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Fin de vie : deux textes pour un Parlement divisé, le remède d’Emmanuel Macron

Lors de ses vœux aux autorités religieuses, Emmanuel Macron a annoncé qu’il n’y aurait pas un, mais deux textes sur la fin de vie en 2024. Le premier sur le développement des soins palliatifs et le second sur le sujet sensible de l’aide active à mourir. Au Sénat, on regrette une fois de plus le « en même temps » du Président.
Simon Barbarit

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Engagement de son second quinquennat, le projet de loi, ô combien sensible, sur la fin de vie tarde à arriver sur la table du Conseil des ministres. Cette fois-ci, Emmanuel Macron semble décidé à contourner l’obstacle. Le chef de l’Etat a annoncé lundi aux représentants des cultes que le projet de loi sera finalement scindé en deux textes distincts. Le premier portera sur le développement des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Le second portera lui sur un sujet bien moins consensuel, celui de l’aide active à mourir. Une méthode qui n’est pas sans rappeler la tentative avortée d’un « saucissonnage » du projet de loi immigration au printemps dernier. La réforme des retraites avait déjà fracturé la majorité relative de l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat avait alors eu l’idée de découper le projet de loi immigration en plusieurs textes, un portant sur les régularisations et un autre sur les mesures d’éloignement, afin de dégager des majorités au cas par cas. Mais le Sénat s’y était farouchement opposé.

« Emmanuel Macron n’a simplement pas envie d’ouvrir le droit à l’aide active à mourir »

Cette fois-ci, la majorité sénatoriale de droite, qui à ce stade rejette l’introduction dans notre droit de nouvelles dispositions sur l’aide active à mourir, salue la décision du chef de l’Etat. « Le développement des soins palliatifs et l’aide active à mourir sont des sujets très liés mais qui ne correspondent pas aux mêmes points de vue. A titre personnel, je voterai un texte sur le développement des soins palliatifs donc je suis favorable à la méthode choisie par le Président », réagit Philippe Mouiller, le président de la commission des affaires sociales de la Haute assemblée.

Pour Bernard Jomier, vice-président (apparenté socialiste) de la commission des affaires sociales, « Emmanuel Macron n’a simplement pas envie d’ouvrir le droit à l’aide active à mourir ». « Il annonce deux textes pour repousser l’échéance d’une évolution législative. Par ailleurs, il a indiqué aux autorités religieuses qu’il les consulterait. Elles doivent être écoutées bien sûr mais comme d’autres acteurs. Et je rappelle que les autorités religieuses sont déjà représentées au sein du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) qui a déjà remis son avis (favorable à l’aide active à mourir dans des conditions strictes NDLR). On est dans un domaine purement politique et le chef de l’Etat vient d’envoyer un message », estime l’élu de Paris.

Depuis la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron a surtout soufflé le chaud et le froid sur le sujet. Il s’était d’abord prononcé en faveur d’une évolution « vers le modèle belge. », un modèle qui autorise l’euthanasie active, avant de temporiser après le vote de la Convention citoyenne sur ce sujet en faveur d’une aide active à mourir. « C’est toujours le en même temps. Emmanuel Macron n’a pas de volonté affirmée. Il navigue à vue. Il ne peut pas dire oui à Line Renaud et réfléchir après la visite du Pape à Marseille », s’agace Christine Bonfanti-Dossat, sénatrice LR, co-rapporteure d’une mission d’information sur la fin de vie.

Que prévoit l’actuel cadre légal ?

Actuellement en France, la loi Leonetti de 2005 interdit « l’obstination » thérapeutique « déraisonnable » et la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 entérine également le rôle des directives anticipées et de la personne de confiance. Les directives anticipées sont des instructions, laissées par le patient, exposant ce qu’il souhaite s’il n’est plus capable de s’exprimer. Ces directives doivent être rédigées à la suite d’une consultation d’un professionnel de santé. La personne de confiance, désignée par le patient, est celle qui est chargée de porter sa parole exprimée dans ses directives anticipées, le jour où il est dans l’incapacité de s’exprimer. Dans ces conditions, la législation actuelle autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Mais comme l’a rappelé le rapport récent du Sénat, 26 départements ne sont toujours pas couverts par une offre de soins palliatifs. « La loi Claeys-Leonetti est notre trésor national mais nous n’avons pas mis les moyens pour accompagner les patients jusqu’à la fin. Dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’y a pas un fifrelin pour développer les soins palliatifs », regrette Christine Bonfanti-Dossat.

« Nous serons vigilants pour protéger notre modèle à la française »

Le premier texte pourrait mettre en œuvre le plan décennal sur les soins palliatifs présenté dans un rapport remis au gouvernement par le professeur Chauvin. « La première chose qu’on doit faire, c’est parachever le modèle français des soins palliatifs, en continuant à investir, en corrigeant les inégalités qui existent dans nos territoires », avait mis en avant Emmanuel Macron le mois dernier.

« Mais, il n’a pas besoin du Parlement pour le faire. Ce n’est pas une question d’ordre législatif », considère Bernard Jomier. Philippe Mouiller imagine pour sa part un texte portant sur les moyens et l’organisation territoriale. « Est-ce qu’on crée des centres départementaux ? Des unités dans des Ehpad ? Quels seront les moyens ? », esquisse-t-il.

Quant au second texte, la majorité sénatoriale est encore sous le choc de la lecture de l’avant-projet de loi autorisant le suicide assisté avec une exception d’euthanasie, rédigé sous la houlette d’Agnès Firmin le Bodo, à l’époque ministre en charge des professions de Santé, en décembre dernier. « Ce n’était qu’une piètre copie du modèle belge avec toutes les dérives qui l’accompagnent (lire notre article). Ne prenons pas le problème à l’envers, il est beaucoup trop tôt pour une nouvelle loi. Où est l’urgence ? Au Sénat nous serons vigilants pour protéger notre modèle à la française », prévient Christine Bonfanti-Dossat.

 

 

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