La raison plutôt que la division. Trois semaines après un premier constat d’échec, les négociations entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts ont finalement abouti en vue des élections sénatoriales du 24 septembre prochain. Le PS et EELV sont en effet parvenus à un accord national sur des listes communes pour ce scrutin où la moitié des sièges du Sénat sera renouvelée. Avec l’accord déjà conclu entre le PS et le PCF sur 15 départements, c’est donc une union de tous les groupes de gauche représentés au Sénat qui se profile.
« Tirer vers le haut l’ensemble des forces de gauche pour faire progresser toute la gauche au Sénat »
Un bureau national du PS a validé mardi soir, à l’unanimité, cet accord électoral qui porte sur 14 départements. Autrement dit, l’accord national n’est pas tout à fait national, car il ne concerne pas tous les départements renouvelables, qui sont au nombre de 44, dont 38 en métropoles. Dans le Nord ou le Pas-de-Calais par exemple, département ou le RN peut espérer gagner un siège, chacun part de son côté. Mais l’union a parfois moins de sens dans certains départements, du fait du mode de scrutin. « Si on prend l’accord global avec le PCF, il contient une grande majorité des départements au scrutin proportionnel », souligne Pierre Jouvet, secrétaire général du PS et chargé des élections.
Pour le responsable du PS, qui a piloté les négociations, c’est « un accord historique pour nos formations politiques », alors que « dans le passé, on a eu tendance à être divisés à gauche, […] à se faire perdre parfois les uns les autres ».
« Nous avions la volonté politique non-seulement de faire progresser le groupe PS au Sénat, en le maintenant comme le deuxième groupe de tous les groupes politiques au Sénat, mais aussi d’arriver à tirer vers le haut l’ensemble des forces de gauche pour faire progresser toute la gauche au Sénat », soutient Pierre Jouvet. Il ajoute :
A Paris, « Olivier Faure a fait le choix, en responsabilité, d’aller au-delà des querelles d’appareil »
Pierre Jouvet a donné la liste des départements où l’accord est de mise : Indre-et-Loire, Loire, Loiret, Puy-de-Dôme, Isère, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Yvelines, Oise et Paris. Dans la capitale, un conflit opposait la direction à la fédération de Paris, proche d’Anne Hidalgo. Mais « Olivier Faure a fait le choix, en responsabilité, de proposer non-seulement ce rassemblement de toute la gauche, et d’aller au-delà des querelles d’appareil […] pour ne pas diviser, fracturer les socialistes », avance Pierre Jouvet, surtout après « un congrès difficile » (voir notre article pour plus de détails). La volonté de faciliter un accord avec les écolos n’est pas non plus pour rien dans cette issue.
Si le Monsieur élections du PS cite aussi le Val-de-Marne dans l’accord, il précise quelques minutes plus tard qu’en réalité, « la situation n’y est pas tranchée de manière définitive. […] Les discussions peuvent continuer localement. A ce stade, le PS garde les places 2 et 3 de la liste », précise Pierre Jouvet, qui soutient qu’EELV « continue de travailler et de s’engager à ce qu’il n’y ait pas de liste autonome dans le Val-de-Marne, s’il n’ a pas d’accord ». Pour l’heure, le sortant EELV Daniel Breuiller a annoncé faire sa propre liste.
Patrick Kanner se « félicite qu’il y ait un accord entre les partis qui sont représentés au Sénat. Il y a une logique »
S’il reste des départements à régler, l’idée de l’union est là. Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, se « félicite » évidemment « qu’il y ait un accord entre les partis politiques qui sont représentés chacun au Sénat. Il y a une logique ». « J’ai toujours considéré qu’un accord devait être gagnant-gagnant, devant nous permettre de gagner des postes sur la droite et pas entre nous ».
Du côté d’EELV, l’accord doit encore être présenté en bureau exécutif demain. « C’est une très bonne nouvelle », salue Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat, qui n’est pas membre d’EELV. « J’ai toujours appelé à ce qu’on arrive à se rassembler. Il y a une logique, et encore plus forte avec l’actualité, où on a particulièrement besoin de s’unir car il y a des enjeux forts qui vont se dessiner, avec une droite qui se durcit ».
« Certains départements ont été un peu sortis de l’accord, où on n’a pas encore trouvé de solution »
Reste que « certains départements ont été un peu sortis de l’accord, où on n’a pas encore trouvé de solution », reconnaît le sénateur de l’Isère. Il s’agit du Morbihan, où le sortant EELV Joël Labbé ne se représente pas. Le parti écologiste a désigné une candidate, Thérèse Thiéry, la sœur de Jean-Yves Le Drian, quand le PS a désigné Simon Uzenat. Même échec des « négos » en Loire-Atlantique, où le sortant écologiste Ronan Dantec mène sa liste, face à deux listes d’un PS divisé localement.
Pour son département de l’Isère, les trois partis se sont donc entendus. Guillaume Gontard mènera la liste, il sera suivi de la communiste Frédérique Pénavaire, et à la troisième place par le socialiste Erwann Binet, ancien député qui avait été rapporteur du mariage pour tous. L’ancien secrétaire d’Etat socialiste, André Vallini, ne se représente pas. Sur le papier, les deux premières places sont gagnables, mais Guillaume Gontard a l’espoir « d’aller chercher cette troisième place ».
« Les trois composantes représentées au Sénat se sont accordées pour évincer les insoumis », dénonce LFI
Tout est bien qui finit bien ? Pas tout à fait. Car il manque une composante de la gauche : La France Insoumise. Si le parti de Jean-Luc Mélenchon est le premier groupe de gauche à l’Assemblée, il n’a aucun sénateur. Et pour cause : LFI ne pèse rien, ou presque, dans les communes, alors que 95 % du corps électoral est issu des conseillers municipaux. Sans un coup de pouce du reste de la gauche, LFI ne peut faire élire seul un sénateur (lire notre article pour plus de détails).
LFI demandait de pouvoir envoyer au moins un élu au Palais du Luxembourg, en cas d’un accord. Se sentant aujourd’hui exclu, le parti a vertement dénoncé l’accord dans un communiqué au titre évocateur : « PS, PCF et EELV enterrent la NUPES pour les sénatoriales de 2023 »… « Les trois composantes représentées au Sénat se sont accordées pour évincer les insoumis. Elles passent entre elles un accord a minima, portant sur moins d’un tiers des départements concernés par les prochaines élections sénatoriales », dénonce LFI, qui note par exemple que dans le « Nord, le choix de la division pourrait ouvrir la voie à l’élection de sénatrices et de sénateurs d’extrême droite ». Et d’ajouter : « Nous constatons que la tentation hégémonique l’emporte sur la volonté de faire vivre notre rassemblement ».
« Ces élections sénatoriales marquent donc un retour en arrière. Le retour de la gauche qui fait passer les intérêts de ses appareils avant l’intérêt du peuple. Elles témoignent de l’incapacité de ceux qui réclament le « rééquilibrage » de la NUPES à la faire vivre et de leur soumission à la gauche anti-NUPES », s’emporte LFI.
« La volonté n’était pas d’écarter LFI », assure Pierre Jouvet, qui rappelle la faible poid du parti localement
Un procès contre lequel s’inscrit en faux Pierre Jouvet. « La volonté n’était pas d’écarter LFI », assure le responsable du PS, qui rappelle simplement que « pour gagner, il faut des élus, il faut des mairies », « jamais on fait un accord pour se faire plaisir ». Il « maintient » ses propositions faites à LFI, qui concerne « les sénateurs représentant les Français de l’étranger, avec la 2e place sur la liste », derrière la sortante PS « Hélène Conway-Mouret », ou encore une union « dans le Jura », département au scrutin uninominal, car n’élisant que deux sénateurs. « Est-ce que ça veut dire que c’est terminé la Nupes ? Que c’est un coin que vous voudrions mettre dans la Nupes ? La réponse est non », assure Pierre Jouvet, qui pour tenter de montrer sa bonne foi, appelle à « poursuivre ce rassemblement des forces de gauche et écologistes avec un objectif : un candidat commun pour la présidentielle de 2027 ». Bref, « chacun doit retrouver son calme et on va continuer à discuter ». Mais pour les sénatoriales, LFI risque de devoir attendre encore un peu avant de passer la porte du Palais du Luxembourg.