La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
EDF : « Les remontrances publiques d’Emmanuel Macron sont scandaleuses, je suis sidérée par tant de culot et de déloyauté », s’indigne Sophie Primas
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Il y a des histoires d’amour qui finissent mal. Après 8 ans à la tête de l’entreprise historique française s’il en est, on sait depuis juillet que Jean-Bernard Lévy et l’Etat « ont entamé le processus de succession » du PDG d’EDF, qui avait été reconduit par Emmanuel Macron en 2019. Bruno Le Maire a assuré ce mardi matin sur BFM-TV / RMC que le nom du nouveau patron de l’énergéticien serait connu « dans les prochains jours », alors qu’en pleine crise énergétique, l’arbitrage final sera fait à l’Elysée. « Il faudrait quelqu’un avec à la fois une culture industrielle, et une culture du service public », espère Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice du parti Gauche Républicaine et Socialiste (GRS). « Il va falloir quelqu’un d’assez solide », analyse le sénateur communiste Fabien Gay, qui ne veut pas trop s’attarder sur des problèmes de personne : « La question c’est quel mandat on va donner à cette personne, quelle qu’elle soit. » De même, pour le sénateur LR Gérard Longuet, qui souhaite seulement que l’Etat « en prenne un bon », alors que d’après lui, Jean-Bernard Lévy « part de lui-même parce qu’il a le sentiment que l’actionnaire ne sait pas ce qu’il veut. »
« Quand on dit qu’à long terme il faudra fermer des centrales, l’entreprise ne recrute plus, c’est réel »
Difficile de savoir exactement ce qu’il s’est passé entre l’Etat la direction actuelle d’EDF, mais ce qui est certain, c’est que pour répondre aux critiques de Jean-Bernard Lévy exprimées la semaine dernière aux Rencontres des entrepreneurs de France organisées par le Medef, Emmanuel Macron n’a pas hésité à tacler le PDG. Celui-ci avait mis en cause le cap donné par l’Etat dans la dernière décennie, alors actionnaire à 84 % de l’entreprise depuis en voie de nationalisation : « Pourquoi on n’a pas assez d’équipes formées ? Parce que l’on nous a dit que le parc nucléaire va décliner, 'préparez-vous à fermer des centrales'. On a déjà fermé les deux premières. Ce sont d’ailleurs les textes en vigueur au moment où l’on se parle. On nous a dit : 'Préparez-vous à fermer les douze suivantes'. Nous, avec la filière, nous n’avons pas embauché de gens pour construire douze centrales, nous avons embauché pour en fermer douze », avait alors déclaré Jean-Bernard Lévy. Réponse d’Emmanuel Macron : « Ce que j’ai entendu dans le débat public ces dernières semaines est inacceptable parce que c’est faux et irresponsable. C’est absolument inacceptable que les gens qui ont eu la responsabilité des travaux de maintenance du parc installé puissent expliquer aujourd’hui que nous n’avons pas pris nos responsabilités. Les travaux de grand carénage ont été décidés et les investissements de formation ont été pris. »
En clair, en pleine crise énergétique et avec 32 réacteurs nucléaires à l’arrêt, planifié ou pas, EDF et l’Etat se renvoient la balle de la responsabilité de l’état actuel du parc. « Je ne vais pas prendre parti, et l’état de leurs relations ne m’intéresse pas », temporise Fabien Gay, l’un des parlementaires qui suit de plus près l’actualité de l’énergéticien français. « Une entreprise a besoin de stabilité et d’avoir une vision sur le long terme. Ce qui est réel, c’est qu’il y a eu un choix fait par François Hollande et confirmé par le premier quinquennat de Macron de fermer un certain nombre de réacteurs, avant un revirement. Et quand on dit que le long terme ça sera moins de nucléaire et qu’il faudra fermer des centrales, l’entreprise ne recrute plus, c’est réel. » La présidente LR de la commission des Affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, se montre moins diplomate : « Les remontrances publiques d’Emmanuel Macron sont scandaleuses. Si M. Lévy a des responsabilités que je ne connais pas, le Président pouvait le remplacer sans l’humilier de la sorte. Cette attitude est irresponsable, qui va prendre le risque de diriger cette entreprise ? Je suis sidérée par tant de culot et de déloyauté. »
« C’est l’Etat qui a tergiversé et a fait l’autruche sur les besoins financiers, puis a trouvé un bouc émissaire »
Le sénateur communiste Fabien Gay rappelle tout de même que Jean-Bernard Lévy a été d’après lui l’exécutant d’une stratégie infructueuse fixée par l’Etat, et pas une simple victime : « Les défauts d’entretien ce n’est pas que la crise covid. On a cassé des métiers à l’intérieur d’EDF, pour des réductions d’effectifs et pour casser les statuts des IEG [la branche professionnelle des industries électriques et gazières en France, ndlr]. EDF est une entreprise détenue à 84 % par l’Etat, si Emmanuel Macron n’était pas d’accord avec la politique d’EDF, il aurait dû donner d’autres perspectives politiques. L’Etat a aussi accompagné cette casse des métiers, Jean-Bernard Lévy a exécuté. » Sur le fond, la défense d’Emmanuel Macron a ainsi du mal à convaincre la présidente de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas (LR) : « M. Lévy n’a cessé d’alerter sur les difficultés générées par la politique énergétique décidée par Mme Royal quand Emmanuel Macron était conseiller économique de François Hollande, puis ministre, puis Président : sur le mécanisme de l’Arenh [dispositif obligeant EDF à vendre une partie de sa production nucléaire à un tarif régulé à ses concurrents, ndlr], sur la fermeture des centrales, le discours antinucléaire et ses conséquences sur la perte de compétences. Tout cela a alimenté les rapports que nous avons faits sur la filière et le risque de black-out. » De même quand Emmanuel Macron explique que l’entretien des centrales est décorrélé de la relance du nouveau nucléaire, Gérard Longuet (LR) n’achète pas la justification du Président de la République : « L’industrie nucléaire est la même : les expériences en matière de soudure, de métallurgie, de canalisations, de vannes, tout cela rejaillit immédiatement sur l’entretien et le savoir-faire des constructeurs. Un secteur d’activité dont on annonce la mort a du mal à avancer, même si c’était moins marqué pour la présidence d’Emmanuel Macron. »
D’autant plus que d’après lui, la défense du Président de la République consistant à rappeler qu’il a repoussé l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique de 2025 à 2035 pour « donner de la visibilité à la filière » est assez légère : « Pour faire plaisir à Nicolas Hulot, il n’a jamais annoncé très clairement le nombre de centrales qu’il voulait faire fabriquer pour renouveler les centrales existantes. Et même si l’on repousse l’échéance de 50 % de nucléaire, vous ne pouvez pas faire l’électrification des usages et de l’hydrogène sans augmenter la production d’électricité décarbonée. Or le Président Macron n’en a pas tenu compte, et n’a pas remis en cause la loi de transition énergétique et de croissance verte qui tablait sur une consommation électrique qui stagnerait. » Une fois n’est pas coutume Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice rattachée au groupe communiste, abonde : « La première responsabilité, c’est celle de l’Etat, qui est clairement dans une fuite en avant. On ne peut pas dire qu’EDF n’avait pas travaillé sur les nécessités financières sur le grand carénage, c’est l’Etat qui a tergiversé et a fait l’autruche sur les besoins financiers, puis a trouvé un bouc émissaire qui est le PDG d’EDF. On n’a jamais voulu avoir une confrontation objective avec les écologistes sur ça [pendant le quinquennat de François Hollande, ndlr]. Chacun faisant comme si en diminuant le nucléaire, on allait faire plus d’énergies renouvelables. »