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Face aux pénuries de médicaments, Sanofi veut « gérer un stock contraint le mieux possible »
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Face aux pénuries de médicaments qui ont touché la France cet hiver, le Sénat a continué ce mercredi son travail d’enquête en auditionnant des représentants de Sanofi France. Audrey Derveloy, nommée présidente de Sanofi France il y a un peu moins d’un an, a d’abord dressé un état des lieux des difficultés d’approvisionnement qu’avait pu rencontrer le groupe en France récemment. « Il y a des tensions qui n’empêchent pas le patient d’accéder à son traitement, où le pharmacien peut proposer une alternative par exemple. Puis il y a des situations plus gênantes avec rupture de stock », a-t-elle expliqué en soulignant que tout « signalement » ou « difficulté » n’entraînait pas de pénurie en bout de chaîne.
Principes actifs : Sanofi France dépend de l’Asie à 5 %, « un contre-exemple tout à fait positif »
Concrètement, pour les médicaments commercialisés par Sanofi, 157 signalements ont été effectués en 2022, dont 1/3 allant « jusqu’à la rupture », d’après elle. « Seulement 15 % de nos tensions et ruptures sont liées au principe actif, il y a des causes multifactorielles », a-t-elle assuré en rappelant que Sanofi n’était « pas dépendant de la zone asiatique », avec 95 % de ses importations venant d’Europe ou des Etats-Unis. « Tous les chiffres que l’on a, nous disent que 80 % des principes actifs étaient en Chine ou un Inde, c’est un contre-exemple tout à fait positif », a salué la rapporteure communiste de la commission d’enquête, Laurence Cohen.
Jean-Marc Lacroix, directeur qualité à Sanofi France, a ensuite décrit les processus mis en place par Sanofi quand des « tensions » étaient observées sur l’approvisionnement de certaines molécules. Sanofi mène d’abord un travail de veille et d’information pour tenter d’anticiper des « transferts d’achats » sur le marché qui pourraient mettre en difficulté Sanofi sur certains produits, en partenariat avec les autorités et notamment l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Une fois la situation de tension détectée, « notre première réaction est d’estimer le délai de survenue d’une rupture réelle et nous communiquons les informations à l’ANSM », détaille Jean-Marc Lacroix, en insistant sur le fait qu’être en situation de tension ou de rupture est « forcément une situation d’inconfort, voire d’échec, par rapport à notre mission. »
« On est sur une gestion de la tension, pas une remise en cause du modèle pour éviter la pénurie »
« Notre objectif est donc d’éviter la rupture de stock », poursuit-il. Pour ce faire, la première étape est l’information des interlocuteurs de Sanofi de « l’état de nos stocks hebdomadaires pour donner une visibilité sur les stocks de nos produits. » Ensuite « si la situation s’avère plus grave », Sanofi tente de « mettre en place, en relation avec les sociétés savantes et expertes, le meilleur protocole de remplacement ou d’accompagnement des cas de rupture. » L’objectif est donc de « gérer un stock contraint le mieux possible, pour qu’il bénéficie aux patients qui en auront le plus besoin » et ainsi « éviter la rupture complète. »
L’étape d’après, c’est la mise en place d’un « contingentement à caractère médical », en privilégiant le « dépannage individuel » par rapport à une situation médicale précise. Autrement dit, les médecins prescripteurs doivent convaincre Sanofi que leurs patients sont « éligibles » au traitement. « Nous ne discutons pas les prescriptions », a bien précisé Jean-Marc Lacroix en réponse à une question de Sonia de la Provôté, sénatrice centriste et médecin de formation, qui a glissé « on sait bien ce que cela veut dire. » Enfin, Sanofi peut être amené à importer des produits, soit d’une filiale étrangère qui disposerait de stocks, soit d’autres laboratoires. « On est sur une gestion de la tension et de la pénurie, pas une remise en cause du modèle pour éviter la pénurie », s’est inquiétée la sénatrice socialiste Laurence Harribey.
Prix trop bas de certains médicaments ? « On est inquiets de la situation »
Autre inquiétude des sénateurs de la commission d’enquête, la question des prix des médicaments. Malgré des questions répétées de Laurence Cohen et Sonia de la Provôté, les représentants de Sanofi n’ont – pendant longtemps pendant l’audition – pas répondu aux interrogations sur l’influence du prix de certains médicaments dits « matures » sur leur commercialisation en France. Si les sénatrices se sont permis d’insister, c’est que le sujet est très souvent revenu dans les auditions menées jusque-là, que ce soit du côté des représentants des laboratoires pharmaceutiques (Leem), ou d’entreprises comme Pfizer. Les industriels ont en effet pointé des prix trop bas en France qui pourraient entraîner l’arrêt de la commercialisation de certains médicaments « matures », dont les molécules ont été découvertes il y a longtemps, dont les brevets seraient tombés, et qui ne seraient donc plus rentables.
En fin d’audition, la présidente de la commission d’enquête, Sonia de la Provôté, a reposé la question : « Y a-t-il eu à Sanofi un renoncement à mettre sur le marché français la fabrication de médicaments destinés au marché de notre pays en raison de nos prix trop faibles ? Vous évoquez peu cette question alors que le Leem l’a beaucoup évoqué. » Audrey Derveloy a prosaïquement répondu que « non », et que Sanofi est « complètement aligné sur la position du Leem. » La présidente de Sanofi France ne « veut pas répéter ce qu’ils ont dit », mais – devant l’insistance des sénatrices – s’est tout de même dite « extrêmement inquiète de la situation. » Après des relances de la sénatrice centriste, Audrey Deverloy a fini par diplomatiquement reconnaître que les prix pratiqués sur certains médicaments « ne mettent pas dans une situation favorable » pour garantir leur présence sur le marché français.
La commission d’enquête poursuivra ses travaux ce jeudi 13 avril avec l’audition à 11h de Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France.