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Fiscalité : à quoi pourrait ressembler un nouvel impôt local ?

« Il n’y aura pas de nouvelle taxe, mais il faut réfléchir à une participation possible au fait de vivre dans la ville ou le village », avance la ministre Catherine Vautrin, qui ouvre la réflexion avec les élus. Au Sénat, le président de la délégation aux collectivités, Bernard Delcros, évoque une « réforme de la taxe foncière », quand le vice-président de l’AMF, Philippe Laurent, défend une contribution qui « tient compte très largement du revenu ». Le débat est loin d’être clos.
François Vignal

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Ce sont des mots qui font vite frémir. Nouvel impôt. Dans un entretien au Parisien, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, confirme que le gouvernement entend plancher sur la fiscalité locale. « Il n’y aura pas de retour à la taxe d’habitation sur les résidences principales », assure-t-elle d’emblée, mais elle se dit « prête à reprendre des travaux relatifs à la fiscalité qui avaient été commencés par des élus du CFL, le Comité des finances locales ».

« Il n’y aura pas de nouvelle taxe, mais il faut réfléchir à une participation possible au fait de vivre dans la ville ou le village », ajoute Catherine Vautrin. S’il n’y aura rien dans le budget 2025, l’idée est d’« ouvrir une concertation avec les élus locaux début 2025 ».

Le sujet est dans l’air du temps depuis quelques semaines, quand la ministre et son collègue des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, ont évoqué le sujet devant le Comité des finances locales, début octobre. Comme publicsenat.fr l’expliquait dès le 18 octobre dernier, le gouvernement « ne ferme pas la porte à l’éventualité » d’une nouvelle contribution, mais à terme. Du moins, la réflexion est ouverte. « L’enjeu, c’est de redonner une liberté fiscale aux collectivités mais pas d’augmenter les impôts. La ligne de crête est tenue mais le pas ne sera pas franchi », explique un conseiller de l’exécutif.

« Il y aura certainement un débat au sein du gouvernement »

La réflexion s’ouvre, mais rien n’est encore acté. D’autant que le sujet peut faire débat au sein du gouvernement. Si Catherine Vautrin peut avoir la conviction que les collectivités doivent retrouver plus de liberté fiscale avec un pouvoir de taux – elle est elle-même élue locale à la base – pas sûr que tous ses collègues du gouvernement en soient convaincus. « Il y aura certainement un débat au sein du gouvernement », confirme le vice-président de l’Association des maires de France (AMF), Philippe Laurent. « Je pense que Catherine Vautrin elle-même est assez convaincue qu’il faudra réfléchir à un nouvel impôt. Mais elle ne peut pas le dire. Mais une contribution obligatoire, c’est un nouvel impôt », ajoute le maire UDI de Sceaux, qui ajoute que « des gens comme Catherine Vautrin, ou ses collègues Françoise Gatel et peut-être Valérie Létard, sont assez dans cette optique de donner de la liberté aux collectivités. Mais des macronistes pro business ne seront pas d’accord. Pour eux, il n’y a que l’Etat. Le seul acteur pertinent, c’est l’administration centrale. Ils ne peuvent concevoir que ce soit différent. C’est un problème culturel ».

Si le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts, il s’agirait alors d’un jeu de vase communicant. « Si vous restez au même niveau d’imposition, forcément, vous déléguez une partie de votre pouvoir aux collectivités », remarque un connaisseur du sujet. Autrement dit, il faudrait que l’Etat accepte de lâcher en partie les rênes fiscales. Pas gagné.

« Nouvelle étape de décentralisation »

Au Sénat, où on suit le sujet des « col ter » comme le lait sur le feu, la question est dans les esprits. « Il y a un vrai sujet de disparition du lien entre les contribuables locaux et l’action des collectivités locales. Et je crois que ce sujet doit être mis sur la table entre les associations d’élus, le gouvernement et le Parlement », avance le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Mais « c’est un sujet, de mon point de vue, post projet de loi de finances. Ce n’est pas pour maintenant », ajoute le rapporteur.

D’autant que « ce n’est pas le seul sujet », pour Jean-François Husson. « Il s’intègre dans une nouvelle étape de partage des responsabilités, dans le cadre des libertés locales et des finances locales. Pour le dire clairement, je crois qu’on peut imaginer une nouvelle étape de décentralisation », avance le rapporteur du budget du Sénat. Mais pour le reste, il ne préfère pas s’avancer sur des pistes pour l’heure, si ce n’est qu’il ne souhaite « pas alourdir les prélèvements fiscaux ».

« Cela passe par une réforme de la taxe foncière, pour qu’elle soit davantage répartie entre propriétaires et habitants non-propriétaires »

Du côté de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, son nouveau président, le sénateur centriste du Cantal, Bernard Delcros, s’avance lui à quelques pistes. « C’est vrai que la suppression de la taxe d’habitation a supprimé le lien qu’il y avait entre les coûts des services publics de la commune et les habitants non-propriétaires. Je trouverais normal que tous les habitants, propriétaires ou non, participent au coût des services, dès lors que leurs moyens leur permettent, et sans accroître la fiscalité sur les ménages. Mais je suis défavorable à recréer la taxe d’habitation », commence le sénateur.

« Tout le monde participerait aux coûts des services, les propriétaires comme les habitants, mais il faut tenir compte, pour les revenus les plus faibles, d’un système de dégrèvement, afin de respecter le principe de justice fiscale », continue Bernard Delcros, avant d’ajouter : « Si on veut le faire sans créer de fiscalité nouvelle sur les ménages, ça passe par une réforme de la taxe foncière, pour qu’elle soit davantage répartie entre propriétaires et habitants non-propriétaires. Par exemple, une commune qui perçoit une recette directement liée à la taxe foncière, percevrait la même recette mais répartie entre contribuables propriétaires et les non-propriétaires ». En tout état de cause, « puisque la ministre souhaite ouvrir ce chantier, forcément, la délégation aux collectivités aura toute sa place dans cette réflexion », prévient le centriste.

David Lisnard « totalement opposé » à une nouvelle contribution fondée sur le revenu

Chacun y va de son idée. Pour l’Association des maires ruraux, Michel Fournier suggère sur France Info de concevoir une contribution fondée « non plus sur la valeur locative, comme c’était le cas avec la taxe d’habitation, mais sur les revenus ». Il estime qu’il est essentiel que « tout un chacun, quelle que soit sa situation, participe à la vie de sa collectivité ».

Une idée clairement rejetée par le président LR de l’Association des maires de France, le maire de Cannes, David Lisnard. Il se dit « totalement opposé à un tel impôt supplémentaire » car « il reposerait toujours sur les mêmes et donc serait injuste » et car « il assommerait un peu plus les propriétaires ». Antoine Homé, coprésident de la commission des finances de l’AMF, plaide plutôt auprès de l’AFP pour « réfléchir à une contribution citoyenne au service public », sans pour autant « rétablir la taxe d’habitation ». Mais sans préciser davantage. Idée que Catherine Vautrin n’écarte pas, du moins par principe.

« Les gens autour de la table ne sont pas d’accord entre eux »

En réalité, ni l’AMF, ni les associations d’élus entre elles, n’ont de position claire sur le sujet. « On a fait une réunion de l’ensemble des associations d’élus du bloc communal. On est d’accord sur notre position sur le budget, mais on n’a pas évoqué l’histoire de la contribution obligatoire. Car les gens autour de la table ne sont pas d’accord entre eux », raconte Philippe Laurent.

« A titre personnel, je partage l’avis de l’Association des maires ruraux. Il faut une contribution en faveur des collectivités locales, communes ou intercommunalité, et qui tient compte très largement du revenu », explique ainsi le vice-président de l’AMF, pour qui c’est la seule voie. Il reconnaît que défendre un nouvel impôt, « c’est politiquement dur à assumer ». « Après, est-ce le revenu au sens de l’impôt sur le revenu ou une part supplémentaire de la CSG ? Cela a déjà été évoqué plusieurs fois. Eric Woerth le dit dans son rapport », ajoute Philippe Laurent, qui continue sa réflexion : « Cela pourrait être un impôt additionnel sur le revenu, qui soit perçu par l’intercommunalité ou les métropoles et reversé ensuite en partie aux communes. On peut tout imaginer ».

« Cela ne débouchera sur rien jusqu’en 2027 »

Il ne faut pas non plus exclure que la réflexion… ne donne rien. « A mon avis, ça ne débouchera sur rien jusqu’en 2027. Ça c’est clair », lance Philippe Laurent, qui pense que le gouvernement cherche avant tout à « gagner du temps ». Hypothèse d’une absence de décision confirmée par une source gouvernementale : « Il y a aussi un monde où ça ne débouche sur rien ».

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