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« Exigeante », « politique », « âpre négociatrice » : le profil de Lucie Castets par les sénateurs qui l’ont côtoyée
Par Romain David
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« Quand j’ai lu son nom, c’était une surprise, bien sûr. Et puis, passé quelques minutes, je me suis dit qu’il y avait une forme d’évidence au vu de son parcours et de ses compétences ». La surprise en question, c’est Lucie Castets, proposée mardi soir par le Nouveau Front populaire (NFP) comme candidate pour Matignon, après des semaines de tractations et d’atermoiements. « C’est une femme d’une intelligence remarquable et profondément de gauche. Mais la gauche qui gouverne, pas celle de l’incantation », poursuit auprès de Public Sénat la sénatrice PS de Paris Colombe Brossel, qui a travaillé avec Lucie Castets à la mairie de Paris.
Largement inconnue du grand public, cette fonctionnaire de 37 ans, actuellement directrice des finances et des achats à la ville de Paris, a réussi l’exploit de mettre d’accord les différentes formations du bloc de gauche autour de son profil, notamment La France insoumise et le Parti socialiste, pris dans un bras de fer pour l’hégémonie à gauche depuis le second tour des législatives anticipées. « Animatrice de luttes associatives pour la défense et la promotion des services publics, activement engagée dans le combat d’idées contre la retraite à 64 ans, haute fonctionnaire ayant travaillé à la répression de la fraude fiscale et de la criminalité financière, issue du monde associatif, elle sera forte de notre engagement complet à ses côtés dans le gouvernement qu’elle dirigera », écrivent les principaux partis du NFP dans un communiqué commun.
Mais une heure plus tard, Emmanuel Macron a balayé cette candidature : « La question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée » a estimé le chef de l’Etat sur le plateau de TF1. À ce stade, Emmanuel Macron considère qu’aucune formation ne dispose d’une assise assez large pour pouvoir gouverner. Ce mercredi matin sur France Inter, Lucie Castets a appelé le président de la République à la nommer Première ministre, assurant « être prête » à endosser ce rôle.
Un parcours au service de l’Etat et des collectivités
Au Palais du Luxembourg, Lucie Castets est tout sauf une inconnue : de nombreux sénateurs issus de la gauche parisienne l’ont côtoyée dans les couloirs de l’hôtel de ville, elle a d’abord officié comme conseillère financière d’Anne Hidalgo. Interrogés par Public Sénat, tous admettent n’avoir jamais songé à son nom pour piloter un gouvernement, mais reconnaissent qu’elle « coche toutes les cases ».
« C’est une candidature qui incarne bien la priorité que l’on souhaite donner au réarmement du service public et le retour à la justice fiscale, qu’elle a porté avec brio », défend le sénateur socialiste Rémi Féraud, également chef de file du groupe majoritaire au Conseil de Paris. Lucie Castets est l’une des figures de proue du collectif « Nos services publics », elle est également passée entre 2018 et 2020 chez Tracfin, le service de renseignement qui lutte contre le blanchiment d’argent.
« Sa désignation est une formidable reconnaissance, par l’ensemble de la gauche, du travail mené par les équipes d’Anne Hidalgo à Paris », souligne encore Rémi Féraud. Une remarque qui n’a rien d’anodine quand on sait que la gauche parisienne est très critique vis-à-vis de la direction du PS et du rapprochement avec La France insoumise. Lucie Castets est d’ailleurs souvent présentée comme proche du courant « Besoin de gauche » porté par Pierre Moscovici, ancien ministre des Finances de François Hollande.
« C’est quelqu’un d’agréable, mais avec des aspérités »
« Je suis très satisfait du profil retenu. Je l’ai côtoyée quand elle était conseillère financière d’Anne Hidalgo. À l’époque j’étais adjoint au logement, c’est donc avec elle que j’étais amené à négocier mon budget. C’est une interlocutrice de qualité, exigeante, avec qui il est facile de discuter et de travailler. Il ne faut certainement pas la voir comme une technocrate froide, armée de tableurs Excel », explique le sénateur communiste Ian Brossat. « Elle peut se montrer âpre négociatrice, mais parce que c’était son rôle en tant que gardienne des cordons de la bourse. Il y a chez elle une vraie volonté de faire avancer les discussions et d’aboutir », ajoute-t-il.
« Je la crois en mesure de tenir tête à Emmanuel Macron », pointe Rémi Féraud. « C’est quelqu’un d’agréable, mais avec des aspérités », ajoute Colombe Brossel. « Elle sait marquer ses désaccords pour vous obliger à contre-argumenter. D’une certaine manière, c’est quelqu’un qui challenge toujours les personnes avec qui elle travaille. Et c’est une bonne chose. »
« L’autorité politique ne se décrète pas »
Un parlementaire socialiste s’inquiète en revanche de son manque d’expérience politique. « Elle a un véritable parcours militant, certes, mais pas de parcours d’élue », souvent indispensable pour piloter une majorité composite. À plus forte raison dans une assemblée aussi fracturée. Toujours sur France inter, Lucie Castets a rejeté la possibilité d’une coalition avec le camp présidentiel. « L’idée, c’est de convaincre texte après texte, loi après loi », a-t-elle expliqué.
Par ailleurs, Lucie Castets, si elle accède à Matignon, devra aussi être amenée à diriger un gouvernement pluriel, et donc à gérer des arbitrages entre des ministres issus de différentes formations de gauche. « Dans une coalition, il vous faut de l’autorité politique pour avancer. Et cela ne se décrète pas », souligne l’interlocuteur cité plus haut.
« Elle est capable d’être très politique, avec un vrai sens des responsabilités sur les marges de manœuvre », nuance Colombe Brossel. « Vous savez, sa principale mission au cabinet de la maire de Paris était de faire fonctionner un collectif d’adjoints et de s’assurer que, chaque année, le budget de la ville soit bien voté. Le budget, c’est éminemment politique, c’est ce qui détermine si vous avez une majorité ou non ». Cette expérience pourrait donc s’avérer particulièrement utile au moment des discussions budgétaires de l’automne, une séquence qui s’annonce particulièrement périlleuse cette année.
« Il va falloir qu’elle mette la pression sur Emmanuel Macron »
« De toute façon, quelle que soit la personnalité que l’on aurait choisie, la situation aurait été aussi complexe. C’est sans doute la pire période dans toute l’histoire de la Cinquième République pour devenir Premier ministre », observe la sénatrice écologiste Anne Souyris, ancienne adjointe en charge des questions de Santé, qui rappelle qu’avant sa nomination en 2017, Edouard Philippe n’avait officié que dans des exécutifs locaux. « Quand on a tenu le budget de Paris, on peut tout arbitrer ! »
Alors qu’Emmanuel Macron a déclaré mardi soir que le gouvernement démissionnaire resterait en place au moins « jusqu’à la mi-août », voire la fin des Jeux paralympiques en septembre, beaucoup estiment que Lucie Castets doit désormais employer ce temps pour imprimer auprès du public. « Il y a assurément une bataille d’opinion à mener pour contraindre le président à bouger », explique Colombe Brossel. « Il va falloir qu’elle mette la pression sur Emmanuel Macron avec le reste du NFP », renchérit Ian Brossat. « Autrement, la frustration et la colère des électeurs s’exprimeront d’une manière ou d’une autre ».
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