En cas de censure de la loi immigration, Les Républicains proposeront de modifier « le cadre constitutionnel »
Par Hugo Ruaud
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C’est l’épilogue de la loi immigration, votée dans la douleur par la majorité au mois de décembre. Jeudi vers 16 h 30, le Conseil constitutionnel doit rendre son avis et déclarer compatibles ou non les différents articles du texte avec la Constitution de la Ve République. Plusieurs mesures sont menacées, à l’instar des restrictions du regroupement familial, de l’accès aux prestations sociales, ou encore la fin de l’automaticité du droit du sol, toutes introduites par la droite sénatoriale durant la navette parlementaire et symboles, selon la gauche, de la « victoire idéologique » de Marine Le Pen sur la majorité. En cas de censure partielle par le Conseil constitutionnel, la loi serait tout de même promulguée, mais amputée des dispositions jugées anticonstitutionnelles. Selon le député Sacha Houlié, une trentaine de dispositions pourraient être concernées. Mais rien ne dit que la décision du Conseil constitutionnel permettra de tourner la page du texte pour la majorité. Ce pourrait être au contraire le moment pour la droite et l’extrême droite, non pas de se plier à l’avis de la juridiction, mais de vouloir modifier la Constitution.
Une censure serait « un échec » pour les Français
Annie Genevard, secrétaire générale Les Républicains, annonce la couleur sur Public Sénat : il faudra « courageusement » admettre que « le cadre constitutionnel ne permet pas de traiter » l’immigration, et se mettre « autour de la table » pour « réfléchir à la façon de faire bouger les lignes en la matière ». Pour la députée du Doubs, le « double jeu » de la majorité sur l’immigration est délétère. La droite parlementaire fustige en effet « le renoncement et la lâcheté » – selon les mots d’Annie Genevard – de la majorité qui a choisi de voter la loi en utilisant le Conseil constitutionnel comme juge de paix en comptant sur la censure des articles les plus à droite. C’est ce qu’a esquissé le président de la République Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, évoquant les « éventuelles erreurs » du texte voté en décembre. En tout, quatre saisines ont été déposées sur ce texte : une saisine blanche déposée par le président de la République, une saisine formulée par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun Pivet, et deux autres saisines, déposées respectivement par les députés et les sénateurs de gauche. Une aberration selon Annie Genevard, qui considère qu’une censure, même partielle, du texte, serait « un échec pour les Français, qui plébiscitent largement les mesures votées par la droite ». Pour l’élue, une censure signifierait que « définitivement, la France ne pourrait pas recouvrer sa souveraineté en matière migratoire ».
Pas de cavalier législatif selon LR
Pour mettre la pression sur le Conseil constitutionnel et avancer leurs arguments, ils ont transmis, mi-janvier « un mémoire très précis » à l’institution « pour montrer que de notre point de vue, ces mesures ne sont pas anticonstitutionnelles », précise Annie Genevard. Car de leur côté, les adversaires de la loi immigration comptent en grande partie sur la notion de « cavalier législatif » pour contester la constitutionnalité du texte. Un « cavalier législatif » est un texte sans lien avec l’objet de la loi initialement déposée. Un argument qu’Annie Genevard trouve nul et non avenu : « Toutes les mesures que nous avons fait adopter ont une relation avec la question de l’immigration et de l’intégration, qu’il s’agisse du délit de séjour irrégulier, du titre de séjour étranger malade, de l’absence d’automaticité d’acquisition de la nationalité française », énumère l’élue. Autre argument de la secrétaire générale Les Républicains, ces mesures « ont été adoptées dans le passé, et jugées constitutionnelles », avant que la gauche ne les supprime. Aucune raison, donc, selon Annie Genevard, que le Conseil constitutionnel censure partiellement le texte. Mais Les Républicains risquent de perdre en crédibilité politique, si leur texte est désavoué par le Conseil constitutionnel. Ayant proposé puis voté des textes anticonstitutionnels, ils s’exposeraient à un procès en amateurisme. Dans cette optique, recentrer le débat sur les éventuelles lacunes de la Constitution est aussi une façon de ne pas perdre la face.