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Education : Pap Ndiaye, un « ministre empêché »

En difficulté depuis sa nomination rue de Grenelle il y a un an, Pap Ndiaye pourrait faire les frais d’un prochain remaniement. Mixité scolaire, port des signes religieux à l’école, revalorisation des enseignants, lutte contre le harcèlement… Autant de dossiers où le ministre de l’Education peine à imprimer sa marque.
Simon Barbarit

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A la Haute assemblée, certains n’hésitent pas à parler de Pap Ndiaye au passé. « C’était un ministre de l’Education avec de fortes convictions, mais elles ont été entravées. J’ai une formule pour ça, c’est un ministre empêché », regrette le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias.

A peine plus d’un an après sa nomination, Pap Ndiaye fait partie des ministres pressentis pour prendre la porte en cas de remaniement. Son arrivée rue de Varenne avait été une surprise, perçue comme un signe d’ouverture à gauche. Un nouveau souffle aussi pour le monde enseignant après le « quinquennat » de Jean-Michel Blanquer, détenteur du record de longévité pour un ministre de l’Education sous la Ve République, dont la méthode était perçue comme trop raide par les personnels. Le monde éducatif avait fini par se braquer face aux nombreuses circulaires, vade-mecum et autres « guides » du ministère, synonymes de freins à la liberté pédagogique et à l’autonomie des établissements. « La nomination de Pap Ndiaye a effectivement eu pour effet d’apaiser les salles de profs qui étaient en ébullition, malmenées par la méthode trop verticale de Jean-Michel Blanquer », reconnaît le sénateur LR, Max Brisson.

« C’est quelqu’un de très ouvert qui prend le temps de discuter avec les élus après les questions d’actualité au gouvernement », complète Pierre Ouzoulias.

« Le vrai ministre de l’Education nationale est à l’Elysée »

Dans son bref discours lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur, Pap Ndiaye avait d’ailleurs dédié « ses premières pensées au monde enseignant qui est le mien depuis toujours ». Mais très vite, l’universitaire a semblé être sous tutelle de l’exécutif. Son premier déplacement à Marseille, pour constater l’avancée du projet « école du futur » faisant la part belle à « des projets pédagogiques innovants », est effectué avec le chef de l’Etat. C’est d’ailleurs Emmanuel Macron qui annonce la généralisation du projet et le retour des maths dans le tronc commun de la classe de première.

« C’est assez sidérant. Le vrai ministre de l’Education nationale est à l’Elysée. Toutes les mesures réformatrices ont été annoncées par le président de la République. Il est même allé dans le détail de l’indemnité des stages des élèves en lycées professionnels, et de la revalorisation des enseignants. Pap Ndiaye a été court-circuité sur tout, dépossédé du pilotage de son ministère sauf, jusqu’à une date récente, du chantier de la mixité sociale à l’école, avant que le chef de l’Etat ne signe la fin de la partie dans une interview au journal l’Opinion », analyse Max Brisson.

« Il n’a pas mesuré la puissance du lobby de l’école privée »

Après s’être montré assez offensif sur cette question, le plan de Pap Ndiaye avait finalement été reporté pour se solder par un simple protocole d’accord non contraignant signé avec l’enseignement privé catholique. « Oui, son projet a été entravé. On lui a expliqué qu’il fallait qu’il s’arrête. Il n’a pas mesuré la puissance du lobby de l’école privée », regrette Pierre Ouzoulias, auteur d’une proposition de loi qui conditionne le financement des établissements privés à des critères de mixité sociale.

Au Sénat, les déclarations passées de Pap Ndiaye sur le wokisme « un épouvantail plus qu’une réalité sociale ou idéologique » et l’islamo-gauchisme, « un terme (qui) ne désigne aucune réalité », avait inquiété la majorité de droite dès sa prise de fonction. « Il y a un flou artistique permanent autour de sa conception de la laïcité. Une laïcité trop accommodante qui se contente de laisser la main aux chefs d’établissement pour appliquer la loi 2004 (qui interdit le port des signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires) », dénonce aujourd’hui Max Brisson. La refonte du Conseil des sages de la laïcité, lancé par Jean-Michel Blanquer et dont le successeur a élargi la composition et les missions, n’a fait que conforter les craintes de la droite. Régulièrement interpellé aux questions d’actualité au gouvernement sur la hausse du port de signe religieux dans les établissements scolaires, Pap Ndiaye défend une laïcité « qui ne doit pas seulement être crainte », mais aimée ». « C’est très important pour convaincre et ne pas simplement faire respecter, au sens strict du terme », a-t-il justifié dernièrement au Sénat.

L’ombre de Brigitte Macron

Mais quand il n’est pas désavoué par Emmanuel Macron, le ministre l’est par sa femme. En janvier dernier, Brigitte Macron s’était publiquement exprimée en faveur du port de l’uniforme à l’école, quelques jours après une fin de non-recevoir clairement exprimée par Pap Ndiaye. Plusieurs suicides d’adolescents harcelés dans leurs établissements scolaires ont ému l’opinion et le ministre lui-même, au bord des larmes au Sénat, en janvier dernier. Mais ses mesures prises pour endiguer le harcèlement scolaire exacerbé par les réseaux sociaux ont déçu les familles des victimes et les personnels enseignants. La mise en place d’une heure de sensibilisation sur cette question dans les établissements a été perçue comme précipitée et pas à la hauteur de l’enjeu par les syndicats. Et là encore, il s’est vu damer le pion par la femme du Président. Après un entretien avec le ministre jugé décevant par la mère de Lindsay, une collégienne de 13 ans qui s’est donné la mort, Brigitte Macron a repris la main en lui proposant « d’être ambassadrice pour lutter contre le harcèlement ».

La sénatrice socialiste, Sabine Van Heghe, co-auteure d’un rapport sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, avait quant à elle « trouvé le ministre à l’écoute » quand elle lui avait présenté ses recommandations. « Le ministre avait pris tout son temps pour nous entendre. Force est de constater que depuis cette entrevue peu de choses ont été mises en place. Par exemple, le programme pHARe (un plan de prévention du harcèlement et du cyberharcèlement, ndlr) n’est pas appliqué sur tout le territoire. Le ministre a annoncé pour la rentrée prochaine la nomination d’un référent pour coordonner les actions contre le harcèlement scolaire. Mais cette mesure figurait déjà dans notre rapport. Après, je ne peux pas critiquer le ministre quand il ne prend pas de mesures et lui reprocher d’annoncer dans l’urgence une heure de sensibilisation contre le harcèlement », reconnaît-elle.

« Le costume est peut-être un peu grand pour lui, le poste de ministre de l’Education nationale est devenu de plus en plus politique tout en restant technique », relève le sénateur LR, Olivier Paccaud.

 

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