Paris: JL Melenchon Marche NUPES contre la vie chere

Élections européennes : à gauche, l’impossible rassemblement

L’hypothèse d’une liste commune à gauche pour les élections européennes de 2024 s’éloigne de plus en plus. Malgré les appels du pied de la France insoumise, EELV, le PS et le PCF entendent conduire des listes indépendantes. Au-delà des différences programmatiques qui fracturent la gauche, les européennes sont aussi une occasion pour les petits partis de reprendre du poil de la bête et de bousculer le rapport de force au sein de la Nupes.
Romain David

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Le Parti socialiste fera cavalier seul aux européennes. Le parti à la rose a entériné mardi soir le principe d’une liste autonome pour le scrutin des 6 et 9 juin prochains, à travers un texte d’orientation stratégique adopté à l’unanimité du bureau national, mais qui doit encore être soumis à un vote des militants le 5 octobre. Cette décision vient nourrir encore un peu plus l’émiettement de la gauche à l’approche de cette élection, malgré les efforts de la France insoumise pour construire une liste Nupes, dans le prolongement de l’accord électoral construit autour des dernières législatives. De leur côté, Europe Ecologie – Les Verts et le Parti communiste ont désigné leurs têtes de liste respectives avant la coupure estivale.

Le PS constate que « les questions européennes et internationales » restent un point important de divergence que la gauche n’a pas encore su dépasser, entre des insoumis et des communistes très critiques vis-à-vis des accords européens, qui appellent à une reprise en main de la souveraineté nationale, et des écologistes et des socialistes plus nuancés sur la question. Si la gauche s’est renforcée ces dernières années, paradoxalement l’élargissement très important de l’offre politique de ce côté de l’échiquier est aussi devenu un frein à l’unité. Toutefois, le PS prend soin de préciser que la constitution d’une liste autonome ne signe pas la fin de « la stratégie de rassemblement » à gauche, qui reste un levier « nécessaire » pour permettre l’alternance.

Un PS miné par les tensions internes

Pour autant, l’adoption de ce texte stratégique ne semble pas effacer les déchirements du parti sur la stratégie d’union. Ce lundi sur X (anciennement Twitter), le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, principal opposant à la ligne d’Olivier Faure, le premier secrétaire, s’est félicité du retour d’« une gauche pro-européenne, claire sur l’Ukraine, sans alliance de la carpe et du lapin ». Réponse cinglante du patron du PS dans un post : « Personne ne t’a rejoint. Il faut arrêter de trahir les décisions collectives en leur donnant tes interprétations qui contredisent tous nos débats. » L’ambiance reste donc à couteaux tirés entre les pro-Nupes et les anti-LFI.

LFI toujours à la recherche de l’union mais écarte l’hypothèse Ségolène Royal

Ce mercredi, Jean-Luc Mélenchon a reproché aux socialistes de sacrifier le rassemblement à leurs querelles internes. « Sectaire aux sénatoriales, diviseur aux européennes, le PS fait payer à toute l’union populaire le prix de ses synthèses internes. Mais elles finissent elles aussi en guerre de clans. Incorrigible », a-t-il cinglé, également sur X. Le tribun estime que pour être efficace, la stratégie d’union doit s’appliquer à chaque élection. Pourtant, chez LFI aussi l’heure était à la clarification cette semaine. Le mouvement a « remercié » dans un communiqué publié mardi Ségolène Royal, qui avait affirmé le 25 août, en marge des universités d’été du mouvement, travailler à la constitution d’une liste d’« union » à gauche. La déclaration de l’ancienne candidate à la présidentielle, attendue comme chroniqueuse à la rentrée dans « Touche pas à mon poste » sur C8, a nourri certains remous en cette fin d’été.

« On nous a attribué l’intention […] de former une liste de la France insoumise ayant à sa tête Ségolène Royal. Ce n’est pas ce que nous avons dit et ce que nous disons », rectifie LFI, tout en félicitant l’ancienne candidate à la présidentielle pour son initiative. « C’est une attitude utile de sa part. Elle a permis de rouvrir le débat qui semblait clos ». In fine, c’est Manon Aubry, cheffe de file des insoumis au Parlement européen, qui sera officiellement chargée de « coordonner la campagne pour l’union en France et au Parlement européen ». À croire que Ségolène Royal, qui n’a plus occupé de mandat électoral depuis près de dix ans, et qui a défrayé la chronique ces derniers mois en mettant en doute les crimes de guerre russe commis en Ukraine, était une figure trop clivante pour jouer les chevilles ouvrières. LFI, en tout cas, ne désespère pas de rassembler les forces de gauche d’ici juin prochain.

Une gauche sans locomotive

Mais les sondages n’appuient pas nécessairement cette démarche. Une liste d’union PS-LFI récolterait 11 % des voix, contre 10 % (LFI) et 9 % (PS) en cas de listes séparées, selon une enquête de l’Ifop en partenariat avec le JDD, publiée le 4 septembre. Soit une déperdition de près de huit points, qui profiterait partiellement aux communistes (+ 1 point) et aux écologistes (+ 2 points) mais aussi aux macronistes (+2 points). « Aucune liste n’émerge au-dessus de 11 %, score dont serait créditée une liste rassemblant la France insoumise et le Parti socialiste derrière Ségolène Royal. Dans tous les cas, la gauche rassemble au mieux un tiers des suffrages sur plusieurs listes dispersées, aucune ne parvenant à s’imposer par rapport aux autres (insoumis, socialistes et écologistes se trouvant systématiquement au coude-à-coude », relève l’institut. La gauche réaliserait ainsi un score global assez proche de celui de 2019.

Pour le politologue Frédéric Dabi, directeur général Opinion de l’Ifop, la déperdition des voix enregistrées par la liste d’union s’explique en partie par la personnalité de Ségolène Royal – option retenue par cette enquête -, « incarnation d’une autre époque et pouvant être perçue comme cherchant à tout prix à revenir », mais plus largement encore « par les divergences de points de vue idéologiques très fortes entre l’électeur socialiste et l’électeur insoumis ». « 77 % des électeurs de Manon Aubry (LFI) sont prêts à se reporter sur la liste d’union, mais ils sont moins de 50 % du côté des électeurs socialistes », précise le sondeur à Public Sénat.

Reprendre la main

En appelant à cor et à cri au rassemblement, LFI espère pourtant conjurer ses mauvais résultats de 2019 et profiter malgré tout d’une dynamique d’union. Lors des dernières européennes, le parti de Jean-Luc Mélenchon n’avait réuni que 6,31 % des suffrages, à peine plus que le PS, – une véritable déconvenue après avoir frôlé les 20 % à la présidentielle, – alors que les derniers sondages avant le vote leur accordaient entre 7,5 et 9 % des voix. Inversement, c’est une élection traditionnellement favorable à certaines formations, notamment EELV. « La division est inhérente au scrutin européen. Dans l’histoire de cette élection, il n’y a eu que très peu d’alliances, que ce soit à droite ou à gauche. C’est un scrutin de marque partisane, il est naturel que les partis partent séparés pour se compter », remarque encore Frédéric Dabi.

« L’élection se faisant à la proportionnelle, elle permet à chacun de montrer les muscles et de se jauger », détaille Jean-Philippe Dubrulle, directeur de clientèle au pôle opinion de l’Ifop. « Les uns et les autres font le pari de faire un score. Raison pour laquelle les verts, qui ont rassemblé 13,48 % des voix en 2019, ont annoncé très tôt leur intention de partir en solo. À l’arrivée, le résultat devient un argument de négociation dans un contexte d’accord ». Les élections européennes pourraient donc aboutir à un rééquilibrage du rapport de force au sein de la Nupes, c’est du moins ce que peuvent espérer les différents signataires de l’accord, contraints il y a un an de s’aligner derrière l’hégémonie de LFI. « Pour le PS, exister aux européennes est même un enjeu de survie », note encore Jean-Philippe Dubrulle. « Une manière de contrer le risque de satellisation ».

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