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Faire une trêve politique pendant les JO : « C’est le cache-sexe du blocage politique de l’Assemblée » 

Gérard Larcher a demandé une « trêve politique » pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Alors qu’aucun groupe politique ne dispose de majorité absolue à l’Assemblée nationale et que le président de la République n’a toujours pas nommé de Premier ministre, l’idée ne fait pas l’unanimité chez les présidents de groupes du Sénat, même si une trêve de fait risque bien de s’imposer.
Tâm Tran Huy

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« Donner du temps au temps » : le mantra mitterrandien sera-t-il le tube de l’été olympique ? C’est en tout cas la volonté de Gérard Larcher, le président du Sénat qui a répété dimanche, lors du passage de la flamme olympique au Sénat, qu’il proposait d’enjamber la période des Jeux avant de tirer les conséquences des élections législatives en nommant le Premier ministre et son gouvernement. La trêve olympique invite à l’arrêt des conflits des nations du monde pendant la période des JO, doit-elle aussi s’appliquer au pays organisateur ? Les présidents de groupes du Sénat ne sont pas tous d’accord.

« Il y a une nécessité d’apaiser le climat »

Sans surprise, Hervé Marseille, président du groupe UC est lui aussi sur cette ligne. L’élu des Hauts-de-Seine, estime « qu’il faut laisser reposer. Il y a une nécessité d’apaiser le climat. » Sans vouloir dresser de parallèle avec la situation américaine, il souligne aussi la « violence » de ces deux élections européennes et législatives qui ont été source de « beaucoup de tensions ». Le président du groupe socialiste Patrick Kanner ne voit pas lui-même d’un mauvais œil l’idée d’une pause : « Gérard Larcher se mitterrandise en demandant de donner du temps au temps. Et il a raison. » « Que la raison l’emporte sur les pulsions », c’est l’un des arguments donnés par Gérard Larcher pour justifier cette proposition de trêve.

Certains élus estiment que de toute façon, le blocage politique dans lequel la France est enfoncée peut entraîner une trêve de fait. Un élu de gauche analyse ainsi la situation : « Personne ne peut prétendre à une majorité absolue, ni à droite ni à gauche. Cette idée de trêve olympique, c’est le cache-sexe du blocage de la chambre. Elle s’impose à nous car le président de la République a fait exploser le bastringue, la grenade dégoupillée a tout emporté et à nous maintenant de recoller les morceaux. »

« Les JO ne justifient pas une mise entre parenthèses du temps démocratique »

Chez les écologistes, l’idée de trêve laisse très dubitatif. Cette proposition, Gérard Larcher l’a déjà soumise à ses collègues du Sénat. « C’est ce que nous avait déjà dit Gérard Larcher la semaine dernière. Laissons passer l’été et on verra après » relate le président du groupe écologiste Guillaume Gontard. Mais pour le parlementaire, le président du Sénat n’a pas joué jusqu’ici le jeu de la trêve, il n’a pas posé les conditions d’apaisement nécessaires. Il lui reproche sa « manière de porter les débats, il a été dans la division des Français les uns contre les autres en disant qu’il demanderait la censure si un LFI était Premier ministre, puis un écologiste ou même un socialiste. »

La présidente du groupe communiste Cécile Cukierman estime aussi que les « JO ne justifient pas une mise entre parenthèses du temps démocratique et politique. Pendant les Jeux, on n’est même pas capables de faire une trêve dans les guerres de ce monde, c’est bien que la vie politique continue. » Dénonce-t-elle avec autant de vigueur que son collègue écologiste l’attitude de Gérard Larcher ? « Je n’ai pas découvert la semaine dernière que Gérard Larcher était un homme de droite » nous lance l’élue de la Loire. S’agit-il de gagner du temps pour empêcher le Nouveau Front populaire d’arriver au pouvoir ? « Je ne suis pas naïve : si la question est de gagner du temps pour qu’il n’y ait pas de gouvernement du Nouveau Front populaire, il faut le dire ainsi. Mais il ne faut pas le lier aux JO. »

A gauche, la peur de se faire voler l’élection

La gauche craint des manœuvres qui ont pour but de l’empêcher d’accéder au pouvoir. De fait, elle n’a pas besoin de ça. Elle pourrait bien arriver toute seule à l’implosion alors qu’une perspective d’accord s’éloigne chaque minute un peu plus. LFI annonce aujourd’hui se retirer des discussions « sur la formation du gouvernement tant que la candidature unique à l’Assemblée nationale ne sera pas acquise », nouvelle péripétie ou échec final ? Nul ne le sait mais ce matin, Guillaume Gontard voulait encore y croire. Dans cette hypothèse, aucune trêve n’était possible. « Si Emmanuel Macron nomme un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire, il y a un engagement très clair sur les 15 premiers jours de changement à la prise de pouvoir. Même si les Françaises et les Français sont en vacances, ils ont envie que ça change. »

Alors qu’elle revendique la victoire du 7 juillet et qu’elle est en difficulté, la gauche revendique une victoire de fond. « Les Français ont quand même considéré que notre programme répondait à leurs aspirations. Il y a des Français qui nous ont soutenu au premier tour qu’on ne peut pas décevoir. Ils ont reconnu notre voix sur le pouvoir d’achat, la sécurité, le droit à l’école et la santé » martèle Patrick Kanner. « Nous ne sommes pas majoritaires en nombre de députés, mais dans les aspirations que nous portons. »

« Le roi Emmanuel Macron est nu »

Une manière aussi de répéter qu’Emmanuel Macron a perdu l’élection et n’est pas légitime à choisir un Premier ministre dans son camp. « Le roi est nu, il va accepter la démission de son gouvernement qui va gérer les affaires courantes » déclare le sénateur du Nord. Tous ont néanmoins une vérité bien en tête. Emmanuel Macron peut choisir de nommer son futur Premier ministre quand il veut. « C’est le président qui décide puisque la Constitution ne prévoit pas de délai » rappelle Hervé Marseille. Cela peut être en septembre. Cela peut être aussi bien demain, après avoir accepté la démission du gouvernement. Il prendrait alors tout le Nouveau Front populaire de court. Une élue échafaude ce scénario, qui pour l’heure, appartient à la politique fiction : « Sa première qualité au Président de la République, c’est la surprise. On peut craindre une accélération puisqu’il reçoit aussi aujourd’hui les chefs de parti du camp présidentiel. » Le roi est nu mais il reste, comme le dit l’expression consacrée, le maître des horloges.

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