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Européennes : pourquoi les LR ne soutiennent par Ursula Von der Leyen, pourtant issue du même groupe politique ?
Par François Vignal
Publié le
Si les institutions bruxelloises peuvent paraître obscures aux profanes, la lecture de leurs jeux politiques n’est pas forcément plus claire. Les Français qui suivent de loin la politique européenne – et ils ne doivent être nombreux – auront en effet peut-être du mal à comprendre, au premier abord, la position des LR.
Tous membres du même groupe au Parlement européen : le PPE
Car François-Xavier Bellamy, la tête de liste du parti d’Eric Ciotti pour les européennes de juin prochain, a annoncé ce mardi matin que Les Républicains ne soutiendront pas Ursula von der Leyen, présidente sortante de la Commission européenne, à nouveau candidate au poste. La position du chef de fil des eurodéputés LR peut paraître incongrue, car Urusal von der Leyen est issue de la même famille politique que les LR, celle des droites conservatrices, libérales et historiquement pro-européennes. L’Allemande est membre de la CDU, parti chrétien-démocrate allemand, qui vient d’ailleurs de la désigner comme candidate pour la commission. CDU qui siège, comme les LR, au sein du groupe PPE (Parti populaire européen), qui rassemble les partis de droite au Parlement européen. C’est aussi le premier groupe du Parlement.
« Nous ne la soutiendrons pas dans l’élection qui vient, avec Les Républicains, car nous considérons que le bilan n’est pas à la hauteur de ce que l’Europe attend aujourd’hui », soutient François-Xavier Bellamy, invité de France Inter ce matin.
« Ursula van der Leyen n’était pas notre candidate en 2019. Elle était la candidate d’Emmanuel Macron »
Pour mieux comprendre la position de la droite française, il faut remonter à 2019, lors de l’arrivée de l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel à la tête de la Commission européenne. L’Allemande n’était alors pas le choix du PPE. En tant que premier groupe, son « Spitzenkandidat », Manfred Weber, aurait logiquement dû occuper la place d’Urusla von der Leyen. Mais les choses ne se sont pas tout à fait passées comme espérées par la droite européenne.
« Ursula van der Leyen n’était pas notre candidate en 2019. Elle était la candidate d’Emmanuel Macron. C’est lui qui a fait obstacle à ce qui aurait dû se produire, dans les règles européennes. Théoriquement, ça aurait dû être le président de notre groupe (Manfred Weber, ndlr) qui aurait dû devenir président de la Commission. Et Emmanuel Macron s’y est opposé. Ce qui a conduit Urusula von der Leyen à être élue présidente de la Commission. Nous ne l’avons pas soutenue en 2019. Nous ne le soutiendrons pas dans l’élection qui vient », a rappelé ce matin François-Xavier Bellamy. Les vingt-sept chef d’Etat s’étaient en effet entendus sur son nom. Mais lors du vote au Parlement européen, l’Allemande n’avait obtenu la majorité absolue nécessaire que de justesse, à 9 voix près.
« Ce n’était pas notre candidate en 2019, c’était Manfred Weber. Donc il n’y a rien de nouveau » confirme à publicsenat.fr Othman Nasrou, premier secrétaire général délégué des Républicains. Il ajoute :
« Il y a un désaccord de fond sur la croissance, la décroissance agricole, le texte sur la restauration de la nature. Et seul François-Xavier Bellamy s’y est opposé »
« Ce qui est nouveau, c’est qu’il y a un désaccord de fond sur la croissance, la décroissance agricole, le texte sur la restauration de la nature. Et seul François-Xavier Bellamy s’y est opposé. On n’a pas beaucoup entendu parler Jordan Bardella à cette occasion. Il était absent quand il fallait s’opposer », continue celui qui est aussi vice-président à la région Ile-de-France.
Aux yeux des LR, il y a plus que de la friture sur la ligne conduite par Ursula von der Leyen. Plusieurs désaccords de fond sont apparus, à commencer donc par la question agricole. « L’Union européenne a été dominée, pendant le mandat qui s’achève, sur les sujets agricoles en particulier, par une majorité qui allait finalement de l’extrême gauche aux élus macronistes, qui a servi un agenda de contrainte, de complexité, de contrôle sans cesse croissant. Un agenda auquel nous nous sommes opposés. Beaucoup de textes ont été l’occasion de montrer ce clivage qui n’a cessé de se renforcer », avance François-Xavier Bellamy, qui « pense à un texte emblématique », celui « sur la restauration de la nature, qui devait conduire au gel de 10% de la surface agricole en Europe. Ce texte organisait la décroissance de la production alimentaire, les conditions de l’augmentation des importations, la baisse des revenus pour les agriculteurs et l’augmentation des prix pour les consommateurs ».
« François-Xavier Bellamy clashe la présidente de la Commission »
« On considère que les choix qu’elle a pris sur un certain nombre d’orientations ne vont pas dans le bon sens. Le meilleur exemple, c’est le « farm to fork ». Elle n’est pas bien placée pour faire un nouveau mandat à la tête de la commission », insiste Othman Nasrou. Haro donc sur « VDL ». « François-Xavier Bellamy clashe la présidente de la Commission », écrit un compte de soutien au candidat LR, vidéo montée savamment à l’appui, mettant en scène à coup d’éclairs les leçons du professeur Bellamy donnée à une Ursula Von der Leyen pétrifiée…
« Tout n’est pas noir ou blanc, les choses sont plus complexes et subtiles au niveau du Parlement »
Reste que dans les faits, les LR ne se sont pas toujours opposés aux propositions de la présidente de la Commission. Ils ont même voté certains textes, à l’image du reste de leurs alliés du PPE. « Tout n’est pas noir ou blanc, les choses sont plus complexes et subtiles au niveau du Parlement », reconnaît lui-même Othman Nasrou, par ailleurs proche de Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, lui-même soutien actif de François-Xavier Bellamy.
Anne Sander, eurodéputée LR, qui siège donc au PPE aux côtés de François-Xavier Bellamy, admet que tout n’est pas à jeter dans le bilan d’Ursula von der Leyen. « Il y a eu des mesures, pendant le covid-19, sur l’Europe de la santé, qui pour le coup avaient beaucoup de sens et de pertinence. Là, évidemment, on a tout à fait soutenu les propositions qui ont été faites », explique-t-elle à publicsenat.fr. En revanche « sur la mutualisation de la dette, on n’était pas favorable. Le plan de relance a eu un impact, des investissements dans les territoires, la France en a beaucoup bénéficié. Mais créer de la dette commune, sans savoir comment on rembourse, on a toujours été très critiques ».
« Sur le Pacte vert, nous nous sommes opposés », explique l’eurodéputée LR Anne Sander, tout en votant « beaucoup de mesures »
« Sur le Pacte vert, nous nous sommes opposés. Et à l’époque, il n’y avait pas tellement de monde pour ça. C’est un peu le premier signe d’une opposition qui allait ensuite grandissante au sein du groupe », raconte Anne Sander. « On s’est opposés aussi sur la fin des véhicules thermiques en 2035, c’était trop tôt. Et tout le volet sur les accords commerciaux, on n’était pas en phase ». Mais même sur ce fameux pacte vert, les LR n’ont pas tout rejeté en bloc. « Quand on parle de lutte contre le gaspillage alimentaire, ou qu’on renforce l’économie circulaire, ça a du sens. On a voté beaucoup de mesures du pacte vert », reconnaît l’eurodéputée LR, « ou quand on réforme l’indication géographique pour mieux protéger les productions vertueuses, on a voté le texte. Mais là où c’est vraiment compliqué, c’est quand on parle du volet agricole », explique Anne Sander, qui espère bien être à nouveau candidate en juin.
S’ils disent le contraire, reste que les LR se retrouvent, au fond, quelque peu gênés aux entournures. Difficile en effet d’attaquer le bilan d’Ursula von der Leyen, tout en faisant partie de son groupe politique. Sauf à jouer le grand écart. Si on comprend que la droite française s’est positionnée texte par texte, ses adversaires, à commencer par l’extrême droite, ne rentrent pas dans ces nuances et ne se privent pas d’appuyer sur ce qui apparaît comme une contradiction. Autrement dit, là où ça fait mal. A l’image de l’eurodéputé RN, Philippe Olivier, qui raille sur X la position du candidat François-Xavier Bellamy. « On voit que les élections sont proches. Comme d’habitude, LR feint l’indignation et l’opposition », attaque-t-il.
En lançant des « états généraux de l’immigration », Alexandre Loubet, directeur de campagne de la tête de liste RN, Jordan Bardella, explique au Figaro en faire « un moyen pour (eux) d’expliquer que Les Républicains et François-Xavier Bellamy, leur tête de liste, sont les soutiens d’Ursula von der Leyen et de sa politique de submersion migratoire à l’échelle européenne ». Marion Maréchal, tête de liste Reconquête, attaque également le candidat LR sur ses liens avec le PPE.
« La position de sérieux est toujours plus difficile à porter. C’est toujours plus compliqué à expliquer que des déclarations à l’emporte-pièce »
Alors, un brin mal à l’aise les LR ? « La position de sérieux est toujours plus difficile à porter. C’est toujours plus compliqué à expliquer que des déclarations à l’emporte-pièce, que les formules et slogans. Mais sur le long terme, on a la conviction que c’est ce qui fera la différence. Et les Français veulent autre chose que la politique spectacle », rétorque Othman Nasrou. Il ajoute : « Ce n’est pas être ambivalent que de refuser d’être dans la démagogie et la complaisance ».
Soutenant que « la démagogie de Jordan Bardella est une impasse », le premier secrétaire général délégué des LR affirme que la position des Républicains « est plus exigeante, mais plus efficace. C’est notre défi, à droite, d’être sur cette voie-là, qui n’est pas caricaturale, mais la seule permettant de défendre l’intérêt de la France ».
Anne Sander en veut pour preuve un vote récent. « On a fait basculer la majorité au Parlement, notamment pour rejeter le texte sur les pesticides. C’est parce qu’on a eu cette force de frappe. Car le groupe PPE est le premier groupe. On a la chance d’avoir cette force politique », avance-t-elle. L’eurodéputée LR minimise le sens à donner aux points de désaccord que peuvent avoir les LR. « Dans tous les groupes, vous avez des divisions internes et des positionnement nationaux. On partage des valeurs communes, on est bien au sein du PPE. Néanmoins, on est là pour défendre avant tout les positions françaises », explique Anne Sander. « Dans ce PPE, il ne faut pas oublier qu’il y a 26 délégations de 26 pays différents », ajoute Othman Nasrou.
« Oui, il faudra une nouvelle majorité »
Pour faire entendre sa voix en Europe, la tête de liste LR espère voir du changement à l’issue du scrutin du 9 juin. « Aujourd’hui, il est temps qu’une nouvelle majorité arrive au Parlement européen qui permette de remettre les choses dans la bonne direction », a lâché sur France Inter François-Xavier Bellamy.
Qu’entend-il par « nouvelle majorité » ? On le voit mal aller vers Renew où siègent les macronistes. Peut-on dès lors imaginer voir le PPE aller jusqu’à s’allier avec une partie de l’extrême droite européenne ? « On n’en est vraiment pas à ce stade. Je ne me retrouve absolument pas avec l’extrême droite à titre personnel. On n’est pas du tout dans une phase de travaille avec l’extrême-droite. Le RN est toujours absent. Il n’est absolument pas envisageable de travailler avec eux », assure Anne Sander.
De son côté, Othman Nasrou explique qu’« il y a des choses qu’on aimerait réorienter. Oui, il faudra une nouvelle majorité. Mais le détail, avec qui, quand, comment, il appartient au candidat de le dire », élude le conseiller régionale d’Ile-de-France. Et une majorité alternative avec des eurodéputés d’extrême droite, « ce n’est pas notre sujet aujourd’hui », rétorque l’élu LR… « Notre sujet, c’est de permettre à François-Xavier Bellamy de faire le meilleur score possible. Le reste, on verra le soir de l’élection, partout en Europe ». Pour faire comprendre la voix LR et celle de François-Xavier Bellamy, entre Renaissance et l’extrême droite, beaucoup plus critique sur l’Europe, « on a quatre mois de campagne pour l’expliquer », rappelle Othman Nasrou. Pour l’heure, les sondages ne décollent pas et donnent toujours la liste LR autour de 7-8% d’intentions de vote.
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