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Européennes 2024 : Raphaël Glucksmann prône dans son programme une « révolution écologique »
Par François Vignal
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« 337 mesures, que je compte toutes vous présenter… » C’est par un trait d’humour que Raphaël Glucksmann a ouvert la conférence de presse sur la présentation du programme du Parti socialiste et de Place publique, sa formation, pour les européennes. Mais c’est bien 337 mesures, et même 338 exactement, que comporte le programme de la tête de liste, toujours à la quatrième place des sondages mais qui s’approche de plus en plus de la majorité présidentielle.
« Agenda de transformation radicale de l’Union européenne »
Forcément, difficile d’échapper à l’impression d’un catalogue un peu fourre-tout. Le candidat aux élections européennes s’est néanmoins lancé dans cet « exercice un peu périlleux de résumer 337 mesures », dont il a cherché à présenter la cohérence. C’est un programme résolument européen, de gauche et écologiste, qui se décline en plusieurs volets : « Europe puissante », « Europe écologique », « Europe sociale », « Europe humaniste et juste », « Europe puissance d’avenir », « Europe démocratique et intègre » ou encore une « puissance publique européenne ». « L’Europe, l’Europe, L’Europe », comme aurait dit le général de Gaulle. Mais l’époque a changé. « Nous sommes à un moment de bascule. Il y a des moments de l’histoire qui définissent le destin des peuples », lance Raphaël Glucksmann. « Cela exige un cap clair », ajoute l’eurodéputé, qui revendique un « agenda de transformation radicale de l’Union européenne, un agenda réaliste ».
A commencer, pour la tête de liste PS/Place Publique, par l’enjeu de la défense et de l’Ukraine. Prônant le « soutien à la résistance ukrainienne », il entend la financer par la « saisie de 206 milliards d’euros d’avoirs publics russes gelés dans nos banques ». Il propose encore « un fonds européen de défense de 100 milliards d’euros », ou un « buy européen act dans l’armement ». Deux mesures que propose Valérie Hayer dans son programme ou Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat a plus globalement fait lui aussi de l’Europe puissance son ambition, lors de son discours de la Sorbonne.
Défense : « Ce n’est pas un problème qu’il y ait un point de convergence » avec la liste Hayer
« Ce n’est pas un problème qu’il y ait un point de convergence sur ce sujet » de la défense, rétorque le candidat, qui souligne que « sur la Politique agricole commune (PAC), la pêche, le train ou les questions commerciales, nous n’avons pas du tout la même vision ». « Et sur la question écologique, leur programme tient sur 3 ou 4 mesures qui sont extrêmement vagues », raille-t-il.
On y vient. Le PS et Place Publique ont décidé de mettre le paquet côté écologie. Sur les 337 mesures, on compte 90 propositions au chapitre « Europe écologique », contre 70 pour « l’Europe social » et 44 pour « l’Europe puissante ». Raphaël Glucksmann défend ainsi un « protectionnisme écologique européen » face à la « religion du libre-échange généralisé », un investissement « massif » dans les renouvelables, une « phase 2 » du Green Deal faite de « planification, d’investissement », « la sobriété », notamment celle des bâtiments, un « ticket climat » européen pour prendre le train, un « pacte eau » pour « la préservation des fonds marins et la pêche artisanale », la défense de la biodiversité, sans oublier « le bien-être animal ». La liste est longue comme le bras.
« La puissance européenne sera écologique ou ne sera pas »
Histoire de bien comprendre le message, Raphaël Glucksmann lance : « La puissance européenne sera écologique ou ne sera pas ». Les propos rappellent ceux d’Emmanuel Macron, qui disait dans l’entre-deux tour de 2022 que son « quinquennat sera écologique ou ne sera pas », quand l’enjeu pour lui était d’aller chercher les voix écologistes… Les socialistes et leur allié de Place publique cherchent-ils à grappiller des voix à leurs amis écolos de la liste de Marie Toussaint, qui peine à décoller dans les sondages ? De quoi faire décoller le deuxième étage de la fusée Glucksmann, qui bénéficie d’une dynamique dans les sondages, prenant la première place à gauche et talonnant la liste macroniste, au point d’ouvrir la perspective d’un croisement des courbes, synonyme d’un tremblement de terre, s’il se confirmait le 9 juin. Dans le programme, le chapitre social vient d’ailleurs après celui de l’écologie.
Mais promis juré, ce n’est pas l’objectif. « Cela fait deux ans que j’écris sur le concept de puissance écologique », « ce n’est pas pour chercher des voix que se construit ce projet », répond à publicsenat.fr Raphaël Glucksmann (voir la vidéo, images de Noah Bergot), « ces 337 mesures, on ne les a pas faites en fonction du dernier sondage Ifop. Je ne réfléchis jamais en termes de segment de population ». Plutôt que l’importance de l’ordre des thématiques, il défend la cohérence d’ensemble. « Cette révolution écologique est un moment où le politique reprend la main et pour que ce soit accepté, il faut une solidarité sociale, qui permettra la consolidation de la démocratie. Et c’est ce qui nous permet de résister à l’offensive des régimes autoritaires. C’est une boucle », défend Raphaël Glucksmann, qui conclut sa démonstration :
« Clause de l’Européenne la plus favorisée » et interdiction d’un écart de salaire supérieur à 20 dans les entreprises
Côté social, le candidat met sur la table un grand plan de lutte pour aider les 800.000 sans-abris en Europe, une réforme du marché de l’électricité, un plan de rénovation des bâtiments, « une Europe féministe » avec une « clause de l’Européenne la plus favorisée » pour niveler la réglementation par le haut, dans plusieurs domaines, l’interdiction d’un écart de salaire supérieur à 20 dans une même entreprise ou encore la lutte contre le dumping social.
Sur le plan de l’immigration, l’Europe a « un devoir de sauver des vies en Méditerranée », lance l’eurodéputé. Il appelle à « sortir de l’hypocrisie par une voie légale de régulation à l’échelle européenne ». Et alors que la situation est catastrophique à Gaza, les eurodéputés de sa liste seront « des combattants de la reconnaissance de l’Etat palestinien », assure Raphaël Glucksmann.
« Nous assumons ces délégations de souveraineté »
Porter cette Europe puissance appelle des changements institutionnels, au plan européen. Soit « la fin du droit de véto au Conseil » et une « avancée fédérale de la Construction européenne », que le candidat assume, mais qui fait, depuis longtemps, débat voire divise au PS et à gauche. « Nous assumons ces délégations de souveraineté », dit encore Glucksmann, en Européen convaincu. Il prône en toute logique « un budget européen, qui ne soit plus ridicule », pour atteindre 5 % du PIB, et « des ressources propres », financées notamment par une contribution des entreprises qui bénéficient du marché unique. Sa liste propose aussi une « taxation des plus hauts patrimoines, à l’échelle de l’Union européenne » soit « 200 milliards d’euros par an » à la clef. Sans oublier « la taxation des superprofits ». Pour financer de grands projets européens, il entend mutualiser les dettes.
Ce sauf fédéral, où chaque Etat membre perdrait en conséquence une part de souveraineté, peut se faire, selon Raphaël Glucksmann, par « l’adoption d’un traité d’approfondissement et d’élargissement à la fois. Les deux vont de pair ». S’il évoque l’entrée de l’Ukraine dans l’Union, elle impliquerait une réforme de la PAC, sans quoi, « ce serait une catastrophe pour nos agriculteurs ».
« Je n’aurai pas la social-démocratie honteuse »
Pour la tête de liste, ce programme s’inscrit dans une logique plus globale, à gauche. « On est à un moment extrêmement intéressant qui est la redéfinition de la social-démocratie européenne » « et cela passe par le mariage avec l’écologie politique », « le social » et « le sens de l’Etat ». « Je vais m’inscrire pleinement dans cette redéfinition. Je n’aurai pas la social-démocratie honteuse », lance Raphaël Glucksmann, qui prévient : « Je suis engagé dans ces réflexions (avec les partenaires européens), et à la tête même, de ces discussions ».
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