Emmanuel Macron interview sur France TV

Emmanuel Macron est-il contraint de nommer Lucie Castets Première ministre ?

Hier, le Nouveau Front populaire s’est accordé sur le nom de Lucie Castets comme candidate au poste de Première ministre. Emmanuel Macron a balayé cette candidature considérant que cela n’était « pas le sujet ». Ce matin, Lucie Castets a demandé au Président de la République « de prendre ses responsabilités et de la nommer Première ministre ». Si constitutionnellement rien ne le contraint à nommer un Premier ministre, la décision du chef de l’Etat réside dans le choix « qui lui semble le plus à même de résister à une motion de censure », selon Bastien François, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Camille Gasnier

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Un pouvoir régi par l’article 8 de la Constitution

La nomination du Premier ministre par le Président de la République est régie par l’article 8 de la Constitution, qui dispose que : « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions ». Bastien François précise que « c’est un pouvoir totalement souverain, c’est un pouvoir propre, il n’y a pas de contreseing. Cela fait partie du cœur de la mission du Président de la République ».

Si l’on suit le texte de l’article 8 de la Constitution, la nomination du Premier ministre n’est soumise à aucune condition et aucun délai. Or, le professeur précise qu’« il n’y a pas de condition juridique mais une condition politique implicite. Il faut que le Premier ministre proposé par le chef de l’Etat résiste à une motion de censure ». Pour lui, « le Président doit faire le choix du Premier ministre qui lui semble le plus à même de résister à une motion de censure ».

Quel Premier ministre et quel gouvernement ?

« Constitutionnellement rien ne le contraint » affirme Bastien François. Plus spécifiquement sur la candidature de Lucie Castets, le professeur de sciences politiques ajoute qu’Emmanuel Macron « a dit en substance qu’il ne voulait ni de cette Première ministre, ni d’un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire ». Le chef de l’Etat a en effet déclaré hier lors de son interview sur France 2 que « l’urgence du pays n’est pas de détruire ce que l’on vient de faire, mais de bâtir et d’avancer ». Or, Bastien François souligne que « jusqu’à présent, ce que propose cette Première ministre va à l’encontre de ce qu’a construit le gouvernement comme le projet d’abrogation de la réforme des retraites ou la réforme de la politique fiscale ».

L’ensemble des partis composant le Nouveau Front populaire rassemble 193 députés à l’Assemblée nationale. Cette coalition ne bénéficie donc pas d’une majorité absolue. Est-ce qu’une coalition avec une majorité relative à l’Assemblée nationale peut imposer la nomination d’un Premier ministre ? Pour Bastien François, le Nouveau Front populaire ne peut rien imposer, et quand bien même un Premier ministre et un gouvernement de gauche serait nommé « ce gouvernement de cohabitation serait assez faible au niveau du Parlement car minoritaire ».

S’il ne nomme pas Lucie Castets, le président de la République peut-il désigner une personnalité issue d’un autre groupe, qui n’est pas majoritaire à l’Assemblée nationale ? Bastien François estime qu’il en est tout à fait capable, il l’a d’ailleurs déjà fait en 2017 : « Lorsqu’Emmanuel Macron a nommé Edouard Philippe, il était encore membre du parti Les Républicains ». Laurent Wauquiez, président du groupe de la Droite républicaine à l’Assemblée nationale et Bruno Retailleau, son homologue au Sénat, ont présenté un « pacte législatif d’urgence ». Le professeur de sciences politiques estime qu’Emmanuel Macron « a envoyé des signaux très clairs à l’égard du pacte législatif de Laurent Wauquiez. Il estime peut-être à raison qu’un gouvernement de centre droit avec le soutien des Républicains a plus de chances de résister à une motion de censure ».

Hier soir, Emmanuel Macron a annoncé qu’il ne nommerait pas de Premier ministre et de gouvernement avant la fin des Jeux Olympiques. Une déclaration qui rejoint l’idée « trêve politique » voulue par le Président de la République.

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