Faire monter la sauce. A un peu plus de deux mois des élections européennes, la liste PS-Place Publique passe la seconde. Dans ce début de campagne, la tête de liste Raphaël Glucksmann a su plutôt tirer son épingle du jeu, complexe, à gauche. Du moins à en croire les sondages, qui le donnent devant ses amis de feue la Nupes, avec même un léger frémissement des intentions de vote, et un premier débat, sur Public Sénat, où plusieurs observateurs l’ont jugé à son avantage. L’enjeu est maintenant pour les socialistes d’aller plus loin.
C’est pourquoi les deux porte-parole de la campagne, le secrétaire général du PS, Pierre Jouvet, qui occupe la troisième place de la liste, et l’eurodéputée Aurore Lalucq, coprésidente de Place Publique avec Raphaël Glucksmann, qui figure à la quatrième place de la liste, ont invité ce lundi matin la presse dans les nouveaux locaux de campagne, dans le 10e arrondissement de Paris, aux murs fraîchement repeints en blanc. Le dernier coup de pinceau date de la veille.
« On va être très clair : on veut gagner cette élection, en fait »
Si la campagne électorale se joue beaucoup dans les médias, un tel exercice n’échappe pas à quelques basiques : des déplacements de terrain et des meetings. Pas de quoi changer fondamentalement l’issue du scrutin a priori, mais ces réunions publiques permettent de « faire de l’image » et « c’est important pour la base », rappelle un cadre de la campagne. Alors l’objectif affiché est simple : « Aller partout sur le territoire », explique Aurore Lalucq. 80 réunions sont annoncées au total, dont certaines de taille, comme à Toulouse, le week-end prochain. Ce rassemblement « va marquer une étape différente, une phase d’accélération de la campagne », avance Pierre Jouvet. « Il reste 80 jours de campagne qui seront rythmés chaque jour par un déplacement », ajoute le numéro 2 du PS, 37 ans. Celui qui est aussi maire de Saint-Vallier, dans la Drôme, ajoute :
L’ambition affichée est forte, voire un brin forcée. « On va être très clair : on veut gagner cette élection, en fait », lâche Pierre Jouvet. De quoi interroger, au regard des sondages, qui donnent la liste RN de Jordan Bardella loin devant, autour de 28-30 %, quand la liste PS-Place Publique tourne autour des 10 % voire 11 %, au mieux. Pour l’heure, un océan les sépare. Interrogé par un journaliste, le candidat précise : « Nous aurons gagné quand nous serons majoritaires au Parlement européen ». Et en France ? « On verra… » dit-il, rappelant l’enjeu de mobiliser l’électorat.
« La différence avec LFI, c’est que je peux créer une majorité au Parlement européen »
Avec 144 eurodéputés aujourd’hui, le groupe des sociaux-démocrates, où siègent les socialistes, est le second du Parlement européen, derrière le PEE (droite) et ses 176 membres. Mais pour atteindre la majorité au Parlement, il y a du chemin, sauf à nouer quelques accords… avec Renew par exemple, le groupe des libéraux où siègent les macronistes. Ce qui est arrivé dans le mandat qui se termine. Les adversaires de la liste ne manquent pas de le rappeler, ce qui énerve passablement Aurore Lalucq.
Prenant exemple sur la constitutionnalisation de l’IVG, lancée par la gauche, et où des députés LFI se sont retrouvés à voter avec des Renaissance ou des LR, elle remarque que là, « ça ne pose pas de problème ». « Le Parlement européen, c’est la même chose », illustre l’eurodéputée de Place Publique, qui souligne qu’« il n’y a pas un seul groupe politique qui est cohérent au Parlement européen, c’est ça la réalité ». Si des points d’accord peuvent apparaître avec LFI, comme sur la fiscalité, « la différence, c’est que je peux créer une majorité au Parlement européen », comme sur « la taxation minimale des multinationales », remarque Aurore Lalucq, qui ajoute : « Nous, on fait la loi ». Comprendre, on ne s’oppose pas à tout, mais on cherche à avancer, quitte à trouver des compromis.
Pierre Jouvet résume d’une formule le positionnement. La liste veut « être le vote efficace à gauche pour contrer Jordan Bardella et sanctionner Emmanuel Macron », lance le numéro 2 du PS, qui ne parle pas de vote utile. Du moins pas encore.
« On porte cette campagne pour ce qu’elle est : d’abord une élection européenne »
En évoquant ces deux adversaires de la gauche, le socialiste rappelle que le scrutin mêle autant les enjeux européens, sans couper aux logiques plus nationales. Et nationaliser l’élection, c’est justement l’objectif affiché par La France Insoumise. Jean-Luc Mélenchon a assumé, le week-end dernier, faire du 9 juin une première marche en vue de 2027. Si les socialistes ne veulent pas tomber dans ce jeu-là, ils se retrouvent malgré tout, eux aussi, à penser à la suite.
« On porte cette campagne pour ce qu’elle est : d’abord une élection européenne », soutient Pierre Jouvet, qui pointe le choix des insoumis, « pas à la hauteur du moment et pas en réponse de ce que les citoyens attendent de nous ». Mais le troisième de liste sait bien qu’« une campagne s’inscrit dans un cadre national » – il souligne que « c’est la première élection depuis la présidentielle » – et ses enjeux, y compris futurs. « Nous portons, et je porterai, dans cette campagne et demain, le rassemblement de la gauche et des écologistes », dit-il, « mais ce débat sur les alliances est un faux débat. On est dans une campagne européenne ». S’adressant au reste de la gauche, Pierre Jouvet insiste :
« Tout le monde se positionne vis-à-vis de nous »
Le sujet, c’est davantage la guerre en Ukraine. Et Jean-Luc Mélenchon, encore lui, s’est fait le chantre de la paix samedi dernier, comme pour mieux démarquer la liste LFI de Raphaël Glucksmann notamment, le candidat qui, à gauche, va peut-être le plus loin dans le souhait d’aider les Ukrainiens, notamment en termes de munitions. « Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont pour la guerre et ceux pour la paix. Nous sommes responsables », rétorque Pierre Jouvet, qui souhaite « que les frontières de l’Ukraine soient retrouvées de manière pleine et entière ». Il ajoute, à destination du leader Insoumis : « La paix ne se décrète pas dans les salons ou les meetings. La paix, elle se construit ».
Le socialiste n’entend d’ailleurs « pas passer la campagne à commenter les propos de Jean-Luc Mélenchon », préférant « s’adresser aux Français ». Reste que Pierre Jouvet aime voir les attaques contre leur tête de liste comme un bon signe. « Je constate que tout le monde se positionne vis-à-vis de nous », lance-t-il, « je vois Valérie Hayer (tête de liste de la majorité présidentielle, ndlr) dire qu’elle est proche de Raphaël Glucksmann, puis qu’elle ne l’est plus… Pourquoi ? Car nous avons un cap, une cohérence ». En 2019, Raphaël Glucksmann, qui menait déjà la liste, avait terminé la campagne à 6,19 %, dans la roue des 6,31 % de LFI et loin derrière les 13,48 % de la liste EELV de Yannick Jadot. Pour la liste PS-Place Publique, une première victoire, plus réaliste, serait déjà de sortir en tête des listes de gauche le 9 juin prochain.