Emmanuel Macron en avait fait l’annonce dans son long discours programmatique du 17 mars. « Sur une partie des activités les plus régaliennes, l’Etat doit reprendre du capital, ce qui va avec une réforme plus large du premier électricien français ». Élisabeth Borne l’a mentionné lors de son discours de politique générale ce 6 juillet. « Je vous confirme aujourd’hui, l’intention de l’Etat de détenir 100 % du capital d’EDF », a-t-elle déclaré devant les députés.
Actuellement, l’Etat détient 84 % du capital du groupe. 15 % appartiennent à des actionnaires institutionnels et individuels, et 1 % est à la main des salariés. Le capital avait été ouvert en 2005. Selon Élisabeth Borne, cette prise de contrôle sur la totalité du capital permettra à EDF « de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique ».
Emmanuel Macron avait promis la construction de nouveaux réacteurs nucléaires (six EPR et la mise à l’étude de huit autres), avec une mise en service espérée à l’horizon 2037. La facture de ce programme, pour les seuls six réacteurs de deuxième génération, est évaluée à 52 milliards d’euros.
Lesté d’une dette de 42 milliards d’euros, l’électricien doit faire face à d’immenses chantiers et de lourdes charges financières. Le 18 mars, EDF avait annoncé une recapitalisation, à hauteur de 3,1 milliards d’euros, visant à « renforcer la flexibilité financière du groupe ». L’Etat s’était engagé à participer à l’opérateur à hauteur de 2,6 milliards d’euros.
« Cette annonce ne dit rien en réalité sur le projet »
Du côté du Sénat, l’annonce gouvernementale suscite des questions. « C’est une annonce qui peut rassurer certains acteurs, comme les salariés ou les syndicats, mais une nationalisation pour faire quoi ? Quels en sont les impacts ? Quel est le projet derrière ? » s’interroge la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas (LR). « Peu importent les moyens, ce qui compte, ce sont les objectifs. »
La sénatrice évoque notamment le « mur d’investissements » qui attend EDF, l’avenir de ses capacités de production, ses projets de restructuration et les relations entre le groupe et ses concurrents. « Il y a des problématiques très lourdes […] Je n’ai pas compris pourquoi l’Etat allait racheter ces 15 % du capital. » Si ce n’est une raison sans doute politique. « C’est un peu une annonce destinée à l’aile gauche. Il fallait donner des gages. »
Mêmes questionnements de la part du sénateur communiste Fabien Gay. « Cette annonce, dans le contexte actuel, ne dit rien en réalité sur le projet », nous explique-t-il. « Si vous dites renationaliser sans faire un service public de l’énergie, sans sortir de l’Arenh [le système permettant aux autres fournisseurs de s’approvisionner auprès d’EDF, ndlr] et du marché européen de l’électricité, ça ne changera rien en réalité », peste le sénateur de Seine-Saint-Denis. « Il n’y a pas de remise en cause du dogme du marché, qui a conduit EDF à la situation dans laquelle elle est aujourd’hui. » Le parlementaire avait été l’un des fers de lance au Sénat contre le projet de réorganisation de l’électricien, le projet Hercule.