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Européennes : comment l’accord entre l’UDI et Renaissance se « deale » au plus haut niveau

Ce sera officiel lors d’un conseil national de l’UDI, le 23 mars, mais le principe a été acté au plus au niveau. Le parti centriste va faire liste commune avec Renaissance pour les élections européennes. Emmanuel Macron a reçu en début d’année le sénateur Hervé Marseille, patron de l’UDI, pour conclure l’accord. Reste à définir les places sur la liste. Pour l’UDI, le nom de l’ex-sénatrice Valérie Létard est cité…
François Vignal

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Il ne faut pas oublier ce que veut dire UDI. Union des démocrates et indépendants. Pour les élections européennes du 9 juin prochain, le parti centriste va montrer qu’il sait justement jouir d’une certaine indépendance. En tout cas vis-à-vis des LR, leur partenaire habituel, à droite. Logique, pour un parti de centre droit. Mais sur le sujet de l’Europe, ça ne pouvait pas le faire.

La question couvait depuis des mois. Aujourd’hui, c’est confirmé ou tout comme. L’UDI va faire alliance avec Renaissance pour les européennes. Le parti présidé par le sénateur Hervé Marseille, par ailleurs président du groupe Union centriste du Sénat, partira sur la liste de la majorité présidentielle, menée par Valérie Hayer, ancienne membre de l’UDI d’ailleurs, aux côtés de Renaissance, mais aussi d’Horizons et du Modem, autre parti centriste.

« Le Président a reçu Hervé Marseille en janvier. Ils ont dealé »

Les premières discussions ont d’abord eu lieu entre Hervé Marseille et Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, devenu ministre de l’Europe et des Affaires étrangères depuis. Ils se sont vus à plusieurs reprises. De quoi préparer le terrain.

Mais comme toujours en macronie, tout remonte à l’Elysée. S’il n’est pas (officiellement) chef de parti, le chef de l’Etat garde un œil attentif sur les élections. Le principe de l’accord entre l’UDI et Renaissance a ainsi été conclu directement dans le bureau d’Emmanuel Macron, en début d’année. « Le Président a reçu Hervé Marseille en janvier. Ils ont dealé. Ils étaient aussi avec Pierre Charon (ex-sénateur LR, qui s’est rapproché de la majorité présidentielle, ndlr), qui a fait l’entremetteur », confie un élu de la majorité présidentielle, qui glisse que le tout s’est conclu autour « d’un whisky ». Santé. Une rencontre confidentielle confirmée à publicsenat.fr par plusieurs sources. S’il ne s’agissait pas de la première rencontre entre Hervé Marseille et Emmanuel Macron (comme celle de février 2019 sur la photo), celle-ci a bien permis d’aborder, entre autres, l’élection européenne et de nouer l’accord pour une liste commune, du moins sur le principe.

« Un choix de raison »

Le rapprochement sera acté et officialisé par l’UDI à la fin du mois. « Cela doit être confirmé le 23 mars lors de notre conseil national. Evidemment, c’est un choix collectif », nous affirme le sénateur du Nord, Olivier Henno, secrétaire général de l’UDI. Le sujet fait néanmoins débat en interne. Certains ont notamment pensé à l’idée d’une liste autonome, comme lors des européennes de 2019. Mais la liste conduite alors par Jean-Christophe Lagarde n’avait réalisé qu’un score de 2,5 %, soit aucun élu à la clef. « La difficulté qui existe pour faire valoir le message européen montre que ça ne serait pas raisonnable de conduire une liste, ce serait assez difficile », selon Olivier Henno. « C’est plus facile de dire qu’on défend les couleurs de la maison, car ça permet aussi de ne pas avoir à choisir… » ajoute un autre parlementaire UDI.

« On ne pouvait pas rejoindre la liste Bellamy. Ça ne pouvait qu’être la liste Renaissance », confirme de son côté le sénateur UDI du Nord, Guislain Cambier. Mais l’élu reconnaît que ce n’est pas évident, « selon les territoires. C’est vrai que ça peut paraître un peu baroque de se retrouver autour de cette liste Renaissance. C’est un choix de raison. Dans le Nord, ce n’est pas quelque chose ni de facile, ni de lisible, car le ressentiment vis-à-vis du gouvernement Macron est fort. Ça ne va pas de soi. C’est plus dans les grandes villes où c’est plus facile », avance le sénateur UDI, qui ajoute : « Ce rapprochement avec la liste Renaissance, c’est pour les élections européennes et ça ne dépassera pas ce stade ».

Du côté de Renaissance, on reste faussement prudent, du moins pour la forme, tant que tout n’est pas officialisé. « C’est en bonne voie. Et on le souhaite. Nous, ce qui nous anime, c’est bâtir la plus large coalition pro européenne possible, et l’UDI est un parti pro européen. Sur ce sujet-là, il n’y a pas une feuille de papier à cigarette qui nous sépare », affirme Loïc Signor, porte-parole de Renaissance. Il souligne que « la tentative de Jean-Christophe Lagarde, en 2019, c’est ce qui nous avait, mathématiquement, probablement empêché de passer devant la liste RN de Jordan Bardella. C’est un peu le sens de l’histoire que cette alliance se conclut ».

« Compte tenu des positions de François-Xavier Bellamy, notamment sur l’avortement, où il était opposé à un moment, ça nous semble difficile de faire un partenariat avec la liste LR »

Les questions de fond ont beaucoup joué. A commencer, en toute logique, par la dimension européenne. « C’est aussi notre ADN centriste », rappelle le sénateur Olivier Henno. Mais pas seulement. « Compte tenu des positions de François-Xavier Bellamy, notamment sur l’avortement, où il était opposé à un moment, ça nous semble difficile de faire un partenariat avec cette liste. Résultat des courses, se retrouver sur la liste la plus européenne, c’est assez logique », ajoute le secrétaire général de l’UDI. Sur l’Europe, « on est beaucoup plus proche du bloc central que de LR », ajoute un responsable du parti centriste.

S’ajoute la dimension « stratégique ». « Quand vous avez un RN à plus de 30 %, si on part du principe qu’il y a des risques extrêmement importants pour la prochaine présidentielle, la nécessité, c’est quand même de rassembler », pense un parlementaire UDI.

Et si l’UDI s’est souvent rapprochée des LR localement ou pour les sénatoriales, pour les européennes, les cas où il y a eu liste commune sont « anciens », rappelle-t-on en interne à l’UDI, et « à chaque fois qu’on a fait des rapprochements, c’était quand la tête de liste était centriste : Valérie Giscard d’Estaing (tête de liste UDF-RPR en 1989, ndlr) et Dominique Baudis (qui mène la liste UDF-RPR en 1994, ndlr). En fait, on a rarement été avec le RPR ».

« Ça irait de soi que l’UDI ait une place éligible »

Si on connaît la date du mariage, reste à voir encore ce qu’il y aura dans la corbeille de la mariée. Autrement dit, combien de places seront réservées à l’UDI, et surtout à quelle hauteur. Le nerf de la guerre. Pour l’heure, les « négociations » sont toujours en cours…

Pour ne pas faire le voyage pour rien, l’UDI devrait bien bénéficier d’un élu au Parlement européen. « Bien sûr qu’en nous rejoignant, ça irait de soi qu’ils aient une place éligible. Cela semble logique qu’ils soient en position éligible », confie-t-on du côté du parti présidentiel. Mais au regard des sondages actuels, qui donnent péniblement la liste vers les 20 %, voire en dessous, il y aura moins d’eurodéputés à la clef. Et les bonnes places seront chères, d’autant qu’il faudra en faire aussi au Parti radical, présidé par Laurent Hénart, qui pourrait aussi être de la partie, avec l’ancien maire de Nancy sur la liste.

Sans oublier bien sûr les alliés traditionnels que sont le Modem, qui compte actuellement six eurodéputés, et Horizons. Le parti d’Edouard Philippe souhaite voir reconduit ses deux sortants et aimerait envoyer un troisième eurodéputé à Strasbourg. Sans oublier les sortants Renaissance, qui ne connaissent pas encore leur sort. « Tout le monde veut une place sur la liste ! » résume un sénateur Renaissance. Bref, c’est la lutte des places.

« Valérie Létard a été approchée. Elle serait entièrement légitime »

Pour l’UDI, un nom circule pour être sur la liste : c’est celui de Valérie Létard. L’ancienne ministre a été sénatrice jusqu’en septembre dernier et a choisi de ne pas se représenter. « Elle fait partie des noms cités », confirme une source à l’UDI.

Guislain Cambier, à qui Valérie Létard a passé le témoin lors des sénatoriales de septembre dernier, confirme la piste et verrait en elle une très bonne candidate. « Elle a été approchée en effet. Elle serait entièrement légitime. Elle a l’aura, les capacités intellectuelles et diplomatiques. C’est une vraie Européenne. Elle ferait une excellente députée européenne. Maintenant, la décision est entre ses mains », nous explique le sénateur UDI du Nord, qui ajoute qu’« Hervé Marseille et Renaissance ont pensé à elle. Elle incarne cette ligne européenne et humaniste. Elle est du Valenciennois, comme Jean-Louis Borloo ». Et si « elle a arrêté le Sénat, elle n’a pas arrêté la politique pour autant ».

Quelle conséquence pour la majorité sénatoriale LR-Union centriste ?

Conséquence de l’union de circonstance entre l’UDI et Renaissance : cela risque de compliquer les choses au Sénat. Car il ne faut pas oublier que le groupe Union centriste, présidé donc par Hervé Marseille, compose la majorité sénatoriale de Gérard Larcher avec le groupe LR de Bruno Retailleau, dont François-Xavier Bellamy est un proche… Mais officiellement, cela ne pose pas de problème.

Du côté de Bruno Retailleau, on explique depuis un moment que la majorité sénatoriale fonctionne par le dialogue avec ses différences, rien de nouveau. S’il « regrette » le choix de l’UDI, le sénateur LR Max Brisson assure que « ce n’est pas un problème pour le Sénat. La majorité sénatoriale recoupe la majorité présidentielle depuis 2017. Gérard Larcher est élu avec des voix de sénateurs Modem », qui sont au groupe centriste, remarque le sénateur des Pyrénées-Atlantiques. Max Brisson ajoute :

 Ça n’ébranlera pas la majorité sénatoriale, ça ne m’inquiète pas. C’est la subtilité du Sénat. On sait faire la part des choses. 

Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques

« Une fois cette étape européenne tournée, nous aurons à nous retrouver dans ce grand bloc central »

Du côté centriste, on souligne la « liberté » de chacun au Palais de Marie de Médicis. « Les LR font ce qu’ils veulent. Et nous, on a le droit de faire ce qu’on veut ». Une union libre en somme. Mais où les LR n’auraient, en réalité, pas d’autre solution. « Quelle majorité vous voyez sinon ? » demande un centriste. Sans autre alternative, les LR n’ont d’autre choix que de faire avec l’indépendance de l’UDI pour les européennes.

Et pour après ? « On est dans la majorité présidentielle, quand on est au gouvernement. Donc il suffit de regarder la liste des ministres », où on ne compte aucun membre de l’UDI, souligne Olivier Henno. Mais d’autres pensent que les cartes pourraient être rebattues à la rentrée. « On reste dans l’opposition, on est dans la majorité de Gérard Larcher, de manière claire et nette », assure Guislain Cambier, « mais une fois cette étape européenne tournée, nous aurons à nous retrouver dans ce grand bloc central, avec nos collègues LR, Horizons, pour reconstituer une alternative crédible ». De là à reparler de la poutre qui travaille…

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