Faillite de la Silicon Valley Bank : « Le domaine bancaire ne devrait pas être impacté »

Faillite de la Silicon Valley Bank : « Le domaine bancaire ne devrait pas être impacté »

Plus grosse faillite bancaire depuis 2008 dans le secteur bancaire, la fermeture de la Silicon Valley Bank (SVB) suscite un vent d’inquiétude à travers le monde. Pour l’économiste Christian de Boissieu, professeur émérite à l’université Paris 1 et vice-président du Cercle des économistes, le problème est « systémique » mais sera de « courte durée ». Entretien.
Caroline Deschamps

Par Steve Jourdin

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En quoi la faillite de la banque américaine SVB est un évènement important ?

La finance est globalisée, donc les répercussions sont mondiales même quand les défaillances proviennent d’une petite banque régionale californienne. Mais il s’agit d’une crise bancaire assez classique dans son contenu. On parle d’une banque qui avait des ressources à court terme sous forme de dépôts, et qui avait placé une grande partie de ces derniers dans des titres à long terme. On se retrouve donc dans un problème de décalage dans la durée. Or, il suffit d’une simple rumeur pour provoquer une crise de confiance, qui entraîne alors les déposants à se ruer sur les guichets pour retirer leurs économies. La banque doit alors gérer ces demandes, tout en faisant face à une crise de liquidités. C’est précisément la situation dans laquelle SVB s’est retrouvée.

Bruno Le Maire affirme qu’il n’y a pas de risque de contagion en France. Vous partagez son avis ?

Tout dépend de ce que l’on entend par contagion. Les marchés financiers ont déjà été victimes de la contagion puisque la Bourse de Paris a subi lundi sa pire chute en trois mois (– 2,90 %). Néanmoins, le domaine bancaire proprement dit ne devrait pas être impacté, car les grandes banques françaises et européennes ne sont pas directement exposées à SVB. Elles ont par ailleurs affiché en 2022 des niveaux exceptionnels de rentabilité et ont pu faire des réserves. Il n’y a donc pas de raison de s’affoler. Cet épisode montre néanmoins que la finance est mondiale et globalisée, et que l’instabilité se répercute partout dans le monde via la chute des bourses. Un problème de confiance est aujourd’hui posé.

Nous ne sommes donc pas à l’aube d’une nouvelle crise financière à l’image de celle de 2008…

Nous sommes face à un problème systémique, mais qui devrait être de courte durée. La comparaison avec la crise financière de 2007/ 2008 ne tient pas car les autorités américaines ont cette fois-ci réagi très rapidement. La faillite de SVB se produit dans un contexte de finance inflammable : les marchés avaient beaucoup monté, nous étions très contents de voir le CAC 40 battre des records, mais la bulle a fini par exploser. L’heure est donc à la correction.

Que pensez-vous de la réaction de l’administration Biden, qui a annoncé que le retrait de l’intégralité des dépôts de SVB serait garanti ?

C’est une réaction très positive et nécessaire de la part de Joe Biden. Cela prouve que les autorités américaines ont conscience des dégâts qu’une telle faillite risque de provoquer aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Ils savent que la situation est dangereuse. Par ailleurs, il s’agit d’une manière de corriger les excès de la présidence Trump. L’ancien président avait en effet remis en cause la réforme bancaire de 2010, adoptée à la suite de la crise financière de 2008 et qui prévoyait des contrôles et une surveillance plus stricte sur les banques. Trump a voulu desserrer les boulons en déréglementant, Biden veut désormais rassurer tout le monde. L’affaire SVB est un mélange d’erreurs de gestion bancaire et d’erreurs politiques.

Cet épisode démontre-t-il à nouveau que le secteur bancaire ne peut se passer de la puissance publique pour fonctionner ?

Il n’y a pas que le curatif, il faut aussi faire du préventif. La réglementation bancaire existante est importante, mais il y a côté américain des trous dans la raquette, qui ont été aggravés par l’administration Trump. Aux Etats-Unis, il y a des superviseurs, mais ils ne sont pas toujours coordonnés entre eux.

Quand le préventif ne fonctionne pas, seul le curatif permet de ramener la confiance. Il faut bien comprendre qu’une banque n’est pas une entreprise comme les autres car elle est basée sur la confiance. Or, cette dernière s’érode en quelques secondes, et il faut ensuite plusieurs mois voire plusieurs années pour réparer les dégâts. Concernant la crise actuelle, je suis optimiste. L’Europe va s’en sortir. Une réunion du G20 cette semaine permettrait cependant d’envoyer un signal fort, et de rassurer les marchés et les citoyens.

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