Si l’actuel Président de la République a promis de faire avancer le droit des malades en fin de vie en s’appuyant sur les travaux d’une convention citoyenne, le débat n’est pas nouveau. Voilà près de 25 ans que les hommes et les femmes politiques débattent de ces questions de fin de vie sans jamais trancher pour une aide active à mourir.
Première étape de l’évolution du droit, en 2005. A l’époque, le cas du jeune Vincent Humbert provoque l’émotion. Victime d’un accident de la route, ce jeune pompier volontaire de 19 ans est dans un état de conscience, mais est désormais aveugle, muet et tétraplégique. Grace à ses mains, il communique avec sa mère et écrit au président Jacques Chirac pour demander le droit de mettre fin à ses jours.
Si le président refuse, une mission d’information sur la fin de vie est confiée au député des Alpes-Maritimes et médecin de formation, Jean Leonetti. Une réflexion collective qui débouchera quelques mois plus tard sur la loi éponyme. Un premier texte qui accorde des droits supplémentaires au malade, qui peut alors demander l’arrêt de son traitement. A l’époque, se souvient Jean Leonetti, on décide qu’il est désormais possible « d’arrêter les traitements salvateurs, lorsqu’ils n’ont pas d’autre but que le maintien artificiel de la vie. Et on libère l’usage de la morphine pour soulager le patient ».
« Moi je suis opposé au fait de donner la mort. Il y a une loi fondamentale, une loi que vous avez le droit de réclamer à la société, c’est le droit à la vie », Jean Leonetti
Cardiologue et réanimateur de profession, Jean Leonetti, qui a passé des années à retarder la survenue de la mort, se souvient de la méthode qui fut la sienne. « On est sorti de nos certitudes individuelles pour rentrer dans un doute collectif. On a écouté des sociologues, des philosophes, des soignants, des grandes religions monothéistes. Au fond, nos clivages se sont estompés » se réjouit-il, avec 20 ans de recul. Mais, en 2005, pas question de légaliser de l’aide active à mourir comme le propose aujourd’hui la convention citoyenne. « Nous, on a fait une loi pour les gens qui vont mourir. Est-ce qu’il faut faire une loi pour les gens qui veulent mourir ? Est-ce qu’on a le droit de donner la mort ? Donner la mort c’est dans le Code pénal » alerte-t-il. « Moi je suis opposé au fait de donner la mort. Il y a une loi fondamentale, une loi que vous avez le droit de réclamer à la société, c’est le droit à la vie ».
« Qui peut s’arroger le droit de dire qu’une vie est devenue inutile ? »
Dix ans plus tard, le premier texte est complété par un second. Confiée au député UMP Jean Leonetti et au socialiste Alain Clayes, la seconde loi ira plus loin que la première, en introduisant dans le code de la santé publique la notion de « sédation profonde et continue ». Le médecin peut décider d’altérer la conscience d’un patient dans un état critique pour empêcher qu’il ne souffre, même si cela peut provoquer la mort. Exercice d’équilibriste qui n’autorisera pas d’aide active à mourir comme le regrette aujourd’hui la sénatrice socialiste de Loire-Atlantique Michelle Meunier, qui a fait du droit de mourir dans la dignité l’un de ses combats.
A l’époque, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, s’inquiète et bataille. A l’article 3, la loi Claeys-Leonetti prévoit de ne pas prolonger inutilement la vie. Le sénateur de Vendée se souvient alors de sa crainte de voir des hommes décider de la vie des autres : « Qui peut s’arroger le droit de dire qu’une vie est devenue inutile ? On a tous vécu avec des parents proches des derniers instants. Et je crois que dans ces instants-là il peut y avoir des mots qui disent tout, et des gestes qui sauvent tout » avant d’ajouter qu’il est persuadé que l’ouverture du suicide assisté entraînera inévitablement l’arrivée de l’euthanasie.
« Le droit à mourir, c’est l’ultime liberté de l’individu »
Face aux politiques qui jugent la loi Claeys-Leonetti satisfaisante, d’autres combattent depuis des années pour franchir une étape supplémentaire qu’ils jugent indispensable, celle de la légalisation de l’aide active à mourir. Pour le sénateur de l’UMP Alain Fouché, auteur en 2008 d’une proposition de loi sur l’aide active à mourir, il faut établir « une égalité sur le choix de la fin de vie. Le droit à mourir, c’est l’ultime liberté de l’individu. La personne qui souffre et qui n’a pas les moyens, comment elle doit faire pour quitter la vie dans la dignité ? Se tirer une balle dans la tête ? Sauter du dixième étage ? »
Si sa proposition est finalement rejetée en 2011, le sénateur garde aujourd’hui encore espoir. Il le dit et le réaffirme, l’aide active à mourir « viendra en son temps, les gens ne veulent plus souffrir ».
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