Paris: Wauquiez Retailleau pacte legislatif

Entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, la guerre des chefs aura-t-elle lieu chez les LR ?

Le ministre de l’Intérieur, devenu l’homme fort du gouvernement, est de plus en plus proche d’une nouvelle candidature pour prendre la tête des LR. Il vient contrecarrer les ambitions de Laurent Wauquiez, au risque de relancer la guerre des chefs à droite, avec 2027 dans le viseur.
François Vignal

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Moribonds il y a quelque mois, entre les échecs électoraux et la crise liée au départ d’Eric Ciotti, les LR retrouvent de l’air. De retour au gouvernement depuis la dissolution, les LR sont au pouvoir de manière inattendue, voire inespérée. Et le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a su en tirer profit. Il multiplie les sorties médiatiques, défendant sa fermeté sur l’immigration.

L’ancien président du groupe LR du Sénat a enfin trouvé la notoriété qui lui manquait cruellement. Au point que cette nouvelle dimension commence à lui donner des ailes. Ses soutiens sont nombreux à le pousser à se lancer, pour être candidat à la présidence du parti. Lui-même semble de plus en plus décidé, selon plusieurs sources. Une pierre de taille dans le jardin de Laurent Wauquiez, dont les ambitions pour la tête du parti ne sont pas un secret, avant de viser 2027.

C’est dans ce contexte que les responsables du parti se sont retrouvés ce mercredi pour un bureau politique attendu. Si aucun ordre du jour n’avait été donné, c’est la refondation qui était au programme. Mais aucune décision n’a été prise. Les questions sensibles des nouveaux statuts, d’un congrès de refondation avec changement de nom et du calendrier ont été renvoyées à un prochain bureau politique, dans deux semaines. « Ça s’est bien passé, car on n’a rien décidé, si ce n’est de reporter les décisions dans 15 jours », raille l’un des membres du bureau politique.

« Il n’y a pas de place pour une guerre des chefs et si Bruno Retailleau ne respecte pas cet accord de répartition stratégique, alors il sera le seul à porter la responsabilité », avertit Laurent Duplomb

Ces animaux politiques avaient besoin de se voir. Mardi soir, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, entre qui les relations se sont refroidies, ont pu se renifler et se parler entre quatre yeux, à l’occasion d’un dîner. Lors de cet entretien, celui qui dirige le groupe des députés LR a demandé au ministre le respect d’un « accord » passé entre eux sur la distribution de leurs rôles respectifs au sein des LR, selon des propos transmis à l’AFP par l’entourage de Laurent Wauquiez. « A toi d’incarner la droite au gouvernement, à moi de reconstruire notre famille politique », a insisté l’ancien président de la région Rhône-Alpes, avant de mettre directement en garde Bruno Retailleau : « Si tu romps cet accord, tu porteras la responsabilité d’allumer une guerre des chefs qui sera dévastatrice ».

Un message relayé ce mercredi par Laurent Duplomb, l’un des rares soutiens de Laurent Wauquiez au sein du groupe LR du Sénat, acquis à l’ex-sénateur de Vendée. « Nous LR, ne voulons plus reconnaître cette situation de guerre de chefs. Il y a aujourd’hui une bonne équipe avec un accord, avec d’un côté Bruno Retailleau qui est à sa place à Beauvau et de l’autre, Laurent Wauquiez qui reconstruit le parti. Il n’y a pas de place pour une guerre des chefs et si Bruno Retailleau ne respecte pas cet accord de répartition stratégique, alors il sera le seul à porter la responsabilité de cela », avertit le sénateur LR de la Haute-Loire. « Mais le connaissant très bien, je ne pense pas qu’il ouvre cette spirale désastreuse pour l’avenir », ajoute Laurent Duplomb, qui joue le porte flingue de Laurent Wauquiez. Et d’espérer « qu’on trouvera une solution pour que chacun reste à sa place »…

Ce mercredi, Laurent Wauquiez a de nouveau mis en garde sur la guerre des chefs, mais devant le bureau politique cette fois. « Il l’a évoqué, en disant « on est convalescents, il faut surtout pas qu’on se redivise » », rapporte l’un des participants.

« Bruno Retailleau a insisté fortement sur la nécessité d’aller vite »

Mais une autre intervention n’a échappé à personne. C’est celle du ministre de l’Intérieur, sur le calendrier. « Bruno Retailleau a insisté fortement sur la nécessité d’aller vite, car on n’est pas à l’abri d’une initiative du chef de l’Etat qui bouscule le calendrier, que ce soit un référendum ou une dissolution en juillet », avance le sénateur LR Max Brisson, présent au bureau. « Beaucoup disent qu’il faut aller vite, en disant qu’il faut d’abord élire un président, avant les statuts, là où Laurent Wauquiez propose une procédure qui amène plutôt au printemps », ajoute le sénateur des Pyrénées-Atlantiques. « Il y a débat sur le calendrier, sans que ce soit une fracture insupportable », selon ce soutien de Bruno Retailleau. L’incertitude reste pour l’heure de mise sur la date du congrès. « Il était prévu une date d’élection pour la présidence dans les prochaines semaines. On a su que c’était reporté. Ça devrait probablement se faire au printemps. Ça va se faire un peu plus tard », estimait avant le bureau l’une de responsables du parti.

Selon l’un des membres du bureau, les intentions de Bruno Retailleau ne font plus de doute, surtout après la réunion. « Il a montré qu’il pouvait être candidat, sans le dire officiellement. A partir du moment où il intervient pour commenter, tout le monde sait qu’il est en réflexion », avance ce participant. « Il veut compter. Je pense qu’il y a même 2027 qui le taraude », avance un autre membre du bureau politique, qui ajoute :

 Clairement, Bruno Retailleau va peut-être vouloir se présenter à la présidence des LR, avec l’objectif de 2027. 

Un membre du bureau politique des LR.

« Le Sénat sera avec Bruno Retailleau »

Le ministre peut compter sur les sénateurs LR, où « l’amicale pression de ses amis » se fait sentir, pour le pousser à se lancer. « Au Sénat, il y a un large engouement pour qu’il soit candidat. Ce n’est pas surprenant, car il a été un excellent président de groupe, il sait trouver les moyens du consensus », avance un sénateur présent ce matin. « Le Sénat sera avec Bruno Retailleau », confirme une sénatrice, d’autant qu’« aux yeux des sénateurs, Laurent Wauquiez est un peu affaibli. Il n’a pas une super image chez nous ». « Il a parfois refusé l’obstacle, à plusieurs reprises, après les européennes ou lors des retraites. J’avais dit à Bruno que c’était le moment d’y aller, au gouvernement. Quand on fait de la politique, ce n’est pas pour voir passer le train », ajoute un autre sénateur pro Retailleau.

Fidèles à leur culture bonapartiste, mêlée de darwinisme politique, les LR auraient tendance à se tourner vers celui qui pourrait les ramener à nouveau vers la victoire. « Nous, on cherche un chef. Celui qui s’imposera de manière naturelle remportera l’adhésion », pense une sénatrice.

« Il sent bien qu’il se passe des choses. Il y a un effet Retailleau dans le pays. Je lui ai dit qu’il fallait qu’il le convertisse. Il y a aujourd’hui un alignement des planètes », avance un de ses plus fervents soutiens de la Haute assemblée. Ce sénateur LR en est sûr :

 S’il est candidat, Bruno Retailleau sera élu, très facilement. Là, il plie le match. Je sors des galettes des rois dans ma fédération. C’est lui, très largement. J’ai une certitude absolue. 

Un sénateur LR.

« Laurent Wauquiez pensait qu’il était le chef naturel. C’était sans doute vrai il y a quelque mois. Ça ne l’est plus »

« Laurent Wauquiez pensait qu’il était le chef naturel. C’était sans doute vrai il y a quelque mois. Ça ne l’est plus. Tous les sondages le démontrent », soutient un autre sénateur, à peine plus conciliant pour le patron des députés. Le même ajoute que « dans les fédérations, il y a un très net appel à dire que le mieux placé, pour être le chef, c’est Bruno Retailleau ».

Certains prennent déjà ouvertement partie pour leur ancien président de groupe, comme la sénatrice LR du Bas-Rhin, Elsa Schalck. « Je souhaite que Bruno Retailleau soit candidat à la présidence de notre famille politique. Je crois que ses qualités et ses compétences, qu’on connaît ici, sont désormais connues et identifiées par les militants et les Français, grâce à son action au ministère de l’Intérieur. Je soutiens sa candidature, s’il devait être candidat », affirme la sénatrice LR, pour qui « c’est plutôt sein, d’avoir un débat en interne. Qu’il puisse y avoir des candidatures, ce n’est pas à craindre, bien au contraire ».

Elections, sondages… « A droite, il se passe quelque chose »

Les derniers résultats électoraux, avec la législative partielle de Boulogne-Billancourt et le scrutin municipal de Villeneuve-Saint-Georges, joue sur l’atmosphère. Ils sont un signe qu’« à droite, il se passe quelque chose », pense un sénateur. « Les élections de dimanche dernier montrent que LR sont remontés sur leur vélo et peuvent essayer de monter le col du Tourmalet. Et ce n’est pas en faisant du surplace, qu’on monte un col », avance un second membre du groupe LR.

Autre élément, qui tombe opportunément bien pour le ministre de l’Intérieur : les sondages. Selon une enquête OpinionWay, certes réalisée pour Force républicaine, le petit mouvement de Bruno Retailleau, ce dernier apparaît comme la personnalité préférée pour présider LR pour 37 % des électeurs de droite, contre 15 % pour Laurent Wauquiez. Chez les sympathisants de LR, Bruno Retailleau fait 32 %, devant Xavier Bertrand (21 %) et Laurent Wauquiez (17 %). Autre sondage : celui réalisé par l’Ifop pour Valeurs actuelles, qui vient de faire sa Une avec le ministre. Bruno Retailleau y est considéré comme le leader de la droite française par 16 % des Français, devant Laurent Wauquiez (12 %) et Gérard Larcher (5 %). Chez les proches des LR, c’est en revanche plus divisé : 26 % considèrent que le leader de la droite est Bruno Retailleau contre 27 % pour Laurent Wauquiez. Suffisant pour conforter le ministre de l’Intérieur dans ses ambitions.

Reste que le risque de guerre fratricide est bien là pour les LR. « C’est pour ça que la guerre des chefs, il faut la trancher le plus rapidement possible. Il faut voter. Il y a un vainqueur et un vaincu », avance un soutien de Bruno Retailleau. Dis comme ça, c’est simple. Mais à condition « que le vote soit transparent »… Les LR n’ont pas encore épuisé les sujets de discussion.

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