VOX convention brings together the European extreme right in Madrid – 19 May 2024

Élections européennes : pour le Rassemblement national, la difficile recherche d’alliances au Parlement européen

Largement en tête des sondages en France, le parti de Jordan Bardella pourrait rencontrer des difficultés pour se faire une place au Parlement européen après les élections du 9 juin. Entre conflits partisans et divergences idéologiques, l’extrême droite européenne est en pleine recomposition.
Rose Amélie Becel

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Selon des projections réalisées mi-mai par EuropeElects, à l’issue des élections européennes, le Rassemblement national pourrait occuper 29 sièges au Parlement européen. Un tel score serait une victoire pour la liste de Jordan Bardella, qui siège actuellement avec 17 autres eurodéputés au sein du groupe Identité et démocratie (ID), mais aussi le début des ennuis. Car, pour constituer un groupe à Bruxelles, il faut au minimum 23 membres mais aussi rassembler des députés d’au moins sept nationalités différentes.

« Aujourd’hui, si on regarde la composition du groupe Identité et démocratie, ils réunissent tout juste sept pays. Et certaines nationalités ne comptent qu’un eurodéputé dans le groupe : l’Estonie, le Danemark et la République tchèque. Il suffirait qu’un seul de ces élus ne soit pas reconduit pour potentiellement mettre le groupe en péril », explique le maître de conférences en science politique et spécialiste des partis européens Francisco Roa Bastos.

« En écartant l’AFD, l’enjeu pour Marine Le Pen c’est aussi de poursuivre sa démarche de dédiabolisation »

Jusqu’à très récemment, le groupe ID comptait encore huit nationalités dans ses rangs. Mais, le 21 mai, le Rassemblement national a décidé d’écarter les Allemands de l’AFD de son alliance. En cause : le chef de file du parti, Maximilian Krah, déjà englué dans plusieurs affaires est devenu infréquentable après avoir déclaré que tous les membres des SS ne pouvaient pas être considérés « automatiquement comme des criminels ». Un choix qui pourrait considérablement affaiblir le groupe d’extrême droite, comme le soulevait Maximilian Krah lui-même, dans un entretien au quotidien italien La Repubblica, quelques jours avant son éviction : « Si nous sommes expulsés, je doute qu’ils parviendront à atteindre le nombre de sept pays requis pour former un groupe. »

En rompant avec la frange la plus radicale de l’extrême droite européenne, le Rassemblement national espère toutefois se faire de nouveaux amis. « Le groupe Identité et démocratie reste largement exclu du travail parlementaire, car la notion de cordon sanitaire face à l’extrême droite est encore une réalité au Parlement européen. En écartant l’AFD, l’enjeu pour Marine Le Pen et le RN c’est aussi de poursuivre sa démarche de dédiabolisation », observe Francisco Roa Bastos.

Gilles Pennelle, élu RN au Conseil régional de Bretagne et en quinzième position sur la liste de Jordan Bardella, est en effet optimiste sur la possibilité pour son parti de constituer de futures alliances. « Je pense au contraire que notre groupe sera plus important après le 9 juin. Ce qu’il s’est passé avec l’AFD permet de libérer le dialogue avec d’autres nations », estime-t-il, ajoutant que les discussions en vue de rapprochements avec plusieurs partis européens sont d’ailleurs « déjà entamées ».

Bientôt un « super-groupe » d’extrême droite au Parlement européen ?

Signe que des tractations sont en cours, Marine Le Pen était présente à Madrid ce 19 mai, avec de nombreuses autres figures de l’extrême droite européenne, à l’occasion d’un meeting de Vox. Au Parlement européen, le parti espagnol siège pourtant dans un autre groupe : les Conservateurs et réformistes (ECR), formation aussi classée à l’extrême droite. Né en 2009 d’une scission des conservateurs britanniques avec la droite européenne, le groupe ECR est aujourd’hui dominé par les eurodéputés du parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia.

Un potentiel allié de poids pour le Rassemblement national, qui multiplie les tentatives de rapprochement avec la présidente du conseil italien. Questionnée par le quotidien italien Corriere della Sera quelques jours après le meeting de Madrid, Marine Le Pen appelait d’ailleurs explicitement Meloni à conclure une alliance, pour constituer un « super-groupe » : « C’est le moment de s’unir. Si nous réussissons, nous pourrons devenir le deuxième groupe au Parlement européen ». Selon les projections d’EuropeElects, une alliance entre les groupes ECR – qui pourrait compter jusqu’à 80 eurodéputés – et ID – qui pourrait obtenir 66 sièges – permettrait en effet à cette nouvelle formation d’extrême droite de passer devant le groupe des socialistes et démocrates.

« Même si deux groupes séparés peuvent former des alliances de circonstance sur un texte particulier, avoir un seul groupe plus gros permet de bénéficier d’avantages institutionnels. Plus on est nombreux, plus on peut obtenir des positions importantes au Parlement, plus le budget est conséquent, plus les temps de paroles sont importants », explique Francisco Roa Bastos.

« Conserver deux groupes distincts, c’est une stratégie qui reste intéressante pour Giorgia Meloni »

S’il représenterait de nombreux avantages pour les eurodéputés qui y siègeront, il n’est pas encore certain que ce « super-groupe » européen d’extrême droite puisse voir le jour, nuance tout de même le maître de conférences en science politique : « Certains pays ne comptent qu’une seule formation d’extrême droite, c’est le cas des Pays-Bas ou de l’Espagne. Mais il y a aussi des États où les tensions internes sont fortes, en Belgique, ou en France ». S’il n’est pas encore certain d’obtenir des sièges au Parlement européen, le parti Reconquête, emmené par Marion Maréchal, cherche en effet à concurrencer le Rassemblement national lors de ces élections.

Des tensions politiques qui n’empêcheront pas une éventuelle alliance, affirme pour autant Gilles Pennelle : « Si Reconquête a des élus, ce qui n’est pas encore acquis, ils seront seulement quatre ou cinq. Je ne vois pas comment leur présence pourrait poser un problème dans un groupe aussi grand ». Reste de potentielles divergences idéologiques entre les deux formations, qui persistent malgré les tentatives de rapprochement. « La question du soutien à l’Ukraine et de la participation active à l’OTAN est un sujet sensible. Les partis rattachés au groupe ID restent plus modérés que le groupe ECR sur cette question », analyse Francisco Roa Bastos.

Autant de sujets de tensions qui compliquent la perspective d’une alliance, alors que le parti de Giorgia Meloni est également courtisé par la droite européenne du PPE. Lors de son premier débat de campagne, l’actuelle présidente de la Commission Ursula von der Leyen, qui brigue un second mandat après le 9 juin, a en effet laissé la porte ouverte à une alliance avec ECR. « Conserver deux groupes d’extrême droite distincts au Parlement, c’est une stratégie qui reste intéressante pour Giorgia Meloni. Elle se retrouverait alors en position de pivot, avec un groupe ECR capable de souffler le chaud et le froid sur le Parlement européen en fonction des textes », estime Francisco Roa Bastos. Une stratégie qui ne ferait pas les affaires du Rassemblement national. Malgré un score historique en France, il pourrait une nouvelle fois se voir marginaliser à Bruxelles.

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