Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Européennes 2024 : en prenant la parole, Emmanuel Macron est-il un « atout » pour Valérie Hayer… ou « un problème » ?
Par François Vignal
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C’est dans la foulée de la commémoration du 80e anniversaire du Débarquement, où les présidents américain, Joe Biden, et ukrainien, Volodymyr Zelensky, sont attendus, qu’Emmanuel Macron va prendre la parole. Il sera interrogé lors des 20 heures de TF1 et de France 2. S’il s’agit de parler de la situation internationale, entre Ukraine et Gaza mais aussi Europe, cette prise de parole à seulement trois jours des élections européennes, qui passe mal dans l’opposition, sera-t-elle en mesure d’aider, même indirectement, la liste de la majorité présidentielle de Valérie Hayer ? La candidate est à la peine dans les sondages et en cette fin de campagne, on voit le duo exécutif à l’œuvre pour donner un coup de pouce, pour ne pas dire sauver une campagne qui stagne autour de 16 %.
Lien entre les européennes et la commémoration des 80 ans du Débarquement
Officiellement, le chef de l’Etat ne fera pas campagne jeudi. Mais le premier ministre Gabriel Attal lui-même, qui multiplie les interventions depuis quelques jours, accrédite l’idée d’un lien entre la commémoration du « D-Day » et les européennes. En s’invitant, à la surprise générale et non sans susciter des critiques, au micro de France Info ce lundi matin, durant l’interview de Valérie Hayer, le premier ministre a voulu « encourager Valérie au moment où les élections européennes approchent », et rappeler qu’« on va commémorer un moment très important aussi dans notre histoire, avec le président de la République. Le fait qu’il y a 80 ans, des jeunes comme vous, comme nous, ont débarqué en France », a rappelé Gabriel Attal, devant le sourire un poil crispé de la candidate, avant d’alerter sur « l’Union européenne, qui est en danger, et qu’on doit absolument défendre, ne serait-ce que pour faire honneur au courage de ceux qui nous ont permis de vivre libre aujourd’hui, de nous débarrasser de l’occupation nazie ».
Certains trouveront la ficelle bien vue et efficace, d’autres la trouveront un peu grosse – c’est au choix – mais le premier ministre ne fait pas semblant : commémorations = lutte contre les nazis = liberté = naissance de l’Europe = défense de l’Europe contre l’extrême droite = votez pour nous. CQFD.
« S’il arrive, à 3 jours du scrutin, à faire entendre de la rationalité, dans un scrutin où la mauvaise humeur, la haine et l’irrationalité fonctionnent, il a raison », selon François Patriat
On verra si le message du chef de l’Etat s’en tient aux grands enjeux ou s’il distille subtilement quelques messages subliminaux à destination des électeurs, mais sa parole, en se centrant sur les enjeux internationaux, pourrait permettre de dramatiser le scrutin, au moment où les électeurs hésitants se décident. Emmanuel Macron n’avait-il pas joué sur « l’effet drapeau », face à la guerre en Ukraine, lors de la présidentielle 2022 ?
Pour Nathalie Loiseau, porte-parole de la campagne de Valérie Hayer, la question ne se pose pas. « Ce genre de polémique, savoir si ça aide ou pas, ça ne m’intéresse pas du tout. Si le chef de l’Etat ne peut plus s’exprimer aux 80 ans du débarquement, je ne sais plus où on est. C’est plus que légitime. C’est un événement considérable », fait valoir l’eurodéputée Horizons. L’ancienne ministre des Affaires européennes souligne que « parler aux Français » est même « son devoir ». « Il est chef de l’Etat. Il y a 80 ans, on sortait de l’occupation allemande. C’était un moment fondateur pour la paix en Europe, nos alliances », rappelle Nathalie Loiseau.
« Il va accueillir le monde entier en France. Qu’il prenne la parole à un moment de commémoration et de solennité important, c’est normal », pense aussi François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs macronistes. Reste qu’une prise de parole du chef de l’Etat, à trois jours d’une élection, ne peut être totalement décorrélée de tout contexte. « S’il arrive, à 3 jours du scrutin, à faire entendre de la rationalité, dans un scrutin où la mauvaise humeur, la haine et l’irrationalité fonctionnent, il a raison », estime le sénateur Renaissance de la Côte-d’Or. François Patriat relève de plus que « les oppositions font de ce scrutin un référendum anti-Macron. C’est normal qu’Emmanuel Macron s’exprime ».
« Le premier ministre, c’est l’un de nos meilleurs atouts dans la campagne, avec le Président »
Le président du groupe RDPI reconnaît que l’enjeu au cœur de la fin de campagne est de jouer sur l’abstention différentielle entre listes. Autrement dit, que les macronistes ne soient pas à la pêche dimanche. « L’objectif, c’est d’aller convaincre la part de l’électorat, encore importante, qui a voté Macron et qui aujourd’hui, ne veut pas voter Macron ou hésite », souligne François Patriat.
En dehors des micros, beaucoup disent, avec moins de pudeur, que la carte Macron est la meilleure à jouer en fin de partie. « Le premier ministre, c’est l’un de nos meilleurs atouts dans la campagne, avec le Président. Et le 3e, c’est Valérie Hayer », lâchait il y a peu un cadre de la campagne, qui se faisait clair :
Sous les dorures de son ministère, un ministre faisait le même constat, la semaine dernière : sans Emmanuel Macron, point de salut. « S’il n’y avait pas eu le discours de la Sorbonne, son engagement, on serait encore plus bas », pensait ce membre du gouvernement. Le même ajoutait : « Bardella, c’est l’opposant universel. Ce sont sans doute Gabriel et le Président qui peuvent y répondre le mieux ».
« Il y a une forme d’ingratitude par rapport au pouvoir », constate un ministre
Voilà pour la face A. En face B, c’est un autre disque qu’entonnent certains membres de la grande famille présidentielle. Car en se montrant, Emmanuel Macron va-t-il vraiment aider Valérie Hayer… ou la mettre en difficulté ? Le chef de l’Etat fait face à l’usure du pouvoir. Un pouvoir usé peut-il accrocher des électeurs ? Outre sa personne, ses réformes des retraites, de l’immigration ou de l’assurance chômage ont laissé des traces, jusque dans son camp. Le risque pour le chef de l’Etat serait d’être davantage répulsif qu’autre chose.
Dans l’équipe gouvernementale, on semble minimiser ce risque. « Il y a une forme d’ingratitude par rapport au pouvoir », constate un ministre qui veut encore y croire, « mais le phénomène Macron n’est pas différent de ce qu’on a vu avec Nicolas Sarkozy ou François Hollande ». Un autre transforme même les intentions de vote annoncées par les études d’opinion en bon score… « Dans l’histoire de la Ve République, être à 16 % dans les sondages, c’est un miracle, après sept ans aux responsabilités », lance ce ministre, qui ajoute, au sujet de l’assurance chômage, « que les gens y sont favorables. C’est un sujet de préoccupation ».
« Le problème, c’est Macron »
Mais chez les parlementaires, certains ont la dent dure, sous couvert d’anonymat. « On va prendre une fessée », prédit un élu de province, qui appelle l’Elysée à éviter « la poloche » et les calculs. « Ce n’est pas parce qu’Emmanuel Macron parle qu’il aide sa liste. S’il pense aider Hayer, il se trompe. S’il fait de la tambouille politicienne, il se trompe », alerte ce député Renaissance.
« On marche sur la tête. Je n’ai jamais vu une campagne pareille », tranche le même député, qui pointe un problème plus profond, dans la majorité, lié à « un problème d’ego du chef de l’Etat, un mec qui a gagné tout seul » : « On a un Président qui fait tout. C’est son problème. Il ne sait pas déléguer. Il ne sait pas choisir, ni son entourage, ni ses ministres. C’est un problème de management », pointe-t-il, « et Macron est responsable de tout ça »…
Un député du groupe Renaissance y va aussi de son crime de lèse-majesté, nourrissant l’ambiance de fin de règne. « Le problème, c’est Macron. A-t-il la force politique pour mener cette aventure en alliant droite et gauche ? », se demande ce macroniste historique, qui s’interroge déjà sur « l’après 9 juin » et les pistes de rebond possible.
« C’était une très mauvaise campagne, très mal menée »
D’autres n’attendent pas la fin de campagne pour commencer à faire le bilan… et tirer à vue. Mais viser Emmanuel Macron serait la mauvaise cible. « C’était une très mauvaise campagne, très mal menée. Ceux qui disent c’est la faute du Président, c’est aussi ceux qui ont mené la campagne », attaque un parlementaire de la majorité, qui rhabille l’équipe pour l’hiver : « Pas au niveau », « lâcheté », « thèmes et narratif imprimés par d’autres », « chef de parti, qui a proposé la tête de liste et l’équipe de campagne, et qu’on n’a pas vu »… On parle ici du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, toujours à la tête de Renaissance. Notre parlementaire, décidément très remonté, verse la dernière pelletée de terre :
Précision : les langues se délient, en général, après un échec électoral. Si les règlements de compte commencent avant, ce n’est jamais très bon signe…
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