pour laquelle, la commission d’enquête préconise de consolider les moyens consacrés au contrôle, notamment financier, de la mise en œuvre des projets soutenus par le FIPDR (Le Fonds Interministériel de Prévention de la délinquance).
Néanmoins, la commission estime que ces défaillances « ne doivent pas conduire à abandonner l’ensemble de la politique de promotion des valeurs républicaines ». « Nous avons le sentiment que le Fonds Marianne a été conçu comme une grande opération de communication par la ministre, alors que la discrétion, l’efficacité auraient sûrement dû constituer les lignes directrices majeures du Fonds Marianne ».
Quid des implications pénales de cette commission d’enquête ?
C’était l’autre enjeu majeur des conclusions de la commission. Les multiples contradictions entre les personnes auditionnées allaient-elles conduire la Haute assemblée à saisir le procureur de la République pour de probables faux témoignages. Les faux témoignages devant une commission d’enquête, aussi appelés « parjures » sont passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Claude Raynal a saisi le PNF d’un complément d’informations en lui transmettant un certain nombre d’informations. Rappelons que le PNF a ouvert, il y a quelques semaines, une information judiciaire pour des soupçons de « détournement de fonds publics par négligence », « abus de confiance » et « prise illégale d’intérêts ».
En ce qui concerne les soupçons de faux témoignage, Claude Raynal a reconnu « qu’il fallait l’établir ». « Lorsque vous avez des témoignages qui se contredisent, ce n’est pas de nature à marquer un parjure. Lequel des deux est concerné ? Pour établir les choses de manière juridique, il faut avoir un faisceau d’indices beaucoup plus large ».
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