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Européennes 2024 : Marie Toussaint va-t-elle bénéficier d’une « prise de conscience » écologique dans la dernière ligne droite ?
Par François Vignal
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Une campagne c’est long. Mais c’est court aussi. Si les candidats sont sur le terrain depuis plusieurs semaines, tous espèrent convaincre les électeurs dans la dernière ligne droite. Et Marie Toussaint en particulier. La tête de liste des Ecologistes, nouveau nom d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), entend bien faire déjouer les pronostics. Ou plutôt les sondages. L’eurodéputée sortante est à la peine dans toutes les études d’opinion. Créditée de 7 ou 8 % en début de campagne, elle a baissé jusqu’à atteindre la cote d’alerte de 5 % dans certains sondages, seuil pour obtenir des élus, avant de légèrement remonter autour de 6 % dans d’autres. Pas de quoi être rassuré, surtout quand on sait que les électeurs tentés par le vote écolo sont parmi les moins certains de leur choix (seulement 45 % dans le dernier sondage d’Ipsos). De quoi craindre le pire… comme une remontada finale.
« Nous sommes déterminés à déjouer les sondages »
Quand on leur parle sondages, les écologistes aiment se rappeler les européennes de 2019. Les études s’étaient trompées comme il faut, sous estimant jusqu’au bout la liste de Yannick Jadot. « Lors du précédent scrutin, c’est dans la dernière ligne droite, la dernière semaine, voire au moment d’aller voter, que les gens ont décidé réellement », souligne Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat. Yannick Jadot, qui a quitté le Parlement européen pour le Sénat, avait fini à 13,5 %. « Aucun sondage ne l’avait donné à ce niveau-là », rappelle le sénateur de l’Isère. Les études tournaient plus autour de 7-9 %. De quoi donner quelques espoirs.
La candidate elle-même mise sur une cristallisation tardive du choix des Français qui se rendront aux urnes. « Vous savez, une élection existe à partir du moment où les électeurs commencent à ouvrir leurs yeux et tendre leurs oreilles. Je crois que les européennes n’intéressent les Français que depuis peu. Les gens choisissent au dernier moment leur vote. Nous sommes déterminés à déjouer les sondages », avance dans Le Figaro la tête de liste.
Convaincre les « 3 millions de personnes qui ont voté écolo aux européennes de 2019 »
Pour David Cormand, numéro 2 de la liste, l’enjeu est de mobiliser cet électorat écolo au sens large. « C’est sur ça qu’on essaie de convaincre : quand vous avez déjà voté une fois pour les Vert, pensant que c’était le bon moment, là, c’est vraiment le bon moment. C’est 3 millions de personnes aux européennes de 2019, c’est aussi le vote des municipales. Jamais l’écologie n’a eu autant besoin d’eux », lance l’ancien numéro 1 des Verts. « Bien sûr, qu’on va remonter un peu la pente. Je ne sais pas si on ira aux sommets, mais beaucoup d’électeurs restent indécis. Mais lorsqu’on discute un peu, on sent bien que l’attachement à nos propositions reste très présent », avance de son côté Daniel Salmon, sénateur des Ecologistes d’Ille-et-Vilaine.
La menace de passer sous les 5 % est néanmoins dans toutes les têtes. « Au-delà de la conséquence de ne pas avoir d’élus, c’est notre avenir et l’écologie qui sont en jeu. Et ce ne sont pas juste des mots. Qu’on le veuille ou non, le réchauffement climatique est là et les conséquences sont là sur nos vies, avec un impact sur le coût de l’alimentation, le coût des déplacements », alerte Guillaume Gontard. Mais le président du groupe écologiste ne croit pas au scénario catastrophe :
« Le vote de la raison, le vote utile » face à l’école « bashing »
« Assez confiant », Guillaume Gontard estime que « le vote de la raison, le vote utile, pour nous, pour nos vies, sera celui pour Marie Toussaint ». Un vote qui serait d’autant plus utile, à l’heure du « backlash » écolo, c’est-à-dire un contrecoup sous forme de retour en arrière. Après les fortes avancées du Green Deal, le Parlement européen est revenu en arrière sur les normes agricoles et sur les pesticides. « Clairement, soit la question écologique a été la cible, le bouc émissaire pour l’extrême droite, la droite et une partie des macronistes, soit elle a été en partie abandonnée », pointe David Cormand.
Une « petite musique, qui consiste à dire que c’est la faute des écolos. Et ça joue », regrette le sénateur EELV des Bouches-du-Rhône, Guy Benarroche. Il dénonce « le bashing très clair mené contre les écolos, en faisant passer les lois soi-disant écologistes comme les causes premières des difficultés sur le logement, l’industrie, l’agriculture, comme si ça faisant 40 ans qu’on était au pouvoir en France et en Europe… C’est assez fou ».
« Des sondages qui démobilisent »
Pour comprendre pourquoi les écolos font campagne vent de face, David Cormand pointe aussi le rôle des médias, à commencer par ceux « du groupe Bolloré, comme C-News. Quand ils parlent d’écologie, c’est pour s’en prendre à elle ». Il pointe également le rôle des « sondages, qui démobilisent. Les gens se disent c’est déjà fait. Cela correspond aussi à la montée de l’abstentionnisme ». Le candidat ajoute des médias qui joueraient contre la liste écologiste. « Il y a une volonté de remettre en selle cette famille sociale-démocrate. Les médias de gauche, soit ils aiment bien LFI, soit le PS, mais les Verts, ils ne les calculent pas trop », pense David Cormand.
Pour compliquer la donne, sur le fond, la liste PS-Place de Raphaël Glucksmann mise aussi beaucoup sur l’écologie, ainsi que la liste LFI de Manon Aubry, dans une moindre mesure. Mais la liste de Marie Toussaint est celle « qui est la plus claire sur les questions écologiques », estime l’eurodéputé, qui ajoute :
S’ajoute « la crise sociale, l’inflation. Dans ces cas-là, la tentation est de dire qu’il n’y a pas que l’écologie dans la vie. Or, on ne les oppose pas », souligne David Cormand.
Certains mettent sur la table d’autres explications. « On sait qu’on ne fera pas un score formidable », craint Thomas Dossus, sénateur EELV du Rhône, « car on n’a pas réussi à occuper l’espace qu’on occupe habituellement dans la campagne européenne. Et on a une campagne un peu particulière, qui est très peu sur les enjeux écolos, en dehors de la crise agricole ». On est loin « de la vague verte de 2019 et des marches climat ». Mais « ce n’est pas que la faute du contexte », reconnaît Thomas Dossus, « on n’a pas su, nous, imposer nos thématiques dans la campagne. Mais on a une fin de campagne où ça remonte un peu ».
« Marie Toussaint a fait une campagne très déprimante »
Des voix se sont élevées en interne, pour tenter, avec plus ou mois de réussite, d’ajuster le cap. « On est un certain nombre à avoir dit qu’on aurait pu faire autre chose parfois. A certains moments, on a pensé qu’il fallait mettre l’inflexion sur certains sujets », raconte Guy Benarroche, qui pense qu’« on peut juste reprocher de ne pas avoir réussi, vraisemblablement, à solliciter assez l’électorat écologiste traditionnel. On a eu l’impression de moins parler climat, énergie, biodiversité. Des fois, on oublie de rappeler ce socle. Peut-être qu’il aurait fallu aller chercher les électeurs de ce socle-là », croit le sénateur.
Sur le même thème, un parlementaire va plus loin, sous couvert d’anonymat. « Marie Toussaint a fait une campagne très déprimante, sur le cancer pédiatrique par exemple. On peut parler d’écologie de façon plus enthousiasmante », épingle ce parlementaire. A l’inverse, les débuts de campagne joyeux, à base de booty therapy, avaient suscité étonnements, voire des railleries. Difficile de contenter tout le monde.
« Une candidate qui n’avait pas de notoriété, donc qui avait un peu plus de mal à percer dans un premier temps »
Les écologistes ne coupent pas non plus à la question de l’incarnation. Qu’on le veuille ou non, elle est au cœur d’une élection. Marie Toussaint a-t-elle su imprimer sa marque et transmettre son message, comparée aux autres candidats ? « C’est vraiment quelqu’un de conviction, qui incarne la sincérité », la défend Guillaume Gontard. « On lui reproche quasiment d’être une trop bonne élève, une trop bonne députée européenne, ce qui est un comble », ajoute David Cormand, selon qui « elle coche toutes les cases du sérieux ».
Reste que Marie Toussaint a sûrement pâti d’un handicap de popularité. « On est partis avec une candidate qui n’avait pas de notoriété, donc qui avait un peu plus de mal à percer dans un premier temps », reconnaît le sénateur Daniel Salmon, qui ajoute que « des personnalités politiques, ça ne se construit pas en un jour. C’était une difficulté supplémentaire, mais ce n’était pas la seule. On espère la surmonter ».
Selon un parlementaire, Marie Toussaint n’était « pas vraiment » le bon casting au fond, surtout parce qu’elle ne serait pas en totale cohérence avec la ligne. « Elle ne portait pas du tout la même stratégie que le parti. Elle était plus pour l’union, cela a provoqué un décalage », estime cet élu écolo. Dans Le Figaro, la tête de liste évoque d’ailleurs sa conviction première. « Ce n’est un secret pour personne, je n’étais pas la plus opposée à une liste d’union. Je ne réfutais pas la possibilité d’une liste unique à gauche, mais l’histoire en a décidé autrement. Je n’ai pas de regrets », assure Marie Toussaint.
« On demande aux hommes politiques d’être des mecs machos et agressifs. Elle n’est pas un mec, elle n’est pas macho et elle n’est pas agressive »
Guy Benarroche reconnaît que « la personnalité, le charisme, l’emprise de celui qu’on met en avant, a aussi un rôle ». N’hésitant à mettre un peu les pieds dans le plat, le sénateur Ecologiste des Bouches-du-Rhône ajoute : « Vraisemblablement, des candidats ont plus de charisme que Marie Toussaint. Est-ce qu’elle ne sait pas se faire entendre ? Je ne pense pas. Mais je trouve dommage que cela ait une importance, surtout pour un vote au Parlement européen, où le projet et le bilan devraient être les éléments essentiels ».
Mais pour Guy Benarroche, reprocher à la candidate son ton ou son style de communication, n’a pas de sens. « Elle ne va pas devenir un carnassier, alors qu’elle ne l’est pas. On demande aux hommes politiques d’être des mecs machos et agressifs. Elle n’est pas un mec, elle n’est pas macho et elle n’est pas agressive », lance le sénateur écologiste, qui rappelle qu’« elle a toujours été une militante de terrain, comme l’a été Yannick Jadot ».
« Il y a une minorité qui fait du billard à douze bandes, ce n’est pas très intéressant »
David Dormand minore les critiques qui peuvent émaner en interne. « Il y a une minorité, qui représente 5-10 %, qui sont toujours un peu les mêmes, qui font du billard à douze bandes. Ce n’est pas très intéressant et ça n’a pas trop d’intérêt », tranche-t-il. L’ancien numéro 1 d’EELV rappelle que « quand les choses vont bien, c’est grâce à tout le monde. Et quand les choses vont moins bien, c’est la faute des autres ». Avant une éventuelle grande explication, qui ouvrira sur un prochain congrès, dont la date reste à déterminer, pour préparer le parti aux échéances de 2026 et 2027, David Cormand préfère se concentrer sur le résultat de dimanche. Avec un objectif : « Avoir un score important, pour peser au Parlement européen face à la droite et l’extrême droite ».
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