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Edouard Philippe candidat à la présidentielle : « Il a rompu très officiellement avec Emmanuel Macron »
Par Henri Clavier
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Alors que la France attend encore un Premier ministre, Edouard Philippe postule pour le poste de Président de la République. Dans une interview accordée au Point le 3 septembre, l’ancien locataire de Matignon a fait acte de candidature pour « la prochaine élection présidentielle ». En prenant soin de ne pas parler de 2027, année de l’élection, Edouard Philippe envisage la possibilité d’une élection anticipée faisant suite à une démission d’Emmanuel Macron ou à une nouvelle dissolution de l’Assemblée plongeant la France dans une crise politique encore plus profonde. Un motif de friction supplémentaire entre l’ancien couple exécutif qui entretient aujourd’hui des relations glaciales. Depuis son départ de Matignon en 2020, Edouard Philippe soigne son image et prend ses distances avec le chef de l’Etat qu’il espère remplacer. Après la dissolution, le maire du Havre avait vivement critiqué Emmanuel Macron expliquant que le Président de la République avait « tué la majorité présidentielle ». Avec l’annonce de sa candidature, le normand acte sa rupture avec le chef de l’Etat.
Habitué à la discrétion, le maire du Havre sait également occuper le terrain. Très visible auprès des candidats pendant la campagne des élections législatives, l’ancien Premier ministre avait effectué une rentrée politique remarquée en 2023 avec la sortie d’un livre avant de multiplier les passages médiatiques.
Un timing discutable ?
« Le moment est parfait parce que le pays est en train de considérer qu’Emmanuel Macron est un problème, il y a une recherche de successeur, donc il arrive au bon moment », estime Philippe Moreau-Chevrolet, président de l’agence de conseil et de communication MCBG Conseil et professeur de communication politique à Sciences Po. En pleine crise politique, annoncer sa candidature pour l’élection présidentielle alors qu’un Premier ministre pourrait être nommé dans la journée peut paraître surprenant. « On comprend la stratégie, mais c’est trop décalé pour que cela soit vraiment malin », considère Emilie Zapalski, conseillère en communication et fondatrice de l’agence Emilie conseil. Surtout, en choisissant ce moment, Edouard Philippe risque de donner l’impression qu’il « vise 2027 et enjambe les difficultés actuelles », ajoute Emilie Zapalski.
Par ailleurs, si Edouard Philippe bénéficie d’une cote de popularité importante depuis plusieurs années, le maire du Havre se montre relativement discret sur la scène nationale. Pour l’instant, les propositions de l’ancien Premier ministre restent assez vagues même s’il plaidait pour la retraite à 67 ans. « Je me prépare pour proposer des choses aux Français. Ce que je proposerai sera massif », assure Edouard Philippe dans son entretien au Point. « On peut s’attendre à ce qu’il feuilletonne sa candidature, il va devoir égrener des propositions pour monter en puissance, toute une machine se met en place, cela fait un moment qu’il travaille sur son réseau local », rappelle Philippe Moreau-Chevrolet.
Reprendre la main sur le bloc central
En se déclarant aussi tôt, Edouard Philippe pourrait chercher à contester le leadership du Président de la République. « Il a rompu très officiellement avec Emmanuel Macron », analyse Philippe Moreau-Chevrolet. Une situation paradoxale pour l’ancien Premier ministre qui doit à la fois incarner la succession et la rupture avec Emmanuel Macron. Le maire du Havre pourrait profiter du ressentiment au sein de Renaissance à l’encontre du chef de l’Etat après la dissolution. En effet, la dissolution a coûté cher au bloc central qui a perdu un peu plus de 80 sièges. Emmanuel Macron ne pouvant se présenter lors de la prochaine élection présidentielle, Edouard Philippe rêve de fédérer de « la social-démocratie à la droite conservatrice ». « Il ressort en termes d’image et de notoriété à droite, il surfe sur cette image d’homme providentiel que l’on projette sur lui », souligne Emilie Zapalski. « Il le fait à un moment où ni Gabriel Attal ni Gérald Darmanin ne peuvent s’exprimer », ajoute Philippe Moreau-Chevrolet qui y voit une manœuvre habile de la part du fondateur du parti Horizons. Par ailleurs, Edouard Philippe n’a pas retenu ses coups contre Laurent Wauquiez et devrait également essayer de séduire une partie de la droite.
« Dès qu’il va rentrer dans le concret, ça va être très compliqué »
A plus de deux ans de l’élection, un certain nombre d’obstacles demeurent et sa capacité à reprendre la main sur le bloc central interroge. La distance, assumée, qu’il affiche depuis plusieurs années pourrait se retourner contre lui. « Dès qu’il va rentrer dans le concret, ça va être très compliqué. Durant les législatives, il s’était donné le rôle du sauveur mais était resté loin du bruit médiatico-politique », prévient Emilie Zapalski. Par ailleurs, la concurrence pour reprendre la main sur le bloc central risque d’être importante avec notamment Gabriel Attal qui a pris ses distances avec le chef de l’Etat à la suite de la dissolution. Ce dernier, plus en vue et plus actif durant la campagne des législatives pourrait aisément mettre en lumière les failles d’Edouard Philippe. « La question de l’incarnation est centrale, c’est son handicap principal, il n’est pas chiraquien, il n’est pas dans la séduction, plutôt dans un rôle technocratique, donc l’enjeu sera aussi de réussir à toucher une frange plus populaire », relève Philippe Moreau-Chevrolet.
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