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Expulsion de migrants en situation irrégulière : « Von der Leyen cède à la pression de la droite et de l’extrême droite »
Par Henri Clavier
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« La Commission présentera une nouvelle proposition de législation » pour « rationaliser efficacement le processus de retour », a annoncé hier soir la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Une annonce majeure de la part de la présidente de l’exécutif européen, quelques mois seulement après l’adoption du Pacte asile et immigration en mai dernier. Reconduite à la tête de la commission européenne en juillet dernier, Ursula von der Leyen entame sa rentrée politique avant un sommet européen qui se tiendra à Bruxelles jeudi et vendredi.
En proposant de favoriser les retours de personnes en situation irrégulière, la présidente de la Commission européenne entend modifier la directive « retour » qui date de 2008. Une révision motivée, selon elle, par le taux d’application des décisions de retour. En 2023, un peu moins de 20 % des ressortissants de pays tiers ayant fait l’objet d’une mesure d’expulsion ont effectivement quitté le territoire de l’Union européenne. Alors que le pacte asile et immigration a entériné la stratégie européenne d’externalisation du traitement de certaines demandes d’asile en passant des accords bilatéraux, la Présidente de la Commission souhaite désormais s’inspirer de l’accord passé entre l’Italie et l’Albanie, mais afin de créer des « hubs de retour ». L’Italie a d’ailleurs commencé l’envoi de demandeurs d’asile vers les centres de rétention en Albanie.
Citée comme une inspiration par la présidente de la Commission européenne, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau a récemment repris l’idée de recourir à des pays de transit dans le cadre d’une nouvelle loi immigration. « C’est une réflexion déjà évoquée par mon collègue Bruno Retailleau, c’est une voie qui est ouverte, mais il n’y a pas de décision prise » assure Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement à l’issue du conseil des ministres.
« Ursula von der Leyen cède à la pression de la droite et de l’extrême droite »
Alors que les ministres de l’intérieur des Etats membres se réunissaient jeudi dernier, la question des retours a été abordée à la demande de la Hongrie. La temporalité des annonces d’Ursula von der Leyen n’a donc rien d’un hasard. « Le timing est très politique, il y a eu des années de négociations sur le pacte et aujourd’hui, les Etats estiment que ce n’est même pas suffisant », s’étonne Tania Racho, docteure en droit européen et chercheuse associée à l’Université Paris-Saclay. Alors que l’extrême-droite a remporté les élections législatives en Autriche, la pression des Etats membres sur les sujets migratoires se fait de plus en plus forte. En effet, le premier ministre polonais veut suspendre le droit d’asile après le retour de contrôles aux frontières en Allemagne. « Ursula von der Leyen cède à la pression de la droite et de l’extrême droite, elle est en train de renvoyer l’ascenseur à Giorgia Meloni a qui elle doit sa réélection à la tête de la Commission européenne », estime Patrick Martin-Grenier, enseignant à Sciences Po et spécialiste des questions européennes.
Alors que le pacte asile et immigration a été adopté en mai 2024 – et ne devrait pas entrer en vigueur avant 2026 -, 15 États membres ont adressé une lettre à la Commission européenne, le 15 mai, pour lui demander « d’identifier, d’élaborer et de proposer de nouveaux moyens et de nouvelles solutions pour prévenir l’immigration irrégulière en Europe ».
Vers une révision de la directive retour ?
Adoptée en 2008, la directive retour harmonise les règles applicables aux Etats membres pour organiser les retours d’individus en situation irrégulière. Concrètement, la directive fixe à un an et demi la durée maximale de rétention administrative pour un individu en situation irrégulière. Le texte pose également plusieurs obligations procédurales, notamment l’observation d’un délai raisonnable de 7 à 30 jours avant un éloignement forcé. « Le délai de départ volontaire peut être modifié, mais on ne sait pas ce que cela apporterait en termes d’effectivité des retours », juge Tania Racho qui rappelle que les difficultés d’application des mesures d’éloignement sont principalement liées à la délivrance des laissez-passer consulaires et la confirmation du pays vers lequel le retour s’effectue.
La mouture actuelle de la directive est perçue comme un frein aux retours par Bruno Retailleau qui ne cache pas sa volonté de réintroduire le délit de séjour irrégulier sur le territoire. « Actuellement, la justice européenne ne permet pas de sanctionner pénalement une personne qui fait l’objet de mesures d’éloignement », pointe Tania Racho. La Cour de Justice de l’Union européenne a considéré, en 2011, qu’une telle mesure ne respectait pas les normes européennes.
Un contenu encore indécis
En outre, Ursula von der Leyen affirme vouloir atteindre un « niveau d’harmonisation et de confiance » qui permette « de s’assurer que les migrants, objets d’une décision de retour dans un pays, ne puissent pas utiliser les lacunes du système pour éviter ce retour ailleurs », avec « des obligations claires de coopération pour les personnes renvoyées ». « Parmi les éléments évoqués dans la lettre, certaines choses existent déjà. Notamment sur ‘les obligations claires de coopération’ puisque l’article 15 paragraphe 6 de la directive retour prévoit la possibilité de prolonger d’un an la durée de rétention en cas de manque de coopération d’un État membre », détaille Chloé Peyronnet docteure en droit public et spécialisée en droit de l’Union européenne.
Enfin, en ce qui concerne les « lacunes du système », une fois de plus les enjeux ne semblent pas pleinement définis. « La révision du règlement Schengen de 2018 oblige déjà les Etats membres à entrer un signalement des personnes faisant l’objet de mesures d’éloignement dans le système d’information Schengen », rapporte Chloé Peyronnet. « La seule manière de rendre plus restrictive la directive retour serait sans doute de supprimer les très maigres garanties procédurales », ajoute la juriste.
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