Politique
Auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur les agences publiques, Sylvain Waserman, président d’Ademe a défendu le budget et l’existence de son agence, faisant écho aux critiques faites par plusieurs politiques de droite.
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Par Simon Barbarit
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Une piste pour mettre fin à la surpopulation carcérale ? C’est ce qu’a développé le garde des Sceaux dans les colonnes du JDD ce week-end en appelant à une « politique pénale ferme, empreinte de lisibilité et de célérité […] » à l’égard « des personnes détenues de nationalité étrangère définitivement condamnées ».
Alors que le taux d‘occupation des prisons françaises ne cesse de croître, 81 599 détenus pour 62 363 places, début 2025, Gérald Darmanin indique, dans cet entretien, que « plus de 19 000 détenus » sont étrangers, prévenus et condamnés confondus, « soit 24,5 % de la population carcérale. Dans le détail, 3 068 ressortissants de l’Union européenne, 16 773 hors-UE et « 686 détenus dont on ne connaît pas la nationalité », précise-t-il.
C’est pourquoi dans une circulaire de 8 pages adressée aux procureurs et aux directeurs de prison, le ministre leur demande de pratiquer un « repérage » des détenus étrangers « éligibles » à une mesure d’éloignement du territoire français.
« C’est Gérald Darmanin le ministre de la Justice qui fait le service après-vente de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur », observe tout d’abord Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes. En effet, après l’adoption des nouvelles dispositions de la loi immigration, dans une circulaire du 5 février 2024, l’ancien locataire de Beauvau avait rappelé les « orientations » aux préfets et directeur de la police nationale pour renforcer l’expulsion et l’éloignement des étrangers délinquants ».
« Le garde des Sceaux invite les magistrats à être plus efficaces, en rationalisant l’emploi d’outils existants. Il est dans son rôle. En soi, ce n’est pas critiquable. Ce qui l’est plus par contre, c’est de présenter ces dispositions comme une solution miracle contre la surpopulation carcérale », poursuit Serge Slama.
Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats (USM) voit aussi « l’intérêt de recenser les différents types de situation ». « L’administration n’a pas toujours le temps pour anticiper et ainsi éviter les sorties sèches. Tout en sachant qu’il s’agit de questions juridiques, mais aussi diplomatiques qui dépendent du bon vouloir des pays d’origine des détenus. Et même si statistiquement les étrangers restent plus longtemps en détention que les nationaux, car ils présentent moins de garanties de représentation qui permettraient leur libération anticipée, on parle ici de quelques centaines voire quelques milliers de cas. Sur les 19 000 étrangers incarcérés, ceux qui sont en détention provisoire ne vont pas quitter le territoire avant leur jugement », observe-t-il.
Dans cette circulaire, Gérald Darmanin décompose la population carcérale visée, en deux catégories. D’abord, les ressortissants d’un Etat de l’Union européenne, incarcérés en France, peuvent purger leur peine dans leur pays d’origine. Cette possibilité est prévue par le code de procédure pénale issue de la transposition d’une décision-cadre européenne. Elle a pour objectif « de faciliter la réinsertion sociale » de la personne condamnée. « Je vous rappelle que le consentement de la personne condamnée n’est pas requis », précise le ministre.
Concernant les ressortissants de pays tiers, Gérald Darmanin invite à examiner « à chaque fois que la loi le permet et que les conditions sont réunies », la mesure de « libération conditionnelle dite expulsion ».
Une procédure qui nécessite « que l’étranger incarcéré ait purgé la moitié de sa peine en France, que son identité soit établie et qu’il fasse l’objet d’une interdiction de territoire », explique au JDD, Gérald Darmanin. Une interdiction du territoire français (ITF) est une mesure judiciaire, une peine complémentaire conditionnée à un régime de protection comparable aux arrêtés d’expulsion et aux OQTF. La libération conditionnelle dite expulsion peut aussi être conditionnée à l’exécution d’une mesure administrative, comme une obligation de quitter le territoire français (OQTF). L’article 729-2 du code de procédure pénale sur la libération conditionnelle dite expulsion précise que le consentement de la personne condamnée n’est pas requis.
Delphine Boesel, avocate et ancienne présidente de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), rappelle, toutefois, qu’une libération conditionnelle est une mesure judiciaire et donc par essence, n’est pas automatique. « Le ministre est dans les effets d’annonce. Il prend ces situations dans leur globalité, alors qu’il faudrait au contraire plus de personnalisation. La libération conditionnelle dite expulsion n’est pas automatique. Je viens d’ailleurs de plaider en ce sens pour un client, et elle m’a été refusée par le juge d’application des peines. Une libération conditionnelle nécessite des garanties de réinsertion, une adresse, un travail… Est-ce que les chiffres donnés par le ministre prennent en compte les binationaux ? Vous avez aussi des personnes qui n’ont pratiquement jamais mis les pieds dans leur pays d’origine. Les juges ne sont pas les bras droits des préfectures », insiste-t-elle.
« Dans le cadre d’’une OQTF, la personne incarcérée, si elle a passé toute sa vie en France, aura tout le loisir de saisir le tribunal administratif pour annuler cette mesure sur la base de l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’Homme sur le droit au respect de sa vie privée et familiale », rappelle Vanessa Edberg, avocate en droit des étrangers.
De même, comme l’a illustré la récente polémique de l’échec de l’expulsion de l’influenceur Algérien Doualemn, pourtant muni d’un passeport en règle, une mesure d’éloignement peut se heurter au refus du pays du ressortissant étranger. (Lire notre article)
Enfin, Gérald Darmanin souhaite encourager les mesures de « transfèrement » des détenus étrangers dans les établissements pénitentiaires de leur pays d’origine pour « y accomplir le reliquat de la peine restant à subir ». Une procédure qui s’appuie sur des conventions bilatérales, et instruite par le bureau d’entraide pénale internationale (BEPI) mais dans laquelle le consentement de la personne détenue est requis par principe », précise le garde des Sceaux.
C’est pourquoi, dans cet entretien accordé au JDD, il juge ces conventions « mal négociées ». « Cette question doit se poser de ministre à ministre, sans que le détenu ait un mot à dire », estime-t-il indiquant avoir engagé une discussion en ce sens avec le ministre de la Justice marocain avant « d’adresser une demande similaire à l’intégralité de (s) es homologues ».
Pour aller plus loin
L'intégrale du 25 mars 2025