Chateauneuf sur Isere: Jean-Luc Melenchon at the 3rd day of the Amfis summer university LFI

Elections sénatoriales 2023 : pourquoi LFI présente des candidats partout au dernier moment ?

Faute d’accord avec les autres formations de gauche, LFI présente des candidats aux sénatoriales dans tous les départements. Ils veulent porter « le programme de la Nupes » et accusent les autres de chercher leur « éradication ». PS, PCF et EELV reprochent à LFI de jouer les trouble-fêtes, avec des candidats qui risquent surtout de faire perdre, au final, des sièges à la gauche.
François Vignal

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Le printemps est passé depuis longtemps. Pourtant, les listes LFI pour les sénatoriales ont bourgeonné ces derniers jours. Les candidatures de La France Insoumise (LFI) se sont en effet multipliées dans la dernière ligne droite qui précède le scrutin du 24 septembre, où la moitié des sièges du Sénat sera renouvelée dans une quarantaine de départements. Certains se sont déclarés il y a seulement quelques jours, au moment du dépôt officiel des listes en préfectures.

« Je l’ai appris la semaine dernière, comme partout », raconte le président du groupe PS Patrick Kanner, candidat à son renouvellement dans le Nord. Il devra faire face à la liste LFI menée… par le député Ugo Bernalicis. La presse quotidienne régionale s’est faite l’écho de ces listes, comme en Loire-Atlantique, dans le Lot-et-Garonne ou dans le Val-de-Marne. Même chose dans les Hauts-de-Seine. Le tout en portant en étendard « le programme de la Nupes », sans que ses autres membres soit présents.

Lire aussi >> Sur la route des sénatoriales dans le Nord, la multiplication des listes crée la confusion

La gauche unie… sans LFI

Le reste de la gauche part pourtant unie dans plusieurs départements. Mais sans LFI. Socialistes, EELV et PCF ont conclu un accord national, assurant une liste commune. Des listes autonomes, ainsi que des listes dissidentes, existent cependant encore dans plusieurs circonscriptions. Malgré quelques discussions avec les Insoumis, rien n’a été conclu avec eux. La faute, explique les autres formations de gauche, à leur faiblesse, en termes grands électeurs, ceux qui élisent les sénateurs. LFI a en effet très peu de mairies et pèse, de fait, très peu dans ce mode de scrutin indirect.

Une faiblesse que LFI a en tête. « On est un mouvement très récent, ce qui explique notre faible implantation. Mais nous franchissons une étape. C’est essentiel pour nous de fédérer des élus locaux, de structurer ce réseau d’élus », explique ce lundi le député Paul Vannier, responsable des élections de LFI.

LFI faisait une demande « très modeste : avoir une place éligible »

L’absence d’accord a visiblement laissé des traces. Le Monsieur élections des Insoumis explique ce choix de « présenter des listes LFI dans tous les départements » par la volonté de ne pas « laisser faire notre éradication, car c’est le but des appareils socialistes, écologistes et communistes, qui se sont entendus pour nous écarter de la discussion et tout faire pour nous empêcher d’entrer au Sénat ». Il insiste :

 Il y a eu un accord au plus haut niveau entre PS, écolos et communistes, ils se sont organisés pour nous barrer la route. 

Paul Vannier, responsable des élections de LFI.

Paul Vannier rappelle que leur demande était « très modeste : avoir une place éligible, de conquête, sur la droite. On visait la 5e place sur la liste du Nord ou la seconde dans le Puy-de-Dôme. Dans ce département, c’était très avancé et les appareils se sont rempliés sur eux-mêmes », soutient le responsable des élections des Insoumis, qui pense que ce choix « va coûter des sièges de sénateurs à la gauche. Car si nous étions ensemble, on pouvait progresser ».

Résultat : on compte au total plus de 170 candidats (listes proportionnelles et majoritaires incluses) estampillés LFI, soit plus que les socialistes, qui laissent de la place à des divers gauche ou leurs alliés. Pas de quoi pourtant faire de miracle. « Il n’y aura aucun sénateur LFI au Sénat », prédit Patrick Kanner, « ils sont là pour témoigner ». « Il n’y pas d’intergroupe Nupes au Sénat », rappelle au passage le président du groupe PS. « Ça n’empêche pas les trois groupes de travailler ensemble. On a une institution qui permet le travail, la collaboration de tous les sénateurs de gauche. Ça s’appelle la buvette », sourit de son côté Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine.

« Je regrette un peu l’usage de la Nupes, comme si LFI en était détenteur »

En voyant les listes LFI apparaître, Patrick Kanner a été surpris, en voyant leurs documents de campagne : « Ils utilisent le logo de la Nupes. Et à la fin, on voit que ce sont des LFI. On joue la confusion des genres, mais les grands électeurs ne vont pas être dupes, ils ne sont pas Nupes ! »

« Je regrette un peu l’usage de la Nupes, comme si LFI en était détenteur, alors que c’est l’ensemble des organisation de gauche et écologistes qui l’ont fait. Cet accaparement est un peu curieux », juge aussi le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard, tête de liste dans son département de l’Isère, aux côtés du PCF, du PS, mais sans LFI. Les Insoumis sont pourtant présents à la mairie de Grenoble, dans la majorité d’Eric Piolle. « Chez moi en Isère, la porte est restée ouverte jusqu’au dernier moment. J’ai pris soin d’appeler le responsable LFI pour lui demander s’il était sûr », raconte Guillaume Gontard. « Mes adversaires, ce n’est certainement pas LFI, mais la droite et l’extrême droite », continue le sénateur écolo. « Dans l’idéal, j’aurais trouvé normal que LFI ait un ou deux sénateurs », ajoute Guillaume Gontard, « mais on ne peut pas être sur les rancœurs et les petites querelles de chapelle. Je peux comprendre, mais il faut passer outre ».

« Nous n’avons pas voulu mettre le logo de la Nupes », corrige le député Paul Vannier, « mais nous revendiquons de défendre et de porter le programme de la Nupes. Nous invitons les grands électeurs, qui souhaitent un vote politique, à exprimer leur volonté de voir s’approfondir la Nupes ». Il continue :

 On n’accapare rien du tout. On fait vivre la Nupes. 

Paul Vannier, responsable des élections de LFI.

« Dans le programme de LFI, il y a toujours la suppression du Sénat », souligne Patrick Kanner

Alors que les Insoumis entendent défendre ce programme issu des législatives, Pierre Ouzoulias relève que « dans le programme de la Nupes, le Sénat n’y est jamais mentionné », constate le sénateur des Hauts-de Seine. Mieux : « Pendant très longtemps, LFI a défendu la suppression du Sénat. Je comprends maintenant qu’ils souhaitent y être. Mais ils devraient nous dire pourquoi ils ont changé… » « Dans le programme de LFI, il y a toujours la suppression du Sénat », renchérit le socialiste Patrick Kanner.

Ce projet est en effet toujours dans les tuyaux. L’Avenir en commun, le programme de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2022, défendait le « remplacement du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental par une Assemblée du long-terme, compétente sur l’aspect écologique et social des lois ». L’idée n’a pas disparu du logiciel Insoumis. « On aspire à une VIe République », rappelle Paul Vannier, « et nous pensons que le système actuel doit être dépassé. L’Assemblée dans sa forme actuelle doit aussi évoluer, comme la présidence de la République. Ce sont l’ensemble des institutions que nous appelons à changer. Le Sénat également ». Être une chambre du temps long « pourrait être le rôle » de ce Sénat réformé. Il s’agit donc de transformer la Haute assemblée, qui ne serait plus une assemblée de plein exercice qui légifère sur l’ensemble des sujets. « Nous appelons à la suppression de la présidence de la République, mais ça ne nous empêche pas de nous présenter à la présidentielle », insiste Paul Vannier.

« Ce sont des votes qui ne vont pas servir à grand-chose, ça crée la dispersion »

La conséquence la plus concrète des candidatures LFI, c’est surtout le risque de faire perdre quelques plumes à l’ensemble de la gauche. Aux sénatoriales, la dispersion peut faire perdre un siège, qui se joue parfois à dix voix…

« Ce sont des votes qui ne vont pas servir à grand-chose. Ça crée la dispersion et la confusion », pointe Patrick Kanner. Dans son département du Nord, c’est le sénateur communiste Eric Bocquet qui risque d’en faire les frais. S’il espère avoir deux sièges, les voix LFI pourraient lui manquer le soir des résultats. Pas sans conséquence, quand on sait que le groupe communiste du Sénat est potentiellement menacé, même si ses membres espèrent bien le conserver.

Manquer un siège de peu, c’est ce que craint aussi Pierre Ouzoulias. C’est l’élue EELV Catherine Candelier, sa seconde de liste, qui en paierait ici le prix :

 Ça peut faire perdre des sièges. Dans les Hauts-de-Seine, le deuxième poste peut se jouer à une dizaine de voix près. Et si LFI fait 15 ou 30 voix, ça peut nous priver d’une deuxième sénatrice. 

Pierre Ouzoulias, sénateur PCF.

« On sait très bien que LFI n’aura pas d’élu. Donc le seul but, sera de fragiliser la gauche et les écologistes et faire perdre, au bout du compte », regrette également Guillaume Gontard, qui évoque « deux ou trois sénateurs de gauche et écologistes » en moins.

« On avait proposé un accord avec les communistes et ils ont refusé »

LFI récuse toute responsabilité de son côté. « Qui est responsable de cette situation ? » rétorque Paul Vannier. « On a appelé jusqu’au dernier jour au rassemblement autour du programme de la Nupes. La question doit être posée aux responsables de cet éparpillement », répond le député LFI, qui souligne qu’« on avait proposé un accord avec les communistes et qu’ils ont refusé ». Le responsable des élections pointe dans cette brouille « deux principaux responsables : les communistes et les socialistes », regrettant que « le PS n’ait fait aucun effort pour atteindre l’union, en tant que force centrale aux sénatoriales. Il était dans la position qui était la nôtre, il y a un an, aux législatives ».

Les difficultés sur une autre élection, les européennes, n’ont sûrement rien arrangé non plus. Chacun risque de partir de son côté en juin. LFI assure vouloir encore l’union. « Nous sommes prêts à confier à une autre organisation le soin d’incarner une campagne commune, avec l’écologiste Marie Toussaint », lance Paul Vannier, pour preuve de sa volonté. Il y voit une réponse à ceux qui vont jusqu’à imaginer que Jean-Luc Mélenchon chercherait, au fond, à faire couler la Nupes pour mieux la jouer solo à la présidentielle. « Le complotisme nuit toujours à l’analyse. Franchement, qui propose de faire vivre la Nupes ? C’est absurde et grotesque » pour le député LFI. Un autre élu d’un parti allié de la Nupes doute de la bonne foi des Insoumis. « Tout est fait, non pas pour créer un collectif, mais pour permettre à Jean-Luc Mélenchon d’accéder au pouvoir », selon cet élu. A ce rythme, les discussions pour les municipales 2026 vont être sympathiques…

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